Edward Hopper, Lee Shore, 1941 19,7 x 30 cm • Collection privée
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Que ce temps que nous allons vivre ce matin puisse nous acheminer vers la Paix qui est au-dessus de toute paix Amen
Nous voici rassemblés pour un temps de prière et de méditation dans ce jour si particulier qu’est le samedi saint. C’est le jour où nous éprouvons la réalité de la mort et la béance qu’elle creuse en chacun d’entre nous.
Au lieu de la parole, le silence
Au lieu de l’élan, le corps figé
Au lieu de la chaleur partagée, le froid de l’absence
Entre les Vivants et le crucifié, il y a cette pierre roulée.
Désormais la vie se conjugue au passé.
Comment vivre aujourd’hui ? Comment même envisager demain ?
Peut-on s’avancer sur des chemins de consolation ?
L’espérance est-elle possible ?
Pour porter nos questions nous vous proposons tout d’abord d’écouter un texte du pasteur Suzanne Schell et c’est la musique qui portera ensuite cette méditation
Entrer dans le silence s’y terrer comme le grain dans le sol
Demeurer muets frappés au cœur de l’espérance
Oublier même la promesse et perdre le sens
Abattus comme l’arbre dans la tempête et perdus parce qu’il n’y a plus de mots
On ne peut dire l’entre-deux, il est seulement silence en Dieu
(..)Silence
Hurler en soi et n’avoir d’écho que le silence
Toucher le fond de l’abîme devant l’indicible de la mort
Etre sec de prière sans verbe qui relie à l’Autre
Etre vide sans espace intérieur et sans voix
Les larmes pour langage
Les yeux sans regard sur le temps de l’absence et de la stupeur
Silence
Corps frappé d’absence tu n’es à personne
Comme au dernier repas tu te donnes
On ne peut plus te suivre
On ne sait plus comment vivre
Même le geste du riche est défait de sens
La dignité du pauvre n’a plus de place
Silence
Corps embaumé, gardé de larmes et de force
L’œil ne te verra-t-il plus qu’au travers de la grâce marqué de clous et de lance dans la mémoire de Dieu ?
Nos visages reflèteront-ils à peine ton silence ?
Nos mains porteront-elles quelque peu la souffrance ?
Silence
Homme dans le bois confondu
Nu par delà le souffle et le cri
Ce n’est plus le temps du raisin, les sarments sont brûlés, le cep arraché
Reste-t-il encore du vin à se partager ?
Aller jusque là dans l’incertain..
Silence
Il n’y a plus de face à face
On ne peut contempler la mort
Peut-on seulement retrouver en soi la Face ?
Où chercher le lieu de l’Amour ?
Où chercher le Disparu ?
C’est la fin du temps de l’incarnation
Silence
On dirait qu’il n’y a plus d’hier
Pas même un aujourd’hui
S’ouvrir au temps de l’Esprit
S’avancer en pèlerins aveugles
Sur les traces brûlantes de la mémoire
Silence
Habiter samedi saint comme le temps du passage
Vivre ce jour là comme le possible au cœur de l’impossible
Vivre du dedans l’acte de Dieu lui-même en nous
Et percevoir dans l’absurde la promesse de présence
Comme on voit mourir le bourgeon pour que s’ouvre la fleur
Comme on entend le jour écarter le voile de la nuit
Silence
Habiter samedi saint dans la continuité des actes d’amour
Vivre l’absence vers l’élargissement d’un temps nouveau
Deviner en tremblant le visage de plénitude
Effleurer d’un murmure le Nom qui est au-dessus de tout nom
Et tendre les mains au poudroiement de lumière dans l’ouverture à demain…
Silence et Musique
Face à l’absence, face à ‘épreuve, c’est vers la parole, notre Père, que nous nous tournons maintenant. L’écouter, la méditer c’est pour chacun d’entre nous une manière de défier la mort et le non –sens pour chercher l’espérance qui fait vivre
Seigneur que ta parole ouvre des brèches de lumière dans nos obscurités. Amen
Texte Biblique Esaïe 52.13-15
13 Mon serviteur prospérera ; il s'élèvera, il montera, il sera très haut placé. 14 De même qu'une multitude est atterrée à cause de toi, — tant son aspect, défiguré, n'était plus celui d'un homme, son apparence n'était plus celle des êtres humains 15 — de même il purifiera par l'aspersion une multitude de nations. Devant lui des rois fermeront la bouche ; car ils verront ce qui ne leur avait pas été raconté, ils comprendront ce qu'ils n'avaient pas entendu.
