LA LITURGIE
Musique
SALUTATION ET ANNONCE DE LA GRACE (Joey)
Le Seigneur est présent parmi nous.
Le Seigneur nous rassemble.
Le Seigneur nous unit.
Que son amour nous habite.
Que sa présence nous éclaire.
Que sa parole nous fortifie.
LOUANGE (Joey) [Debout]
Louez l’Éternel, invoquez son nom, faites connaître parmi les peuples ses hauts faits. Car il a fait pour nous de grandes choses et nous sommes dans l’allégresse. Il est notre Dieu, nous l’exaltons, nous le célébrons.
Gloire soit à Dieu, dans l’Église et en Jésus-Christ, de génération en génération, aux siècles des siècles.
Amen.
Psaume 33 p.56-57, 5 strophes
PRIERE DE CONVERSION [Assis] (lecteur)
Père, je ne veux pas ce matin faire la liste de tous mes manquements et de toutes mes fautes, de mes faiblesses et de mes imperfections. Je le sais bien, tu le sais bien, je ne suis pas un être parfait.
Père, je veux ce matin déposer ma vie devant toi, toute ma vie. Non plus seulement les pensées furtives, les prières secrètes, les élans momentanés que je t’accorde quand cela me plaît. Mais toute ma vie, ses jours et ses nuits, pour que toute ma vie soit aimée par toi, apaisée par toi.
Je ne me méprise pas ; je ne te demande pas de m’abaisser. Je te demande, Père, de me libérer de l’angoisse de vouloir tout maîtriser, de me délivrer de la pensée que je doive faire mes preuves à chaque instant.
Rappelle-moi sans cesse que la paix vient de toi, que la vie vient de toi, que l’amour vient de toi, que l’espérance vient de toi.
Amen.
44-04 (a toi Jésus mon rédempteur) p.658-659 strophe 1
ANNONCE DU PARDON (lecteur)
L’apôtre Paul déclare : « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création. Et ce qui est ancien est passé : il y a là du nouveau. Et tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ, et qui nous a donné le ministère de la réconciliation. » (2 Corinthiens 5,17-18)
Cette promesse est pour nous, lorsque nous doutons sur notre chemin, lorsque nous nous sentons indignes, lorsque nous plions sous la routine ou la difficulté de la vie.
Cette nouvelle création n’est pas le fruit de nos repentirs ou de nos efforts, elle est l’œuvre du Seigneur crucifié et ressuscité, celui qui demeure chaque jour à nos côtés, quoiqu’il arrive, jusqu’à la fin des temps.
Que Dieu nous mette au cœur l’assurance de son pardon et qu’Il nous donne de marcher vers son Royaume.
Chantons notre reconnaissance
44-04 strophe 2 [Debout]
VOLONTE DE DIEU [Debout] (lecteur)
« Avec quoi me présenterai-je devant le SEIGNEUR ? Avec quoi m’inclinerai-je devant le Dieu d’en haut ? Me présenterai-je avec des holocaustes, avec des taurillons d’un an ? Le SEIGNEUR agréera-t-il des milliers de béliers, des dizaines de milliers de torrents d’huile ? Donnerai-je mon premier-né pour ma transgression, donnerai-je le fruit de mon ventre pour mon propre péché ?
« Il t’est fait connaître, ô humain, ce qui est bon ; et qu’est-ce que le SEIGNEUR réclame de toi, si ce n’est que tu agisses selon l’équité, que tu aimes la fidélité, et que tu marches modestement avec ton Dieu ? » (Michée 6,6-8)
44-04 strophe 3
PRIERE D’ILLUMINATION [assis] [ensemble] (lecteur)
Père, ta Parole est pour nous ferment du Royaume et germe d’espérance. Que par ton Esprit, nous la recevions avec simplicité et avec joie. Que cette Parole nous fasse porter les fruits que tu attends afin de repartir renouvelés par l’annonce de ta Bonne Nouvelle.
