Jacques 4.1-3
1 D'où viennent les conflits, d'où viennent les querelles parmi vous, sinon de vos plaisirs qui combattent dans votre corps tout entier ? 2 Vous désirez et vous ne possédez pas ; remplis de passion jalouse, vous assassinez, et vous ne pouvez rien obtenir ; vous multipliez les querelles et les conflits, mais vous ne possédez pas, parce que vous ne demandez pas. 3 Si vous demandez, vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de pouvoir dépenser pour vos plaisirs.
Marc 9.30-35
"30 Partis de là, ils traversaient la Galilée, et il ne voulait pas qu'on le sache. 31 Car il instruisait ses disciples et leur disait : Le Fils de l'homme est sur le point d'être livré aux humains ; ils le tueront, et, trois jours après sa mort, il se relèvera. 32 Mais les disciples ne comprenaient pas cette parole, et ils avaient peur de l'interroger. 33 Ils arrivèrent à Capharnaüm. Lorsqu'il fut à la maison, il se mit à leur demander : A propos de quoi raisonniez-vous en chemin ? 34 Mais eux gardaient le silence, car, en chemin, ils avaient discuté pour savoir qui était le plus grand. 35 Alors il s'assit, appela les Douze et leur dit : Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous.
PRÉDICATION
Ce matin, le cadre général de cette prédication c'est la confrontation philosophique antique entre le mythos en grec et le logos toujours en grec. Ça a l'air un peu abrupt de dire ça d'emblée mais en fait c'est simple. Pour Platon par exemple, il faut sortir du mythe, parce que c'est une prison dans laquelle les gens vivent, croient, font la guerre, et s'imaginent à tort vivre quelque chose de réel puisque le mythe raconte leur origine et décrit leur comportement. On se sort du mythe au moyen du logos, ou la logique, de la raison qui est une sorte d'onde électrique qui nous parcourt et qui nous remet dans la vérité. En gros, le mythos ou le mythe c'est là où on se la raconte, et le logos, lui, nous envoie dans la vérité. « ceux qui philosophent en recourant au mythe ne valent pas la peine qu’on les traite sérieusement. » dira Aristote.
Ça c'est pour le cadre général. Mais il y aura aussi un personnage, qui est un petit chaton qui s'appelle mégalo. Un petit chaton qui ronronne en nous en permanence si nous le caressons dans le sens du poil. Un petit chaton que tout le monde a, car tout le monde a nécessairement sa part de mégalomanie. Le tout, on va le voir, c'est de ne pas mal se débrouiller au point de libérer ce chaton de notre vigilance et de lui permettre de se transformer en bête féroce.
En chemin, ils avaient discuté pour savoir qui était le plus grand. (Le plus grand- en grec un comparatif dérivé d'un autre mot grec qui a donné « mégalo »)
En chemin, ils avaient discuté pour savoir qui était le plus grand.
Et vous ? Vous en avez discuté, de ça, sur le chemin de votre existence ?
Allez c'est humain... Je ne crois pas qu' on soit atteint de mégalomanie si on a un jour pensé que - o certes pas dans tous les domaines – mais que dans undomaine particulier ou dans un sousdomaine particulier, si on a pensé « être le plus grand » « le meilleur » . Pas universellement. Mais dans sa catégorie.
Vous n'y avez jamais pensé ? Vous avez toujours pensé que dans tousles domaines de votre existence vous avez toujours été moyen ou moins bon que tous ceux et celles avec qui vous auriez pu vous comparer ? Sérieusement ?
Je vous invite à réfléchir et à être sincères avec vous mêmes. Dans un des domaines de votre vie...n'avez vous jamais...pensé... à avoir été ou à être encore « le meilleur »...
En tous les cas, j'espère que vous l'avez pensé...parce que si ça se trouve, dans ce domaine ou sous domaine précis... c'était vrai ? Ou peut être pas . Qui sait ? Qui peut le dire...À part vous !
Mais à mon modeste niveau, ayant pratiqué professionnellement l'humanité depuis plus de trente ans, j'affirme que chacun a sa part de mégalomanie... que chacun s'est senti, à un moment « le meilleur » de sa catégorie... Chacune des personnes que j'ai rencontrée m'a dit, de façon plus ou moins subreptice, de façon plus ou moins consciente qu'elle était, qu'elle avait été, à un moment peut être « la meilleure de sa catégorie ».
Oh bien sûr...la société dans laquelle nous avons été élevés et dans laquelle nous sommes ne nous demande pas notre avis et en général, un tamis nous a sélectionné et nous a classé d'emblée. Et nous a permis de nous positionner, nous a mis en rang, premier de la classe, premier de cordée...il y a un beau travail de dégrossissement qui très tôt a été fait ce qui est utile pour ne pas laisser à ceux qui étaient régulièrement classés dernier ou très moyen l'envie de rentrer dans la compétition. Le jeu peut donc commencer et de cette façon apparaissent cycliquement « des plus grands » plus ou moins remplacés par des « plus grands ». Des premiers de la classe remplacent d'autres premiers de la classe, et des meilleurs d'entre nous remplacent les meilleurs économistes de France, par exemple. Et d'un point de vue philosophique nous sommes en plein dans le mythe que nous mettons consciencieusement en scène . Alors que, diraient Platon ou Aristote, tout ça est faux, car n'étant basé sur rien de réel.