PRÉDICATION (Robert Philipoussi)
Qui était pour le prophète Esaïe, ce serviteur qu'il évoque dans ses fameux poèmes ou chants du Serviteur. Nous ne le saurons jamais. En revanche, depuis la naissance de l'Eglise, les chrétiens savent. Ce Serviteur c'est le Christ, c'est leur Christ. Les paroles d'Ésaïe ont décrit, ont annoncé leur Christ :
«Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, on n'entendra pas sa voix sur la place publique. Il n'écrasera pas le roseau froissé, il n'éteindra pas la mèche qui faiblit, il fera paraître le jugement en toute fidélité.»
C'est lui, c'est bien lui.
Depuis toujours, ces textes d'Ésaïe,figurent ce Christ, son courage, sa soumission à l'ordre de sa vocation.
«Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe. Je n'ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats.»
Ce sont ces paroles du prophète encore plus que les récits des évangiles, qui inspireront ces peintres qui iront exalter la peine incommensurable de celui qui prend le fardeau, afin que le fardeau de l'autre soit ôté. Y compris celui d'un brigand sur la croix. Un serviteur, qui porte ce dont l'autre n'a plus envie, ou n'est plus capable, de s'encombrer. Et parce qu'il rend ce service, on le méprise.
Oui c'est lui, c'est bien lui. On le méprise parce qu'il sert.
«Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne ;et nous l'avons méprisé, compté pour rien. Pourtant, c'étaient nos souffrances qu'il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu'il était châtié, frappé par Dieu, humilié. Or, c'est à cause de nos fautes qu'il a été transpercé, c'est par nos péchés qu'il a été broyé. Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui, et c'est par ses blessures que nous sommes guéris.» (Isaïe 53, 3-5).
Et souvent, nous en restons là. Le Christ est pour nous l'image de celui qui assume nos fautes, celui qui fait le sacrifice, qui fait le sacré par l'offrande de son corps, par la restitution de son souffle, par le don de sa vie.
Bien sûr, cette image du serviteur souffrant n'épuise pas, pour nous qui connaissons les évangiles, notre représentation du Christ. Dans ces poèmes d'Ésaïe nous voyons l'exaltation de la soumission, mais par ailleurs, nous voyons aussi un Jésus alerte dans la controverse, nous voyons un impatient de remettre de l'ordre, nous découvrons quelqu'un de combattif . Nous découvrons aussi un poète qui raconte des paraboles. Dans les récits des évangiles, nous rencontrons aussi un être fervent, confiant dans son père dont il a conscience d'être le projet. Avant qu'il nous soit raconté que Jésus, à l'aide d'un Psaume, se demande pourquoi ce père l'a abandonné.
Ce qui appelle à tout ré évaluer. C'est ce que nous faisons, dans un samedi saint. Que s'est il passé finalement ? Quel rapport entre tout ce qu'il a dit et fait, tout ce qu'il a permis d'espérer et de croire, quel rapport entre tout cela et sa mort ? Ce samedi, on ne sait rien. Il n'y a rien à dire. On y a cru, c'est tout. Et il est mort c'est tout. Il était fervent et il est mort. Il était combattif et il a été vaincu. Il était accompagné et il a été abandonné. Il était un poète et il est désormais muet. Nous n'étions plus seul et nous sommes désormais encore plus seul qu'avant qu'il vienne nous chercher quand nous réparions nos filets.
C'est pourquoi nous n'aurions plus que ces ces paroles d'Ésaïe, doloriste, pour tenter de comprendre ce qui s'est passé. Oui. Il est mort pour nous. Il était avec nous et désormais il est pour nous. C'est cela qui s'est passé.
Mais, et par ce « mais » je vous invite au lendemain, qui s'occupera de lui-même, « mais » il fallait aussi lire la suite de ce que raconte le prophète et c'est notre texte de ce jour. Non, ce serviteur n'est pas que celui qui va recueillir la misère du monde, pas que celui dont on ira arracher la barbe.
13 Mon serviteur – dit notre texte du jour - prospérera ; il s'élèvera, il montera, il sera très haut placé.
… il purifiera par l'aspersion une multitude de nations. Devant lui des rois fermeront la bouche ; car ils verront ce qui ne leur avait pas été raconté, ils comprendront ce qu'ils n'avaient pas entendu.
