Texte de la prédication
Luc 21, 5-19
Imaginons cette scène initiale de notre lecture du jour : les disciples échangent des propos admiratifs sur la beauté du temple de Jérusalem et sur les offrandes qui en ont permis la décoration et les ornements. L'atmosphère est joyeuse, lumineuse, tout porte à l'admiration et à la reconnaissance non seulement des disciples mais de la foule présente. Et voici que Jésus annonce : « Les jours viendront où, de ce que vous voyez, il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée. »
Cette annonce de la ruine effective de Jérusalem, de la destruction de son temple par Titus est, si l'on peut dire, une prophétie retrospective : Luc a sans doute lui même connu le siège et la ruine de la cité accomplis par les légions de Titus en l'année 70 et il raconte ce qu'en annonce Jésus quarante ans auparavant : la destruction de ce temple qui était tout neuf au temps du Christ, puisqu'il avait été édifié par Hérode le Grand vers 19 avant notre ère.
Cette annonce se trouve dans les évangiles synoptiques ; elle s'insère dans le dernier discours de Jésus adressé à tout le peuple, avant le récit de la Passion. Elle peut se résumer en deux mots : splendeur et destruction mais elle est suivie aussi de l'énumération de toutes sortes de
catastrophes : outre la destruction du temple, le texte annonce des phénomènes terrifiants avec une sorte d'amplification épique stupéfiante, comme s'il s'agissait de faire l'inventaire exhaustif des catastrophes à venir, qu'elles viennent de la nature ou de l'affrontement des hommes, des nations, des royaumes : tremblements de terre, épidémies de peste, famines...Les disciples eux-mêmes seront persécutés, trahis, mis à mort, jetés en prison...
Voici un texte que l'on voudrait bien éviter, tant il peut évoquer aux esprits inquiets...notre présent (notre journal quotidien) avec son cortège angoissant de drames divers et qui paraissent indépassables. Nous avons aujourd'hui nos « collapsologues » pourvoyeurs de sombres discours sur la fin des temps (fin du monde ou fin d'un monde ? On hésite). Souvenons-nous du Club de Rome, dans les années 1970, dénonçant les risques de la toute puissance de la croissance et appelant à trouver une autre définition du progrès que celle du « toujours plus ». Mais ayons aussi à l'esprit ce que rappellent les commentateurs bibliques : le discours apocalyptique est un genre, une tradition prophétique juive et Luc se réfère d'ailleurs explicitement au prophète Esaïe (chapitre 19) : au verset 10 ; « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume ».
Il n'empêche que nous lisons ce matin un texte sur lequel on voudrait bien passer rapidement à proximité de la période de l'Avent pour en venir plus hâtivement à l'image traditionnelle du « doux Jésus » de Noël. Je ne tenterai pas de résoudre la question épineuse de savoir si l'on peut légitimement éviter certains textes de la Bible et la lire sous forme de morceaux choisis, en laissant de côté les passages qui risquent d'affecter notre capacité d'espérance. Optons résolument ce matin pour l'idée que toute la Bible témoigne de Dieu et qu'il importe de ne pas se soustraire à cette sombre prophétie de Luc 21.
On est tenté parfois aujourd'hui de se mettre à l'abri de la réalité de la souffrance humaine (tentation d'autant plus forte que nous vivons un temps de surcharge d'informations). La prophétie racontée par Luc nous invite à ne pas nous soustraire à la prise de conscience du malheur du monde ; à ne pas nous soustraire non plus à l'idée que tout engagement aux côtés des opprimés a des conséquences. Cet avertissement de Jésus à ses disciples « on mettra la main sur vous et on vous persécutera » trouve des échos dans bien des situations actuelles. Nous ne pouvons pas non plus nous soustraire à la question posée de la signification de ces souffrances : comment peut-on s'expliquer ces drames ? Qui est l'acteur de ces violences ? Qu'avons nous fait pour qu'il en soit ainsi ? Font-elles partie d'un projet de Dieu orienté vers une finalité, comme l'indique le texte d'Esaïe 19 cité par Luc : « J'armerai l'Egypte contre l'Egypte : chacun se battra contre son frère et contre son ami, ville contre ville, royaume contre royaume » ? Ou l'explication de ces phénomènes massifs reste-t-elle de l'ordre de l'indiscernable, ce que semble suggérer Luc qui reste silencieux sur ce sujet.
