Piano
SALUTATION ANNONCE DE LA GRACE [Joey]
« La grâce et la paix vous sont données
De la part de Dieu qui est, qui était et qui vient
Et de Jésus-Christ, le témoin fidèle, le ressuscité. » (Apocalypse 1, 4-5)
Frères et sœurs vous avez été invités à vous rassembler ce matin au nom de Dieu
Pour venir écouter Sa Parole,
Y trouver la lumière et le réconfort face aux incertitudes de la vie,
Et repartir, avec un cœur vivifié selon Sa volonté.
Sentez-vous pleinement chez vous en ce lieu, c’est le Seigneur qui vous accueille
Et qui vous fait savoir que vous comptez précieusement pour Lui.
LOUANGE [Joey]
[debout]
O Seigneur, notre Dieu,
Qu’il est grand ton nom par toute la terre.
Jusqu’aux cieux, ta splendeur est chantée
Par la bouche des enfants, des tout-petits.
A voir le ciel, ouvrage de tes doigts,
La lune et les étoiles que tu fixes,
Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui,
Le fils d’un homme, que tu en prennes souci ?
Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu,
Le couronnant de gloire et d’honneur ;
Tu l’établis sur les œuvres de tes mains,
Tu mets toute chose à ses pieds
O Seigneur, notre Dieu,
Qu’il est grand ton nom par toute la terre !
Psaume 19A p.44, Le ciel étincelant, 4 strophes
PRIERE DE CONVERSION [assis] [lecteur]
Père, nous voulons te dire notre désarroi
devant la souffrance du monde
et reconnaître notre responsabilité,
car notre manière de vivre ne transforme pas ce monde.
Pardonne-nous d’agir comme des égoïstes
et de ne pas aimer notre prochain.
Pardonne-nous de t’aimer si mal,
d’attendre toujours tes services au lieu d’être à ton service.
Pardonne-nous d’oublier
que notre vrai bonheur est de t’aimer et te servir.
Accorde-nous ton pardon ;
qu’il soit notre paix, notre joie et notre force.
Nous te le demandons au nom de Jésus-Christ.
Amen.
36-05 p.502, O Dieu de l’univers, strophe 1
ANNONCE DU PARDON [lecteur]
« Le Seigneur Dieu est tendresse et pitié,
patient et d’une immense bonté.
Il ne fait pas constamment de reproches,
Il ne garde pas éternellement rancune.
Il ne nous a pas punis comme nous l’aurions mérité,
Il ne nous a pas fait payer le prix de nos fautes.
Sa bonté pour ses fidèles monte aussi haut
que le ciel au-dessus de la terre.
La bonté du Seigneur durera toujours. »
Que Dieu nous mette au cœur l’assurance de son pardon, et que nous puissions nous relever délivrés du joug de la crainte.
36-05, strophe 2 [debout]
VOLONTE DE DIEU [lecteur]
(Matthieu 5, 13-16)
« C’est vous qui êtes le sel de la terre.
Mais si le sel perd son goût, comment pourrait-on le rendre à nouveau salé ? Il ne sert plus à
rien ; on ne peut que le jeter dehors, et les gens marchent dessus.
C’est vous qui êtes la lumière du monde.
Une ville construite sur une colline ne peut pas être cachée. On n’allume pas une lampe pour
la mettre sous un seau. Au contraire, on la place sur son support d’où elle éclaire tous ceux
qui sont dans la maison. C’est ainsi que votre lumière doit briller devant les hommes afin
qu’ils voient le bien que vous faites et qu’ils louent votre Père qui est dans les cieux. »
36-05, strophes 3 et 4
PRIERE D’ILLUMINATION [assis] [Joey]
Toi qui as parlé face à face avec Moïse,
Toi qui fis crier et pleurer les Prophètes,
Toi qui as fait jaillir les psaumes de ton peuple
Et murmuré la sagesse des proverbes,
Dieu vivant, qui a mis le « Magnificat »
Dans la bouche de Marie
Et la confession du Christ dans celle de Pierre,
Toi qui as prononcé ta Parole
Comme une parole humaine dans la vie de ton Fils,
Par ton Saint-Esprit,
Rends ces paroles vivantes en cette heure ;
Qu’elles deviennent pour nous, ta Parole.
Amen.
LECTURES [Lecteur]
Genèse 1, 8-15
Dieu dit encore à Noé et à ses fils avec lui : Quant à moi, j'établis mon alliance avec vous et avec votre descendance après vous, avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, tant les oiseaux que le bétail et tous les animaux sauvages, avec tous ceux qui sont sortis de l'arche, avec tous les animaux sauvages. J'établis mon alliance avec vous : tous les êtres ne seront plus retranchés par les eaux du déluge, et il n'y aura plus de déluge pour anéantir la terre. Dieu dit : Voici le signe de l'alliance que je place entre moi et vous, ainsi que tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour toutes les générations, pour toujours : je place mon arc dans la nuée, et il sera un signe d'alliance entre moi et la terre. Quand j'aurai rassemblé des nuages au-dessus de la terre, l'arc apparaîtra dans la nuée, et je me souviendrai de mon alliance entre moi et vous, ainsi que tous les êtres vivants, et les eaux ne se transformeront plus en déluge pour anéantir tous les êtres.