Il fallait donc voir plus loin. Il fallait donc lire plus loin. Il sera donc celui qui dépassera tout récit sur lui. Toute prophétie. Y compris celles d'Ésaïe qui inclut, dans sa prophétie, le propre dépassement de sa prophétie.
ils verront ce qui ne leur avait pas été raconté, ils comprendront ce qu'ils n'avaient pas entendu.
Il sera ce que même les rois- même les Rois - n'avaient pas entendu raconter, alors qu'on leur raconte tout, aux Rois , n'avaient pas compris, alors qu'ils comprennent tout, les Rois, car autour d'eux se pressent les esprits les plus éclairés.
Ce serviteur, il sera relevé. Relevé de son état courbe de serviteur, bien sûr, mais relevé aussi de sa fonction, relevé de son poste. Il n'aurait plus besoin de servir, car il n'y aura plus qu'à se servir. Car une nouvelle source est en train de naitre. Pour l'instant, elle est souterraine, on ne la voit pas. Mais on commence à l'entendre. Elle abreuvera, elle purifiera par l'aspersion- on évoque le baptême - toutes les nations. Il n'y aura qu'à se servir .
Qu'est ce qui se passe, ce samedi ?
Il se passe que ce qui n'était pas racontable, ce qui ne pouvait pas être raconté, est en train de naître.
AMEN.
En ce temps de l’absence, que pouvons-nous faire sinon tenir bon la confiance pour que ce jour s’éclaire d’espérance ? nous disons notre foi, je vous invite à vous lever
Nous croyons qu'au-delà de l'absence une présence se fait jour
Nous croyons Qu'au-delà de la souffrance, la consolation roule la pierre du chagrin
Nous croyons qu'au delà de la colère, une paix se propose
Nous croyons Qu'au-delà du silence une parole se fait entendre
Qu'au-delà de toute fin une lumière impérissable nous enveloppe.
Amen
Prière d’intercession
Père des miséricordes Dieu de toute consolation
Toi qui te tiens à la porte et qui frappe
Toi qui n’a de cesse de combler nos abîmes
Nous invoquons ton nom aujourd’hui
Apprends-nous Seigneur cette tendresse attentive au corps souffrant d’autrui
Donne nous de laisser notre être vibrer à la souffrance de notre prochain
Pour que nous puissions rompre avec lui le pain de la détresse
Père des miséricordes Dieu de toute consolation
Toi qui te tiens à la porte et qui frappe
Toi qui n’a de cesse de combler nos abîmes
Nous invoquons ton nom aujourd’hui
Nous nommons en silence ceux et celles que nous connaissons auprès et au loin et qui traversent un temps d’obscurité et d’effroi. En ce jour nous te prions plus particulièrement les familles des victimes de l’attentat de Carcassonne
Mais nous n’oublions celles et ceux qui partout dans notre monde sont la proie incessante de la violence. Et Nous te rendons grâce pour tous ceux qui inlassablement oeuvrent au service de la paix, engagent leurs forces et leur vie pour la réconciliation
Seigneur, nous te le demandons, que ton souffle saint, souffle de paix ouvre des sillons d’espérance ici bas
Père des miséricordes, Dieu de toute consolation
Toi qui te tiens à la porte et qui frappe
Toi qui n’a de cesse de combler nos abîmes
Nous invoquons ton nom aujourd’hui
Seigneur toi qui te tiens au seuil des tombeaux où nous nous enfermons, donne nous de déposer à terre les fioles de notre désespérance
Que ta parole réveille en nous aujourd’hui ce qui est retenu dans la mort
Apprends nous la patience du grain de blé et l’attente qui n’est pas une lassitude mais une manière de se tenir dans la promesse
Car Seigneur malgré le silence de ce jour, tu es le Vivant et tu nous parles de vivre
C’est pourquoi Seigneur donne nous d’habiter ce jour dans la continuité des actes d’amour
Qu’au plus intime de nous-mêmes la présence de celui que bientôt nous nommerons le Ressuscité ouvre un chemin de lumière et de paix
Père des miséricordes, Dieu de toute consolation
Toi qui te tiens à la porte et qui frappe
Toi qui n’a de cesse de combler nos abîmes
Nous invoquons ton nom aujourd’hui
Ensemble nous allons dire cette prière que le Christ nous a laissée, nous la dirons lentement en marquant un espace de silence après chaque parole pour entrer dans sa profondeur
Notre Père
Bénédiction :
Que le Dieu de tendresse qui au matin de pâques lève Jésus d’entre les morts
Fasse lever en vous ce qui est mort et vous conduise à la vie
Allez dans sa paix !
