Aux Archives nationales, la Collaboration-

Pour la première fois, les Archives nationales donnent à voir la Collaboration avec 300 documents datant de l'épuration.



Une politique portée dès le début par Vichy et poursuivie sans retournement jusqu'en 1944, une idéologie radicale qui revendique avec force le fascisme : cette exposition donne une idée de l'ampleur du phénomène . 
Source : les archives de l'épuration, issues des trois juridictions instaurées entre juin et novembre 44 : les cours de justice, les chambres civiques et la Haute Cour de Justice (réservée aux membres du gouvernement de Vichy). Ces instances ont reçu le produit de saisies et perquisitions. L'ouverture de ces archives consultables jusqu'à présent seulement par dérogation a été autorisée pour cette exposition par le Ministère de la Justice.
Esquisse d'inventaire désordonné :
Un bas-relief d'un anonyme, commémorant et magnifiant l'entrevue de Montoire. Des myriades de petits bustes du Maréchal. Un cahier d'école titré "cahier de propagande".
Un document du Mémorial de la Shoah qui montre l'implication immédiate du Maréchal dans la politique antisémite : les corrections faites de sa main pour aggraver le projet de statut des juifs en octobre 40. Il élargit le domaine des interdictions professionnelles et abolit toute distinction entre juifs français et étrangers.
L'édition originale des Beaux draps de Céline, oeuvre non rééditée et pour cause : son antisémitisme s'y révèle avec violence à chaque page. Dans la partie réservée à la vie "culturelle" sous l'Occupation, on trouve aussi des lettres écrites avec enthousiasme à Lucien Rebatet pour le féliciter de ses Décombres : lettre de Céline saluant la "perfection infectieuse" de ce texte, lettre d'un officier prisonnier en Allemagne qui écrit pour soutenir cet ouvrage et revendiquer avec force ses convictions fascistes.
Les chefs de partis : Doriot, exclu du PCF en 1936 et fondateur du PPF (Parti populaire français) ; Marcel Déat, normalien agrégé de philosophie, fondateur du RPN (Rassemblement national populaire). Le journal de Marcel Déat : dix volumes dactylographiés et pour l'instant inédits.
La francisque : une liste des décorés, avec leurs fiches. Charles Maurras par exemple ou Charles Vanel, l'acteur ; mais aussi cet autre qui est radié de la liste pour cause de "gaullisme". Sur la carte de chaque décoré, on peut lire (de mémoire) : "Je me donne au Maréchal comme le Maréchal s'est donné à la France."
Une salle consacrée aux trois ennemis de Vichy : les bolchéviques, les juifs et les francs-maçons. Tous ont eu droit à leur fichier, à des expositions de propagande destinés à tous publics et notamment aux enfants. Une vitrine verticale contient une haute pile de dossiers "d'aryanisation". Dossiers souvent particulièrement minces. Une visiteuse commente : "c'est important de donner à voir ces piles. La propagande propageait des juifs l'image de potentats richissimes. Or le plus souvent, il n'y avait pas grand chose à "aryaniser". Dans un dossier présenté au Musée du Cercil à Orléans, il y a juste une paire de ciseaux..
Salutaire exposition dans un temps de tourmente où les discours d’exclusion sont vivaces, où l’on peut lire « Soral a raison » sur un autocollant posé sur l’abribus, où les achats en librairie de Zemmour, Houellebecq et Renaud Camus sont nombreux et où s’élabore une réflexion (qu’il faut espérer durable) sur la construction d’une culture civique et critique à l’Ecole.
Exposition à voir aux Archives nationales, 60, rue des Francs Bourgeois 75003, jusqu’au 2 mars 2015

Claire Gruson

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