Marc 1, 12-15
Aussitôt l'Esprit le chasse au désert. Il passa quarante jours dans le désert, mis à l'épreuve par le Satan. Il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient. Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée ; il proclamait la bonne nouvelle de Dieu et disait : Le temps est accompli et le règne de Dieu s'est approché. Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle.
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PREDICATION
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CONFESSION DE FOI [Debout] [Lecteur] [ensemble]
Je ne croirai pas au droit du plus fort, au langage des armes, à la puissance des puissants.
Je veux croire au droit de l’homme, à la main ouverte, à la puissance des non-violents.
Je ne croirai pas à la race ou aux privilèges, à l’ordre établi.
Je veux croire que tous les hommes sont des hommes, que l’ordre de la force et de l’injustice est un désordre.
Je ne croirai pas que je n’ai pas à m’occuper de ce qui arrive loin d’ici.
Je veux croire que le monde entier est ma maison, et le champ que j’ensemence, et que tous moissonnent ce que tous ont semé.
Je ne croirai pas que je puisse là-bas combattre l’oppression si je tolère ici l’injustice
Je veux croire que le droit est un ici et là, que je ne suis pas libre tant qu’un homme est exclave.
Je ne croirai pas que la guerre et la faim sont inévitables et la paix inaccessible.
Je veux croire à l’action modeste, à l’amour aux mains nues, à la paix sur la terre
Je ne croirai pas que toute peine est vaine.
Je ne croirai pas que le rêve des hommes restera un rêve et que la mort sera la fin.
Mais j’ose croire toujours et malgré tout à l’homme nouveau.
J’ose croire au rêve de Dieu même : un ciel nouveau, une terre nouvelle où la justice habitera.
41-08, Célébrons Dieu notre Père, 3 strophes
ANNONCE [assis]
OFFRANDE
INTERCESSION [Lecteur]
Seigneur Dieu, Rédempteur du monde,
Qu’il te plaise d’envoyer des ouvriers fidèles dans ta moisson, de ramener dans le bon chemin ceux qui s’égarent dans les ténèbres et le désespoir, de les aider à retrouver la lumière et l’espérance.
Qu’il te plaise d’inspirer à toutes les nations la paix et la concorde, de préserver nos frères et nos sœurs par le monde des troubles et des désordres, de détourner les puissants de leurs soif insatiable de domination.
Qu’il te plaise de secourir, d’assister et de consoler tous ceux de nos frères qui sont exposés au danger ou à l’épreuve, de protéger ceux qui voyagent, d’avoir compassion de tous ceux qui sont prisonniers et persécutés, de prendre la défense des veuves, des orphelins, et de combler de ta miséricorde tous les hommes.
Qu’il te plaise de pardonner à tous ceux qui calomnient et persécutent, de convertir leur cœur, qu’il te plaise de nous donner et de nous conserver les fruits de la terre, afin que nous puissions en jouir avec tous les hommes et toutes les femmes.
Qu’il te plaisent enfin d’exaucer nos prières, de rester à nos côtés dans toutes nos épreuves.
(D’après Martin Luther)
NOTRE PERE
EXORTATION [Joey]
« Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur S'en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, salut que tu as préparé devant tous les peuples, lumière pour éclairer les nations, et gloire d'Israël, ton peuple. » (Luc 2,29)
Allez maintenant annoncer l’Evangile
en paroles et en actes.
Ayez le souci de la justice, de l’amour et de la paix.
Allez avec la promesse de rencontrer Jésus-Christ parmi les plus petits de nos frères et
de nos sœurs.
BENEDICTION [debout] [Joey]
Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous !
Que votre attitude conciliante soit connue de tous. Le Seigneur est proche.
Ne vous inquiétez de rien ; mais, en tout, par la prière et la supplication, avec des actions de grâces, faites connaître à Dieu vos demandes.
Et la paix de Dieu, qui surpasse toute pensée, gardera votre cœur et votre intelligence en Jésus-Christ.
(Philippiens 4, 4-7)
PRÉDICATION PAR JOEY COMMES
Genèse 1, 8-15
Dieu dit encore à Noé et à ses fils avec lui : Quant à moi, j'établis mon alliance avec vous et avec votre descendance après vous, avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, tant les oiseaux que le bétail et tous les animaux sauvages, avec tous ceux qui sont sortis de l'arche, avec tous les animaux sauvages. J'établis mon alliance avec vous : tous les êtres ne seront plus retranchés par les eaux du déluge, et il n'y aura plus de déluge pour anéantir la terre. Dieu dit : Voici le signe de l'alliance que je place entre moi et vous, ainsi que tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour toutes les générations, pour toujours : je place mon arc dans la nuée, et il sera un signe d'alliance entre moi et la terre. Quand j'aurai rassemblé des nuages au-dessus de la terre, l'arc apparaîtra dans la nuée, et je me souviendrai de mon alliance entre moi et vous, ainsi que tous les êtres vivants, et les eaux ne se transformeront plus en déluge pour anéantir tous les êtres.