Que ce temps que nous allons vivre ce matin puisse nous acheminer vers la Paix qui est au-dessus de toute paix Amen
Nous voici rassemblés pour un temps de prière et de méditation dans ce jour si particulier qu’est le samedi saint. C’est le jour où nous éprouvons la réalité de la mort et la béance qu’elle creuse en chacun d’entre nous.
Au lieu de la parole, le silence
Au lieu de l’élan, le corps figé
Au lieu de la chaleur partagée, le froid de l’absence
Entre les Vivants et le crucifié, il y a cette pierre roulée.
Désormais la vie se conjugue au passé.
Comment vivre aujourd’hui ? Comment même envisager demain ?
Peut-on s’avancer sur des chemins de consolation ?
L’espérance est-elle possible ?
Pour porter nos questions nous vous proposons tout d’abord d’écouter un texte du pasteur Suzanne Schell et c’est la musique qui portera ensuite cette méditation
Entrer dans le silence s’y terrer comme le grain dans le sol
Demeurer muets frappés au cœur de l’espérance
Oublier même la promesse et perdre le sens
Abattus comme l’arbre dans la tempête et perdus parce qu’il n’y a plus de mots
On ne peut dire l’entre-deux, il est seulement silence en Dieu
(..)Silence
Hurler en soi et n’avoir d’écho que le silence
Toucher le fond de l’abîme devant l’indicible de la mort
Etre sec de prière sans verbe qui relie à l’Autre
Etre vide sans espace intérieur et sans voix
Les larmes pour langage
Les yeux sans regard sur le temps de l’absence et de la stupeur
Silence
Corps frappé d’absence tu n’es à personne
Comme au dernier repas tu te donnes
On ne peut plus te suivre
On ne sait plus comment vivre
Même le geste du riche est défait de sens
La dignité du pauvre n’a plus de place
Silence
Corps embaumé, gardé de larmes et de force
L’œil ne te verra-t-il plus qu’au travers de la grâce marqué de clous et de lance dans la mémoire de Dieu ?
Nos visages reflèteront-ils à peine ton silence ?
Nos mains porteront-elles quelque peu la souffrance ?
Silence
Homme dans le bois confondu
Nu par delà le souffle et le cri
Ce n’est plus le temps du raisin, les sarments sont brûlés, le cep arraché
Reste-t-il encore du vin à se partager ?
Aller jusque là dans l’incertain..
Silence
Il n’y a plus de face à face
On ne peut contempler la mort
Peut-on seulement retrouver en soi la Face ?
Où chercher le lieu de l’Amour ?
Où chercher le Disparu ?
C’est la fin du temps de l’incarnation
Silence
On dirait qu’il n’y a plus d’hier
Pas même un aujourd’hui
S’ouvrir au temps de l’Esprit
S’avancer en pèlerins aveugles
Sur les traces brûlantes de la mémoire
Silence
Habiter samedi saint comme le temps du passage
Vivre ce jour là comme le possible au cœur de l’impossible
Vivre du dedans l’acte de Dieu lui-même en nous
Et percevoir dans l’absurde la promesse de présence
Comme on voit mourir le bourgeon pour que s’ouvre la fleur
Comme on entend le jour écarter le voile de la nuit
Silence
Habiter samedi saint dans la continuité des actes d’amour
Vivre l’absence vers l’élargissement d’un temps nouveau
Deviner en tremblant le visage de plénitude
Effleurer d’un murmure le Nom qui est au-dessus de tout nom
Et tendre les mains au poudroiement de lumière dans l’ouverture à demain…
Silence et Musique
Face à l’absence, face à ‘épreuve, c’est vers la parole, notre Père, que nous nous tournons maintenant. L’écouter, la méditer c’est pour chacun d’entre nous une manière de défier la mort et le non –sens pour chercher l’espérance qui fait vivre
Seigneur que ta parole ouvre des brèches de lumière dans nos obscurités. Amen
Texte Biblique Esaïe 52.13-15
13 Mon serviteur prospérera ; il s'élèvera, il montera, il sera très haut placé. 14 De même qu'une multitude est atterrée à cause de toi, — tant son aspect, défiguré, n'était plus celui d'un homme, son apparence n'était plus celle des êtres humains 15 — de même il purifiera par l'aspersion une multitude de nations. Devant lui des rois fermeront la bouche ; car ils verront ce qui ne leur avait pas été raconté, ils comprendront ce qu'ils n'avaient pas entendu.