LECTURE (lecteur)
GENESE 28, 10-15
Jacob partit de Bersabée pour Harrân. Il atteignit un lieu où il passa la nuit, car le soleil s'était couché. Il prit l'une des pierres du lieu, la plaça sous sa tête et se coucha en ce lieu. Il fit alors un rêve : un escalier était dressé sur la terre, et son sommet touchait au ciel ; les messagers de Dieu y montaient et y descendaient. Le Seigneur se tenait au-dessus de lui ; il dit : Je suis le Seigneur le Dieu d'Abraham, ton père, et le Dieu d'Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je te la donnerai, à toi et à ta descendance. Ta descendance sera aussi nombreuse que les grains de poussière de la terre ; tu t'étendras à l'ouest et à l'est, au nord et au sud. Tous les clans de la terre se béniront par toi et par ta descendance. Je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras et je te ramènerai vers cette terre ; car je ne t'abandonnerai pas, jusqu'à ce que j'aie fait ce que je t'ai dit.
MARC 10,35-45
Les deux fils de Zébédée, Jacques et Jean, viennent lui dire : Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous te demanderons. 36Il leur dit : Que voulez-vous que je fasse pour vous ? 37– Donne-nous, lui dirent-ils, de nous asseoir l'un à ta droite et l'autre à ta gauche dans ta gloire. 38Jésus leur dit : Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que, moi, je bois, ou recevoir le baptême que, moi, je reçois ? 39Ils lui dirent : Nous le pouvons. Jésus leur répondit : La coupe que, moi, je bois, vous la boirez, et vous recevrez le baptême que je reçois ; 40mais pour ce qui est de s'asseoir à ma droite ou à ma gauche, ce n'est pas à moi de le donner ; les places sont à ceux pour qui elles ont été préparées.
41 Les dix autres, qui avaient entendu, commencèrent à s'indigner contre Jacques et Jean. 42Jésus les appela et leur dit : Vous savez que ceux qui paraissent gouverner les nations dominent sur elles en seigneurs, et que les grands leur font sentir leur autorité. 43Il n'en est pas de même parmi vous. Au contraire, quiconque veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; 44et quiconque veut être le premier parmi vous sera l'esclave de tous. 45Car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude.
Musique
PREDICATION
Musique
CONFESSION DE FOI [ensemble] (Lecteur)
Il n’est pas vrai que ce monde et ses habitants soient condamnés à mourir et se perdre. Ceci est vrai : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. »
Il n’est pas vrai qu’il faille accepter l’inhumanité et la discrimination, la pauvreté et la faim, la destruction et la mort. Ceci est vrai : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. »
Il n’est pas vrai que la violence et la haine doivent avoir le dernier mot, et que la guerre et la destruction doivent exister à jamais. Ceci est vrai : « Un enfant nous est né, un Fils nous est donné. La souveraineté est sur ses épaules. On proclame son nom : Prince de la paix. »
Il n’est pas vrai que nous soyons simplement victimes des puissances du mal qui cherchent à gouverner le monde. Ceci est vrai : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps. »
Il n’est pas vrai, pour faire quoi que ce soit que nous devions, attendre ceux qui sont particulièrement doués, les docteurs ou les prophètes. Ceci est vrai : « Je répandrai mon Esprit sur toute chair. »
Il n’est pas vrai que nos rêves de libération pour l’humanité, de justice, de dignité humaine et de paix ne soient pas pour cette terre et pour cette histoire-ci. Ceci est vrai : « L’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. »
34-29 p.467 3 strophes
ANNONCES
OFFRANDE
INTERCESSION (lecteur)
Seigneur, nous voulons être plus proche de toi sans que cette proximité nous éloigne de nos prochains. Nous te demandons d’élargir l’espace de nos vies, nous souhaitons pouvoir cueillir, accueillir, recueillir les être et les événements qui surviennent sur nos chemins :
Chanter avec ceux qui rient, pleurer avec ceux qui souffrent, songer avec ceux qui rêvent, agir avec ceux qui transforment, marcher avec ceux qui se lèvent, camper avec ceux qui font halte, regarder avec ceux qui montrent, échanger avec ceux qui parlent
Nous te demandons, Seigneur, de nous donner un cœur et un esprit nouveaux, un cœur et un esprit larges.