Au centre de ce sombre chapitre se trouvent pourtant deux versets essentiels : « Cela vous amènera à rendre témoignage. Sachez bien que vous n'avez pas à préparer votre défense, car moi, je vous donnerai une parole, une sagesse, à laquelle tous vos adversaires ne pourront s'opposer, qu'ils ne pourront contredire. »
Que nous soyons parmi le peuple ou les disciples, nous voici investis d'une responsabilité majeure assortie d'une sorte de mode d'emploi et de promesse : vous aurez à parler ; vous avez la responsabilité d'être des témoins. C'est d'ailleurs le sujet du prochain synode régional qui propose à la discussion des églises une « charte pour une église de témoins ». Mais ne vous préoccupez pas de préparer votre défense ou, dans d'autres traductions, de préméditer cette parole. Comment comprendre cette injonction ? Comment envisager de prendre la parole sans songer à l'avance à ce que l'on va dire ?
Que serait une parole « préparée » dans les situations de crise évoquées par ce chapitre ?
Ce pourrait être quelque chose comme ces « éléments de langage » (EDL) utilisés aujourd'hui dans les confrontations à fort risque polémique : un événement se produit et telle ou telle organisation pourvue d'experts en communication prépare ses représentants à en parler dans les médias en suivant des modèles de réponses toutes faites élaborées par des communicants. L'usage de ces « EDL » est maintenant connu et il est amusant de repérer leur usage polémique.
Dans le contexte des discours religieux, deux illustrations de ces paroles préparées me viennent à l'esprit : un souvenir très ancien : celui de ces messages publicitaires radiophoniques émanant peut-être d'églises évangéliques : une série de questions complexes était posée, par exemple « comment expliquer la souffrance ? » Une réponse suivait immédiatement, sur un ton de certitude réjouie : « évidence biblique ! ». Cette réponse était du type « tout a un sens que nous maîtrisons pleinement. » Dans un registre plus littéraire, on peut penser à un personnage de La Peste d'Albert Camus. Alors que l'épidémie de peste a déjà fait des ravages dans la ville, un père jésuite, le père Paneloux, énonce un long prêche dans la cathédrale d'Oran, devant une assistance nombreuse et angoissée, Il utilise tous ses talents rhétoriques pour asséner cette affirmation : « Mes frères, vous êtes dans le malheur, mes frères, vous l'avez mérité. » Parole préparée pour inviter le peuple à la culpabilité et à la repentance mais parole dont le non-sens se révèle au fur et à mesure du récit. Oui, il peut être tentant de fourbir ses armes, de faire usage d'explications toutes faites, de son moulin à prières ou de sa langue de bois pour pouvoir dire quelque chose dans les temps troublés.
On peut penser aussi au livre de Job dans l'Ancien Testament, à l'histoire de cet homme confronté brutalement à la misère la plus profonde ; il interpelle Dieu pour qu'il réponde à la question du sens de ses souffrances. Trois de ses amis sont venus le voir et lui tiennent de longs discours qui l'admonestent, l'invitent au silence ou à la repentance et à l'acceptation de ce qui lui arrive. Citons le savoureux commentaire que fait Karl Barth des discours de ces amis qu'il qualifie de « mensonges pieux ». « Il semble que nous ayons là d'excellentes personnes, pleines de piété et de sérieux, bien différentes de Job avec ses récriminations frisant le blasphème et la négation de Dieu. Nous avons là d'excellentes paroles, des paroles d'or, bien mieux adaptées à l'enseignement, à la cure d'âme, à la liturgie et à la prédication que celles de Job. Et pourtant c'est en lui que Dieu finalement reconnaîtra son serviteur et le témoin de sa vérité. » Et en effet Dieu parle à la fin de ce livre ; il s'adresse aux trois amis : « Ma colère est enflammée contre vous, parce que vous n'avez pas parlé de moi avec droiture comme l'a fait mon serviteur Job. »
Que veut susciter notre texte du jour ? Est-il un appel au repentir ? Non. Plutôt à l'autonomie de la pensée : ne suivez pas les faux prophètes, ne vous effrayez pas, rendez témoignage, ne préméditez pas votre réponse. Quel monde contribuons-nous à produire en parlant comme nous parlons ? Comment prendre au sérieux la nécessité de prendre la parole et de porter témoignage ? Il nous faut peut-être avoir confiance (autre mot pour la foi) et accueillir la présence et l'action de Dieu en nous. « Je vous donnerai une parole », dit Jésus. Et il prolonge cette promesse par un commandement « par votre persévérance, acquérez la vie ! ». Une autre traduction de ce verset dit : « par votre persévérance, vous sauvegarderez vos âmes ». A ce vocabulaire un peu fumeux, je préfère ce joyeux commandement « acquérez la vie ! ». Il fait écho à la volonté de Dieu transmise tout à l'heure par le livre du Deutéronome : « Choisis la vie afin que tu vives ! » Combien cette parole remet en marche la pensée, désencombre et libère, invite à tenir bon, c'est à dire essentiellement à désobéir à la mort !