PRÉDICATION (Robert Philipoussi)
Qui était pour le prophète Esaïe, ce serviteur qu'il évoque dans ses fameux poèmes ou chants du Serviteur. Nous ne le saurons jamais. En revanche, depuis la naissance de l'Eglise, les chrétiens savent. Ce Serviteur c'est le Christ, c'est leur Christ. Les paroles d'Ésaïe ont décrit, ont annoncé leur Christ :
«Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, on n'entendra pas sa voix sur la place publique. Il n'écrasera pas le roseau froissé, il n'éteindra pas la mèche qui faiblit, il fera paraître le jugement en toute fidélité.»
C'est lui, c'est bien lui.
Depuis toujours, ces textes d'Ésaïe,figurent ce Christ, son courage, sa soumission à l'ordre de sa vocation.
«Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe. Je n'ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats.»
Ce sont ces paroles du prophète encore plus que les récits des évangiles, qui inspireront ces peintres qui iront exalter la peine incommensurable de celui qui prend le fardeau, afin que le fardeau de l'autre soit ôté. Y compris celui d'un brigand sur la croix. Un serviteur, qui porte ce dont l'autre n'a plus envie, ou n'est plus capable, de s'encombrer. Et parce qu'il rend ce service, on le méprise.
Oui c'est lui, c'est bien lui. On le méprise parce qu'il sert.
«Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne ;et nous l'avons méprisé, compté pour rien. Pourtant, c'étaient nos souffrances qu'il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu'il était châtié, frappé par Dieu, humilié. Or, c'est à cause de nos fautes qu'il a été transpercé, c'est par nos péchés qu'il a été broyé. Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui, et c'est par ses blessures que nous sommes guéris.» (Isaïe 53, 3-5).
Et souvent, nous en restons là. Le Christ est pour nous l'image de celui qui assume nos fautes, celui qui fait le sacrifice, qui fait le sacré par l'offrande de son corps, par la restitution de son souffle, par le don de sa vie.
Bien sûr, cette image du serviteur souffrant n'épuise pas, pour nous qui connaissons les évangiles, notre représentation du Christ. Dans ces poèmes d'Ésaïe nous voyons l'exaltation de la soumission, mais par ailleurs, nous voyons aussi un Jésus alerte dans la controverse, nous voyons un impatient de remettre de l'ordre, nous découvrons quelqu'un de combattif . Nous découvrons aussi un poète qui raconte des paraboles. Dans les récits des évangiles, nous rencontrons aussi un être fervent, confiant dans son père dont il a conscience d'être le projet. Avant qu'il nous soit raconté que Jésus, à l'aide d'un Psaume, se demande pourquoi ce père l'a abandonné.
Ce qui appelle à tout ré évaluer. C'est ce que nous faisons, dans un samedi saint. Que s'est il passé finalement ? Quel rapport entre tout ce qu'il a dit et fait, tout ce qu'il a permis d'espérer et de croire, quel rapport entre tout cela et sa mort ? Ce samedi, on ne sait rien. Il n'y a rien à dire. On y a cru, c'est tout. Et il est mort c'est tout. Il était fervent et il est mort. Il était combattif et il a été vaincu. Il était accompagné et il a été abandonné. Il était un poète et il est désormais muet. Nous n'étions plus seul et nous sommes désormais encore plus seul qu'avant qu'il vienne nous chercher quand nous réparions nos filets.
C'est pourquoi nous n'aurions plus que ces ces paroles d'Ésaïe, doloriste, pour tenter de comprendre ce qui s'est passé. Oui. Il est mort pour nous. Il était avec nous et désormais il est pour nous. C'est cela qui s'est passé.
Mais, et par ce « mais » je vous invite au lendemain, qui s'occupera de lui-même, « mais » il fallait aussi lire la suite de ce que raconte le prophète et c'est notre texte de ce jour. Non, ce serviteur n'est pas que celui qui va recueillir la misère du monde, pas que celui dont on ira arracher la barbe.
13 Mon serviteur – dit notre texte du jour - prospérera ; il s'élèvera, il montera, il sera très haut placé.
… il purifiera par l'aspersion une multitude de nations. Devant lui des rois fermeront la bouche ; car ils verront ce qui ne leur avait pas été raconté, ils comprendront ce qu'ils n'avaient pas entendu.