NOTRE PERE
EXHORTATION (Joey)
Que Dieu nous renouvelle pour son service et pour le service de tous. Qu’il nous donne le sens des vraies solidarités et des vrais partages. Que son Esprit nous pousse à voir où il nous appelle, qu’il nous montre notre route.
Que le Dieu de la paix vous forme en tout ce qui est bon pour faire sa volonté ; qu’il fasse en nous ce qui lui est agréable par Jésus-Christ, à qui soit la gloire à tout jamais. (Hébreux 13,20-21)
Amen.
14-05 p.215 strophes 1 et 2
BENEDICTION (Joey)
La paix de Dieu qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ. Que sa paix renaisse en nous chaque jour. Allons dans cette paix et dans cette joie.
14-05 strophe 3
LA PRÉDICATION , TEXTE À TÉLÉCHARGER, AUDIO
CULTE DU 20 OCTOBRE 2024, PRÉDICATION DE
M.JOEY COMMES
La hiérarchie… vieille obsession tout à fait humaine. On essaie de la balayer et elle revient sans qu’on n’y prenne garde. On a beau l’inverser, la renverser, la bouleverser, elle persiste sous une forme ou une autre. Jacques et Jean, appelés fils de Zébédée pour ne pas les confondre avec leurs différents homonymes dans le Nouveau Testament, au début veulent siéger à la droite et à la gauche de Jésus, et à la fin Jésus déclare que le Fils de l’homme est venu pour se donner à une multitude. Nous traversons ainsi tous les degrés d’une échelle semblable à celle du songe de Jacob, s’élevant dans les nuées mais qui s’enfonce dans la terre boueuse et souillée du sang du crucifié.
Je n’ai pas mentionné le songe de Jacob pour le plaisir. Dans ce songe, qui nous a été lu, le patriarche voit, au sommet d’une échelle, ou d’une rampe d’accès comme les temples antiques pouvaient en avoir selon les exégètes les plus pointilleux, Dieu qui donne la terre où Jacob dort à sa descendance. Cette image a été interprétée par nombre de chrétiens comme la préfiguration du Christ faisant le lien entre la terre et le ciel. Elle a même eu droit à un florilège de tableaux, sculptures, ou autres tapisseries à son honneur. Et dans ces représentations le Christ est au sommet comme un roi de gloire tandis que les anges à son service montent et descendent les échelons de l’édifice.
Le Christ, roi de gloire, au sommet de la hiérarchie des anges, et notre évangile du jour alors ? Relisons la finale : « Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » Et là vous avez tous envie de dire que ceux qui ont peint ou sculpté l’échelle de Jacob comme je vous l’ai décrit n’avaient rien compris, que ce ne devait être que des obscurantistes médiévaux ravagés par la peur des sorcières et autre superstition. On peut penser ça, mais ce serait oublier qu’ils ne sont pas les seuls à avoir ainsi placé le Christ au sommet de l’univers.
Car les personnages de la Bible le font déjà, avant l’Église, avant le christianisme. Notre passage du jour se trouve juste avant la guérison d’un aveugle qui interpelle Jésus en l’appelant : « Fils de David », ce qui veut quand même dire littéralement : fils de roi, héritier légitime de la maison royale d’Israël. C’est le titre du Messie attendu par les Judéens du premier siècle, pour lesquels ce Messie devait restaurer le royaume déchu et la grandeur du peuple de Dieu. Ne l’oublions jamais : le Messie attendu dans l’univers du Nouveau Testament est un homme de pouvoir censé rétablir un ordre politique disparu.