Textes de la liturgie
ORGUE
ACCUEIL
Chant : psaume 1, strophe 1 Heureux celui dont la plus grande joie.
LOUANGE
Lecture du psaume du jour : psaume 98
Psaume 98Chantez pour le S EIGNEUR un chant nouveau, car il a fait des choses étonnantes ; sa main droite et son bras saint lui ont donné la victoire. 2 Le S EIGNEUR a fait connaître son salut, il a dévoilé sa justice sous les yeux des nations. 3 Il s’est souvenu de sa fidélité et de sa constance envers la maison d’Israël ; toutes les extrémités de la terre ont vu le salut de notre Dieu. 4 Acclame le S EIGNEUR , terre entière ! Eclatez en cris de joie, chantez ! 5 Jouez de la lyre pour le S EIGNEUR ; sur la lyre jouez une mélodie ; 6 avec des trompettes et au son de la trompe, lancez des acclamations devant le roi, le S EIGNEUR ! 7 Que la mer retentisse, avec tout ce qui s’y trouve, le monde avec tous ceux qui l’habitent ! 8 Que les fleuves battent des mains, qu’avec eux les montagnes poussent des cris de joie, 9 devant le S EIGNEUR , car il vient pour juger la terre ! Il jugera le monde avec justice, il jugera les peuples avec droiture.
Chant 98, p. 112, strophes 1 et 3 Entonnons un nouveau cantique
REPENTANCE
Nous nous recueillons dans la prière de conversion :
Notre Dieu, nous te prions pour la paix de l’homme, alors que nos cœurs connaissent les assauts de la colère ou de la lassitude, de l’envie ou de la dépression, du souci ou de l’indifférence. Seigneur, aie pitié de l’homme au cœur troublé.
Notre Dieu, nous te prions pour la joie de l’homme, toi qui es capable de te réjouir à cause de l’homme, ton image, à cause de la nature, ton miroir, à cause de l’histoire, ton projet. Seigneur, aie pitié de l’homme, qui oublie de se réjouir.
Notre Dieu, nous te prions pour le courage de l’homme, toi qui es venu en Jésus Christ pour affronter le mal, pour le rencontrer et le connaître, pour le guérir et le porter, pour le subir et le vaincre. Seigneur, aie pitié de l’homme, qui a peur de souffrir.
Notre Dieu, nous te prions pour l’avenir de l’homme, toi qui achèves ce que tu as commencé, et qui recommences ce que nous avons cassé, toi qui prépares un royaume au bout de nos chemins. Seigneur, aie pitié de l’homme, qui hésite à espérer. Amen
Chant 44 02, p. 655, strophe 1 Seigneur je t'abandonne ma vie et ma personne
ACCUEIL DU PARDON : lecture du livre d’Esaïe, 43, v. 1-2
Maintenant, ainsi parle le Seigneur, celui qui te créé, ô Jacob, celui qui te façonne, ô Israël :
N’aie pas peur, car j’ai assuré ta rédemption. Je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi ! Si tu traverses les eaux, je serai avec toi ; si tu passes les fleuves, ils ne t’emporteront pas ; si tu marches sur le feu, tu ne te brûleras pas et les flammes ne te dévoreront pas.
VOLONTÉ DE DIEU (ensemble)
Nous recevons l’expression de la volonté de Dieu au travers d’un extrait du Deutéronome :
J’en prends aujourd’hui à témoin le ciel et la terre, dit le Seigneur : j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin que tu vives, toi et les tiens pour aimer l’Eternel ton Dieu, pour obéir à sa voix et pour t’attacher à lui.
Chant PSAUME 66, p. 78, strophe 1 Vous tous les peuples de la terre
PRIÈRE D’ILLUMINATION (ensemble)
Avant de lire les Ecritures, nous prions :
Seigneur, donne-nous ton esprit pour que nous sachions où aller quand nos chemins se perdent, pour que nous sachions que faire quand notre avenir est incertain.
Seigneur, donne-nous ton esprit pour que nous nous mettions en marche pour construire ton Royaume.
Seigneur, nous te cherchons dans la méditation de cette écriture ancienne ; rends-nous attentifs à l’écoute de la radicale nouveauté de ta Parole.