Il fallait donc voir plus loin. Il fallait donc lire plus loin. Il sera donc celui qui dépassera tout récit sur lui. Toute prophétie. Y compris celles d'Ésaïe qui inclut, dans sa prophétie, le propre dépassement de sa prophétie.
ils verront ce qui ne leur avait pas été raconté, ils comprendront ce qu'ils n'avaient pas entendu.
Il sera ce que même les rois- même les Rois - n'avaient pas entendu raconter, alors qu'on leur raconte tout, aux Rois , n'avaient pas compris, alors qu'ils comprennent tout, les Rois, car autour d'eux se pressent les esprits les plus éclairés.
Ce serviteur, il sera relevé. Relevé de son état courbe de serviteur, bien sûr, mais relevé aussi de sa fonction, relevé de son poste. Il n'aurait plus besoin de servir, car il n'y aura plus qu'à se servir. Car une nouvelle source est en train de naitre. Pour l'instant, elle est souterraine, on ne la voit pas. Mais on commence à l'entendre. Elle abreuvera, elle purifiera par l'aspersion- on évoque le baptême - toutes les nations. Il n'y aura qu'à se servir .
Qu'est ce qui se passe, ce samedi ?
Il se passe que ce qui n'était pas racontable, ce qui ne pouvait pas être raconté, est en train de naître.
AMEN.
En ce temps de l’absence, que pouvons-nous faire sinon tenir bon la confiance pour que ce jour s’éclaire d’espérance ? nous disons notre foi, je vous invite à vous lever
Nous croyons qu'au-delà de l'absence une présence se fait jour
Nous croyons Qu'au-delà de la souffrance, la consolation roule la pierre du chagrin
Nous croyons qu'au delà de la colère, une paix se propose
Nous croyons Qu'au-delà du silence une parole se fait entendre
Qu'au-delà de toute fin une lumière impérissable nous enveloppe.
Amen
Prière d’intercession
Père des miséricordes Dieu de toute consolation
Toi qui te tiens à la porte et qui frappe
Toi qui n’a de cesse de combler nos abîmes
Nous invoquons ton nom aujourd’hui
Apprends-nous Seigneur cette tendresse attentive au corps souffrant d’autrui
Donne nous de laisser notre être vibrer à la souffrance de notre prochain
Pour que nous puissions rompre avec lui le pain de la détresse
Père des miséricordes Dieu de toute consolation
Toi qui te tiens à la porte et qui frappe
Toi qui n’a de cesse de combler nos abîmes
Nous invoquons ton nom aujourd’hui
Nous nommons en silence ceux et celles que nous connaissons auprès et au loin et qui traversent un temps d’obscurité et d’effroi. En ce jour nous te prions plus particulièrement les familles des victimes de l’attentat de Carcassonne
Mais nous n’oublions celles et ceux qui partout dans notre monde sont la proie incessante de la violence. Et Nous te rendons grâce pour tous ceux qui inlassablement oeuvrent au service de la paix, engagent leurs forces et leur vie pour la réconciliation
Seigneur, nous te le demandons, que ton souffle saint, souffle de paix ouvre des sillons d’espérance ici bas
Père des miséricordes, Dieu de toute consolation
Toi qui te tiens à la porte et qui frappe
Toi qui n’a de cesse de combler nos abîmes
Nous invoquons ton nom aujourd’hui
Seigneur toi qui te tiens au seuil des tombeaux où nous nous enfermons, donne nous de déposer à terre les fioles de notre désespérance
Que ta parole réveille en nous aujourd’hui ce qui est retenu dans la mort
Apprends nous la patience du grain de blé et l’attente qui n’est pas une lassitude mais une manière de se tenir dans la promesse
Car Seigneur malgré le silence de ce jour, tu es le Vivant et tu nous parles de vivre
C’est pourquoi Seigneur donne nous d’habiter ce jour dans la continuité des actes d’amour
Qu’au plus intime de nous-mêmes la présence de celui que bientôt nous nommerons le Ressuscité ouvre un chemin de lumière et de paix
Père des miséricordes, Dieu de toute consolation
Toi qui te tiens à la porte et qui frappe
Toi qui n’a de cesse de combler nos abîmes
Nous invoquons ton nom aujourd’hui
Ensemble nous allons dire cette prière que le Christ nous a laissée, nous la dirons lentement en marquant un espace de silence après chaque parole pour entrer dans sa profondeur
Notre Père
Bénédiction :
Que le Dieu de tendresse qui au matin de pâques lève Jésus d’entre les morts
Fasse lever en vous ce qui est mort et vous conduise à la vie
Allez dans sa paix !