Le besoin de placer le Christ au sommet de la hiérarchie humaine est donc une obsession qui a précédé sa venue et qui a perduré bien après sa mort et sa résurrection. Souvent cette position dominante a servi à justifier les dominations qui se servaient de son nom comme d’un étendard, alors même que la simple lecture de notre texte du jour suffirait à contredire toute récupération politique de la figure de Jésus-Christ. Le Nazaréen refuse qu’on le considère comme un maître à l’image des puissants de ce monde. Il souligne même qu’il n’est qu’un serviteur des hommes pour aller dans ce sens. Le Messie est d’abord celui qui se donne pour les autres, seul est digne d’être placé à la tête du groupe celui qui renonce à lui-même pour ses membres. Le Seigneur, dans ce modèle, n’est plus le souverain qui écrase ses sujets.
Pourquoi dès lors conserver cette structure pyramidale faisant de Jésus-Christ le sommet, la tête du corps dont les fidèles seraient les membres ? Parce que ce sont les hommes qui y reviennent tout le temps. Les paroles et les actions des apôtres ici en sont la démonstration. Jacques et Jean veulent la place d’honneur, ils attendent une reconnaissance pour leur engagement. Rappelons comment ils sont devenus disciples, au premier chapitre de l’Évangile de Marc, juste après Simon et André, deux autres frères, ils s’occupaient de leurs filets de pêche quand Jésus les invita à les suivre et eux laissèrent tout sans prévenir personne. Ils font donc partie des tous premiers disciples, et c’est à ce titre qu’ils espèrent une récompense.
Ils ne recevront rien. Ou du moins rien de plus que les autres. Jésus est ici très laconique face à eux, et dans sa réponse il est aisé de voir une fin de non-recevoir. Cependant les autres disciples n’ont pas mieux compris que les deux frères. Ils se liguent dans l’indignation contre eux, mais c’est pour tous que Jésus reprend la parole. En voulant ainsi réprimander deux des leurs, ne peut-on pas distinguer une tentative de les mettre à l’écart ? peut-être pour démontrer une plus grande fidélité à leur maître. Nous revoilà à nouveau dans une logique de hiérarchie où ceux qui sont tenus pour déviants sont mis à l’écart. Ce n’est pas souvent dans les Évangiles que les apôtres expriment un désaccord les uns avec les autres, laissent l’un d’entre eux de côté.
Chacun d’entre eux est donc pris à partie dans les mots que nous lisons. « Quiconque veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. » Chaque disciple reçoit cette parole comme une exhortation personnelle. Tous se retrouvent dans la situation de Jacques et Jean. C’est bien la preuve que Jésus ne fait pas de hiérarchie entre eux mais qu’il les aime également. Ce qu’il aurait pu dire aux frères de la première heure il ne le leur réserve pas mais il le partage avec les disciples les plus récents. Une parole pour l’un est une parole pour tous.
Ainsi il les invite à renoncer à l’orgueil du commandement et les condamne à l’égalité dans le service. Aucun d’entre eux ne sera le maître des autres au sens habituel du terme. S’ils doivent exercer une domination ce sera à l’image de celle de leur Seigneur qui aurait pu, lors de la Passion, vaincre ceux qui l’ont persécuté, mais il a préféré les aimer, au point de donner sa vie pour eux. Loin d’établir une nouvelle hiérarchie avec ses disciples comme agents de sa puissance dans le monde, auxquels une condition enviable en tous points dans l’autre vie aurait été promise, Jésus impose un rapport renouvelé entre les êtres humains. Il nous montre la voie d’un monde où le respect, la considération, l’amour mutuel supplante l’indifférence, le mépris, le rejet.