Lecture des textes du jour :
Malachie 3, 19-20
19 Car il arrive, le jour, ardent comme une fournaise. Tous les arrogants et tous ceux qui agissent en méchants seront comme du chaume ; ce jour qui vient les embrasera, dit le SEIGNEUR (YHWH) des Armées, il ne leur laissera ni racine ni rameau. 20 Mais pour vous qui craignez mon nom se lèvera le soleil de la justice, et la guérison sera sous ses ailes ; vous sortirez et vous sauterez comme des veaux à l’étable.
LUC 21, 5-19
5 Comme quelques-uns parlaient du temple en évoquant les belles pierres et les offrandes dont il était orné, il dit : 6 Les jours viendront où, de ce que vous voyez, il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée.
7 Ils l’interrogèrent : Maître, quand donc cela arrivera-t-il ? Quel sera le signe annonçant ces événements ? 8 Il répondit : Veillez à ne pas vous laisser égarer. Beaucoup, en effet, viendront en se servant de mon nom, en disant : « C’est moi ! », et : « Le temps s’est approché ! » N’allez pas à leur suite. 9 Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne vous effrayez pas, car cela doit arriver d’abord. Mais la fin n’est pas pour tout de suite.
10 Alors il leur disait : Nation se dressera contre nation et royaume contre royaume, 11 il y aura de grands tremblements de terre et, dans divers lieux, des pestes et des famines ; il y aura des phénomènes terribles et de grands signes du ciel.
12 Mais, avant tout cela, on mettra la main sur vous et on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous mènera devant des rois et des gouverneurs à cause de mon nom. 13 Cela vous amènera à rendre témoignage. 14 Sachez bien que vous n’avez pas à préparer votre défense, 15 car moi, je vous donnerai une parole, une sagesse, à laquelle tous vos adversaires ne pourront s’opposer, qu’ils ne pourront contredire. 16 Vous serez livrés même par des parents, des frères, des proches et des amis, et on fera mettre à mort plusieurs d’entre vous.
17 Vous serez détestés de tous à cause de mon nom. 18 Mais pas un seul cheveu de votre tête ne sera perdu ; 19 par votre persévérance, acquérez la vie !
PRÉDICATION
ORGUE
CONFESSION DE FOI texte de Dietrich Bonhoeffer
Je crois que Dieu peut et veut faire naître le bien à partir de tout, même du mal extrême. Pour cela, il a besoin d’êtres humains pour lesquels, « toutes choses concourent au bien ». Je crois que Dieu veut nous donner dans toute situation difficile la force de résistance dont nous avons besoin. Mais il ne la donne pas d’avance, afin que nous ne comptions pas sur nous-mêmes, mais sur lui seul. Dans une telle foi, toute peur de l’avenir devrait être surmontée. Je crois que nos fautes et nos erreurs aussi ne sont pas vaines et qu’il n’est pas plus difficile à Dieu d’en venir à bout que de nos prétendues bonnes actions. Je crois que Dieu n’est pas une fatalité hors du temps, mais qu’il attend nos prières sincères et nos actions responsables et qu’il y répond.
Chant 61 81, p. 958, strophes 1, 2 et 3 Je crois en Dieu le créateur
PARTAGE DE NOUVELLES ET OFFRANDE
PRIÈRE D’INTERCESSION
Notre Dieu, nous sommes en solidarité avec ceux qui vivent dans le danger et dans le combat. De loin ou de près, nous partageons leur détresse et leur espoir. Apprends-nous à étendre nos vies au-delà de nous-mêmes et à étirer notre cœur jusqu’aux frontières où les hommes souffrent et transforment le monde. Mets-nous en solidarité avec l’étranger, que nous ignorons, avec le démuni, que nous effaçons, avec le prisonnier, que nous évitons. Oh Dieu, que la solidarité soit ainsi un nom nouveau, un nom actuel pour cette fraternité, à laquelle tu nous appelles sans cesse.
Notre Père....
EXHORTATION ET BÉNÉDICTION
Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais un esprit de force, d'amour et de lucidité (2 Tim 1, 7)
Notre Seigneur Jésus-Christ dit : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. Que votre cœur ne se trouble pas. » Allez sur le chemin de la vie, confiants dans cette parole ! Le Seigneur vous bénit, vous accompagne et vous garde dans son amour.
Amen
Chant 47 04, strophe 1 Confie à Dieu ta Route, Dieu sait ce qu'il te faut, jamais le moindre doute ne le prend en défaut, quand à travers l'espace il guide astres et vents, ne crois tu pas qu'il trace la route à ses enfants.
ORGUE