C'est pour cela qu'il faut éviter de tenter d'éprouver, quand ce n'est pas nécessaire, notre petite part de mégalomanie. Qu'il faudrait éviter de la projeter sans défense dans la grande loterie sociale, car ça pourrait faire très mal. Ce petit chaton qui ronronne au fond de nous, que nous nourrissons constamment, ce chaton précieux qui s'appelle « mégalo » devrait éviter d'être confronté dans la savane sociale à l'impitoyable sélection pour savoir qui est le plus grand du moment. Parce que là, pour faire fonctionner le mythe, il n'aurait pas d'autres choix que de mourir ou de devenir la plus féroce des bêtes féroces. Parfois nous en sommes à peine responsable ! Parfois quelqu'un se précipite sur vous, et vous jette « oh vous, vous êtes vraiment le meilleur ». Quelque soit la personne qui vous le dise à moins qu'il vous soit notoire que cette personne le dise à tout bout de champ et à tout le monde...vous avez peut être tendance à le croire. Et « mégalo » votre petit chaton, risque alors de sortir de sa tanière et de vouloir vivre ses premiers pas dans la savane. A ce moment là votre vie deviendra un enfer qui ne pourra se conclure au mieux que par une amère déception ou dans la nostalgie d'une époque imaginaire où vous aviez cru « être le plus grand ». Car frères et sœurs, notre évangile du jour, nourri aux meilleures sources antiques nous dit qu' « être le plus grand » ou « le meilleur » y compris uniquement dans notre catégorie ou dans notre sous catégorie n'est juste, comment dire qu'un élément – totalement simpliste d'un mythe, c'est-à-dire d'une fiction qui fictionnerait le fait qu'il existe des « les plus grands » « les meilleurs ». Une fiction qui est heureusement contrecarrée par l'ironie populaire qui a décrété une bonne fois pour toutes que ce sont toujours les meilleurs qui s'en vont.
Il vaut mieux continuer à entretenir clandestinement notre chaton et ronronner tranquillement en continuant à penser sans que personne ne s'en aperçoive que « nous sommes le meilleur » dans notre catégorie.
Sauf en athlétisme... c'est sans doute pour cela que dans la Grèce antique où Platon et Aristote bataillaient contre le mythe au profit de la logique et de la vérité, c'est sans doute pour cela que dans cette même Grèce Antique, l'athlète n'étant pas du côté du mythe puisque sa valeur pouvait être objectivée par la raison. L'athlétisme était philosophiquement acceptable. Il n'y a pas de discussion pour savoir qui est le meilleur, dans chaque catégorie.
Mais en dehors du strict domaine sportif, nous retombons dans le domaine du mythe. Qui pourra avoir les critères suffisants pour nommer les plus grand des médecins, écrivains, des prédicateurs, des cuisiniers, des parents, des couturiers ou des musiciens ? Même si dans une ou l'autre de ces catégories je reçois un jour un trophée, qui pourra dire que ce que raconte ce trophée est vrai ? A part moi ? Et quelques fans qui se miroiteraient en moi ?
Alors quand nous entendons cette histoire biblique où Jésus raconte à ces disciples qu'il va mourir et revenir à la vie et que eux, ne comprenant rien à ce qu'il raconte, préfèrent discuter pour savoir qui est le plus grand parmi eux, au point d'en avoir honte quand Jésus leur demande de quoi ils discutaient en marchant, quand nous entendons cette histoire nous devrions presque nous sentir pris sur le fait.
Cela dit, qu'est ce qu'on va faire de notre chaton, notre mégalo qui ronronne et qui nous permet quand même d'être rassuré dans ce monde si dangereux, tellement concurrentiel, avec tous ces milliards de gens qui pensent ou veulent ou croient qu'ils sont les plus grands ou devraient être reconnus comme tel.
Jésus a la réponse. Et cette réponse est une réponse alchimique. Il s'agit de transformer le plomb en or.
Plutôt que de croire que nous serions capables d'abandonner ce chaton, nous ferions mieux d'écouter Jésus qui invite ses disciples non pas à se dévaloriser mais à se ressentir le premier et à utiliser cette force, cette fureur, cette part de mégalomanie, et à la mettre au service de tous. D'une certaine manière à devenir le plus petit d'entre tous...maisavec cette force initiale. Je serai le plus grand au service de tous.
Ca me fait penser à un orchestre d'élite composé des meilleurs, et quand je vois un orchestre, j'imagine les coulisses, je pense aux jalousies, aux rivalités, aux rancoeurs recuites et pourtant parfois, le résultat est prodigieux, sans doute parce que tous ces plus grands savent, et sans doute sous la houlette d'un chef, se mettre service de tous.
Même Jésus renvoie plusieurs fois, ceux qui prétendent l'adorer lui, à celui qui est plus grand que lui. Ce père qui est aux cieux, qui est Dieu. Celui qui est réellement plus grand que tous. Un fait théologiquement très brut, très simple, qui devrait logiquementconclure toute forme de discussions sur le thème du « qui est le plus grand » .
Mais nous avons encore des Trump, des Poutine, des Horban, des Erdogan. Même personnages éternels, même faux dieux autoproclamés qui se battent depuis la nuit des temps pour savoir qui est le plus grand, ou le plus grand de sa région...Alors ce texte invite à clore cette discussion et à enfin écouter ce que Jésus a tenté de dire à ses disciples : Le Fils de l'homme est sur le point d'être livré aux humains ; ils le tueront, et, trois jours après sa mort, il se relèvera
Ce texte invite à faire un gigantesque effort et à entendre qu'il y a une porte de sortie du mythe qui nous enveloppe .
Il convient qu'il y a une patience de 3 jours– et nous sommes dans cette patience- et après ces trois jours, il se relèvera. La mégalomanie ne sera plus. Le mythe ne sera plus notre langage coutumier.
Ce troisième jour, il n'y aura enfin plus de discussion pour savoir qui est le plus grand. Même le premier violon, et même le soliste de renom sera au service de tous.
C'est l'utopie du mouvement évangélique. C'est notre devoir d'entendre cela nous qui nous voudrions Église du Christ.