Si cette égalité est possible, c’est d’abord parce que le Christ lui-même s’y est astreint. Comment réclamer un siège auprès du trône céleste quand celui que l’on considère comme le détenteur de ce trône, le Fils qui est assis à la droite du Père selon la formule des anciennes confessions de foi, descend de son plein gré dans la poussière éprouver les souffrances et la détresse du misérable ? Le premier réflexe aussitôt serait de se dire que Jésus est le modèle à suivre, qu’il faudrait s’efforcer de l’imiter pour accomplir ce qu’il nous invite à faire en choisissant d’être esclave des autres. Mais qui peut imiter l’inimitable ? Nous sommes censés parler de celui qui aurait pu rester sur son trône au plus haut des cieux mais qui a choisi de partager les affres de la condition humaine avec les hommes et les femmes qui peuplent ce monde. Il a choisi de les regarder comme des frères et des sœurs quand il aurait pu rester souverain céleste dont le jugement placerait toute l’humanité dans une crainte perpétuelle. Qui peut se comporter de la sorte et franchir un tel abîme ?
Personne, c’est la réponse que la foi chrétienne donne habituellement. Et Jésus sait que nous ne pouvons pas totalement être comme lui. C’est pourquoi il ne nous demande pas l’impossible. Ce n’est pas pour autant que son discours est dénué de radicalités, bien au contraire, la condition d’esclave à laquelle il invite n’étant pas une condition plus souhaitable qu’aujourd’hui. Mais quand il impose une exigence qui semble disproportionnée, comme il le fait dans notre passage, c’est bien plutôt pour nous inviter à changer notre regard sur ce dont il est question plutôt qu’à essayer de progresser sur une échelle de sainteté, comme si nous pouvions en retirer quelque récompense.
Car il est bien question d’un problème de compréhension ce matin. Nous sommes encore loin de la fin de l’évangile, il reste cinq chapitres avant la crucifixion, mais bien des choses ont déjà eu lieu quand Jacques et Jean se présentent à leur maître avec leur demande. Ils ont eu l’occasion à maintes reprises de le voir remettre en cause les lectures de la Torah des pharisiens, les pratiques rituels qui étouffent la sincérité de la foi. Ils l’ont vu guérir des malades, accueillir des rejetés. Ils savent que Jésus a l’habitude de se diriger vers les marginaux et que ces histoires de pouvoir, de hiérarchie en général, ça ne l’intéresse pas vraiment. Pourquoi viennent-ils alors à ce stade-là de leur parcours demander une place réservée auprès de lui comme s’ils s’adressaient à l’empereur qui règne à Rome au même moment ?
C’est peut-être parce qu’ils ont peur, peur de ce qui les attend, peur d’être abandonnés, ils voient alors dans leur statut de disciple une protection devant le Dieu qu’ils craignent avant tout. Ils pourraient ainsi faire valoir leur mérite devant lui et espérer échapper à un châtiment redouté. Cette logique du mérite qui donne une place de choix comme récompense est somme toute parfaitement humaine, elle traverse toute notre société comme elle a traversé l’histoire, sans être toujours respectée d’ailleurs paradoxalement. C’est le désir, le besoin même, de reconnaissance qui s’exprime dans leur demande, besoin auquel nous avons été accoutumés par le monde dans lequel nous vivons, où l’échange impose toujours d’être redevable envers l’autre, perdu dans une structure informe de partenariats où la relation authentique n'est plus possible.
Les fils de Zébédée ont donc une attitude qui ne sort pas de nulle part, elle a été déterminée par leur milieu, qui de ce point de vue n’est pas si différent du nôtre. Et la réaction des dix autres disciples devant leurs mots découle de la même logique. Ils jugent ceux qui ont transgressé ce qui semblait être le tabou de la récompense à venir. On peut y aspirer mais on ne saurait l’expliciter. Ils ont donc à mon avis un désir assez semblable les uns les autres d’obtenir une place à part parmi l’humanité en tant que disciples du Messie, et ce désir les pousse même à entrer dans une logique de rivalité entre eux. Ce que Jésus abhorre au plus haut point. La division ne peut qu’engendrer le mal. C’est pourquoi il renvoie tout le monde dos-à-dos à en les invitant au service de leur union. Aucun d’entre eux ne sera supérieur aux autres, et il n’y a pas de récompense à en attendre.
C’est ici le moment où il me faut rappeler un point important : l’Évangile de Marc, a été écrit, d’après la majorité des chercheurs, à Rome, donc dans une communauté où se côtoyaient des juifs et des non-juifs. Il est fort possible qu’à une époque où l’idée qu’un message d’abord adressé au peuple de Judée concerne désormais toute l’humanité n’allait pas de soi les premiers dédaignaient les seconds, se considérant supérieurs car issus du peuple élu. Par cette anecdote Marc aurait voulu inviter les membres de cette communauté à renoncer à leurs prétentions de supériorité les uns sur les autres. De même qu’aucun disciple ne dépassait un autre, de même tous ceux qui croient au message du Christ sont égaux devant lui.
Le cœur de ce message serait donc l’instauration d’une égalité radicale supplantant toute échelle de salut construite par les hommes, égalité dominée par le serviteur des hommes et des femmes, et donc le dernier d’entre eux. Il va sans dire que cette égalité radicale n’a jamais vraiment existé dans les sociétés qui se sont réclamées, ou qui se réclament encore, du christianisme. Les chrétiens n’ont toujours pas construit un monde conforme à cet idéal, ils continuent même souvent à ne chercher que le mérite personnel avant l’amour de l’autre. Souvent l’angoisse de Jacques et de Jean est toujours la nôtre. Le poids imaginaire de la hiérarchie se fait sentir et contamine le rapport au prochain, à Dieu, domaines qui n’auraient jamais dû tomber sous son emprise.
Mais si Jésus est aussi peu loquace face à cette angoisse quant à ce qui les attend dans l’autre monde, c’est avant tout parce qu’il attend de ses disciples qu’ils lui fassent confiance. Il est venu dans le monde pour annoncer un message de paix et de salut pour le peuple de Dieu, il va mourir pour ce peuple afin de sceller ce message. Il veut donc qu’ils se fient, à travers lui, en Dieu, qui les sauvera par sa grâce tous, sans distinction de mérite, sans qu’ils n’aient rien à faire pour être sauvés. L’égalité radicale proclamée par Jésus-Christ les attend tous, nous attend tous, quoiqu’il arrive. Quant à savoir où sera assis tel ou tel dans le Royaume des Cieux, des moines qui n’avaient pas grand-chose d’autre à faire se sont amusés à spéculer sur la question il y a bien longtemps, et comme personne n’est revenu pour confirmer leurs avis, nous ne sommes pas plus avancés sur la question qu’il y a un millénaire.
Le problème c’est donc que les disciples se posent des questions qu’ils n’ont pas à se poser pour le moment. La proclamation du Salut comme don gratuit de Dieu sans considération de mérite ou de hiérarchie est la vraie réponse à leurs craintes. Je suppose qu’une assemblée dans une Église protestante s’attendait un peu à une telle réponse, qu’elle me voyait en grande partie venir sur mes grands chevaux, tant la répétition de « c’est par la grâce seule que nous sommes sauvés et non par les œuvres » a pu rebattre les oreilles de certains. Mais c’est que cela ne va pas de soi dans un monde où tout s’achète et tout se vend, où tout le monde est jugé en permanence selon sa classe sociale, ses opinions, sa religion ou que sais-je encore. Comment ne pas se demander, quand on reçoit le bien le plus précieux pour un individu gratuitement, ce que nous devrions faire en échange ? Comment ne pas douter de ce qu’on nous raconte ?
Dieu, pour dissiper les doutes, scelle sa promesse par le sang de son Fils donné. Maintenant que la mort et que la Résurrection sont accomplies rien ne pourra changer la condition humaine face à la question du salut. Dieu a manifesté son amour, il ne reviendra pas sur sa promesse. Le passage de l’Évangile que nous lisons se déroule cependant avant tout ça. Quelle certitude peut-on trouver quand on n’a pas la Résurrection qui s’accompli sous nos yeux ?
Jésus lui-même donne la réponse : « la coupe que moi je bois, vous la boirez, et vous recevrez le baptême que je reçois. » La coupe et le baptême, nous avons déjà les sacrements que le Christ a institués ici préfigurés, mais sans toute connotation rituelle, sans caractère répétitif. Il ne reste du baptême et de la Sainte-Cène tels que nous, lecteurs contemporains les connaissons, que ce qui les anime avant tout : la promesse de Dieu. Quand les disciples boiront la coupe du Seigneur et serons baptisés en son nom, et ils le feront bien puisque Jésus l’affirme, ils recevront ainsi le signe que Dieu leur a promis, à eux personnellement, le salut. La coupe et le baptême laissés aux hommes sont toujours les signes de cette promesse à laquelle la foi se rattache : chaque individu a sa place dans ce monde selon la volonté de Dieu. Chacun a un lien avec Dieu qui lui est propre, quand il est perdu dans l’ombre du doute, sans aucun support auquel se rattacher, il peut se rappeler que Dieu qui le connaît personnellement dans le secret de son âme tient à lui.
Et c’est dans cet esprit que les disciples peuvent accepter de devenir serviteur, en rendant la grâce reçue non à Dieu qui n’en a pas besoin directement, mais au monde qui est ravagé par les maladies de l’âme humaine. Être au service de Dieu dans ce monde devient la condition à rechercher pour le temps que nous avons à passer ici-bas c’est là la seule gloire à laquelle il nous faut aspirer. Les royaumes et les puissances mentionnées par Jésus passent et nul monarque ne trouvera jamais le secret de la domination perpétuelle. Tibère, l’empereur romain contemporain de Jésus, Hérode, Ponce-Pilate, sont devenus poussière depuis bien longtemps comme Bartimée l’aveugle qui a recouvert la vue, la Syro-Phénicienne dont la fille a été libérée de ses démons, le paralytique de Capharnaüm qui s’est relevé. Les trois derniers que je viens de citer étaient bien inférieurs aux trois premiers sur l’échelle sociale, pourtant c’est vers eux que le Christ a marché pour révéler aux hommes l’amour de Dieu.
Le service auquel les disciples sont invités est inspiré de ces actions du Christ, dans le flux des jours qui passent et qui emportent tout, l’amour doit s’exprimer. Ils trouveront la joie effaçant l’angoisse dans les sourires qu’ils échangeront avec les autres vers lesquels ils ne seraient peut-être jamais allés. Le monde passe, alors la seule chose qui compte c’est l’expression de l’amour là où nous sommes. Et Paul ne s’y est pas trompé quand il écrivit : « L’amour ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra » (1 Corinthiens 13,8).
Par leur service ils manifesteront leur obéissance envers un Dieu qui refuse le titre de roi, qui descend de l’échelle au sommet de laquelle il a été placé pour aller à la rencontre de son peuple. Ce peuple qui lui-même ne se borne plus à des élus issus d’une même souche mais dont les limites se sont élargies aux dimensions de la multitude pour laquelle le Christ s’est donné, multitude dont on ne précise jamais les limites par ailleurs. Ainsi les disciples sont détournés de la recherche du mérite à tout prix pour se consacrer à la mission que Jésus leur confie dans le monde. Et cette mission ils l’accompliront avec confiance en la promesse de Dieu, confiance établie fermement par les paroles du Christ, mais définitivement enracinée après la Passion et la Résurrection.
Avant de s’en aller dans la paix conformément à la promesse divine, les disciples consacreront le temps qui leur est donné sur terre dans l’esprit de l’enseignement de Jésus. Ils chercheront à encourager le don gratuit là où c’est possible. L’égalité à laquelle Jésus les enjoint leur en donne la possibilité car elle permet de ne plus regarder son voisin comme un rival mais comme un frère, car cette égalité est d’abord égalité devant Dieu qui considère tous les membres de son peuple de la même manière. C’est devant lui que nous sommes responsables, non pas pour en ressentir une culpabilité quand nous nous accusons nous-même sans raison, mais pour être des instruments de son amour pour l’humanité.