Marc 1, 12-15
Aussitôt l'Esprit le chasse au désert. Il passa quarante jours dans le désert, mis à l'épreuve par le Satan. Il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient. Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée ; il proclamait la bonne nouvelle de Dieu et disait : Le temps est accompli et le règne de Dieu s'est approché. Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle.
« Le temps est accompli et le règne de Dieu s’est approché ». C’est là une singulière entrée en matière. Notre texte du jour marque le commencement de la prédication de Jésus, et c’est ainsi qu’il débute l’annonce de la Bonne Nouvelle, par dire que c’est déjà la fin. Nous voilà ainsi placés devant l’achèvement du temps, il ne nous reste plus que la conversion avant que tout ne soit accompli.
Et puis tout aurait pu s’arrêter là, Jésus de Nazareth, prédicateur itinérant proclamant un message de rupture, exigeant la transformation radicale de ceux qui l’écoutaient, appelant à se tenir prêt pour la fin du monde. S’arrêter ici serait le meilleur moyen de susciter les rires ou du moins les sourires narquois de ceux qui ne voient en Jésus qu’un fanatique, un gourou religieux parmi d’autres. La fin du monde n’est pas arrivée du vivant de Jésus, et ses disciples, après sa mort l’ont attendue, encore et encore. Les mois sont devenus années, les années siècles, et nous nous tenons ici aujourd’hui, à attendre comme eux il y a deux mille ans.
Est-ce à dire que Jésus n’était qu’un illuminé à la parole dénuée de bon sens ? S’il existe toujours dans le monde des lieux, comme celui-là même où nous nous tenons ce matin, où chaque dimanche des hommes et des femmes qui voient en lui le sauveur de l’humanité se rassemblent, c’est bien parce que ces hommes et ces femmes ne s’arrêtent pas à ça. Leur communauté n’est pas fondée sur la peur de l’apocalypse et du Jugement dernier, mais sur la croyance selon laquelle la Bonne Nouvelle proclamée par le Nazaréen était plus qu’un simple appel à la repentance.
Pourtant c’est bien là le point de départ du ministère de Jésus. D’après la plupart des exégètes, l’évangile de Marc est le plus ancien des quatre évangiles. Si nous cherchions à rétablir un ordre chronologique de la prédication de Jésus uniquement à partir des textes bibliques, il faudrait considérer que la proclamation de l’imminence du règne de Dieu est le commencement de tout. Pourquoi Jésus choisit-il de faire passer ce message en premier ? Un regard un peu plus éloigné permet d’esquisser un début de réponse : c’est son environnement qui le pousse à parler de la sorte.
Je ne sais si vous avez eu la même impression que moi à la lecture de ce texte, mais tout va très vite, trop vite peut-être. Juste avant le passage Jésus était en train de se faire baptiser, et « aussitôt » il se retrouve au désert. Il y passe quarante jours, c’est-à-dire deux versets, Jean le Baptiste se fait arrêté et le revoilà parmi les humains, à annoncer que la fin est proche. En quatre versets nous sommes passés de la joie du baptême, où Dieu reconnaissait en Jésus son Fils, à l’urgence de la conversion avant qu’il ne soit trop tard.
Dans ce récit ramassé à l’extrême un épisode peut justifier la radicalité du message de Jésus : l’arrestation de Jean le Baptiste. Celui-là même qui avait donné le baptême au Christ, qui attendait son avènement, qui lui fraya son chemin, vient d’être livré aux soldats d’Hérode. Jean disparaît ensuite de l’évangile de Marc pour ne réapparaître qu’au chapitre six pour y trouver la mort. Il passe donc dans cet évangile comme un souffle, le souffle de celui qui crie dans le désert pour préparer la venue du Messie.
S’il n’a fait qu’accomplir ce qu’il avait à faire il laisse à mon avis une trace ineffaçable dans le souvenir de Jésus. Une lecture précipitée de notre texte pourrait nous pousser à considérer Jésus comme le disciple de Jean. Son action est fort semblable à celle de Jean : « survint Jean, celui qui baptisait dans le désert et proclamait un baptême de changement radical, pour le pardon des péchés » (Marc 1,4). On retrouve la même intention de provoquer le changement radical chez ceux qui reçoivent leur parole, à ceci près que pour Jean cela passe explicitement par le baptême, tandis que Jésus n’en fait pas mention.
Mais la proclamation de la Bonne Nouvelle par Jésus est initiée dès qu’il apprend l’arrestation de Jean, comme s’il marchait à sa suite, lui qui vient de quitter le désert où il s’était retiré comme Jean l’avait fait avant lui. Marc construit ainsi un parallélisme entre les deux personnages de Jésus et de Jean, leur destin semble étroitement lié. Comme Jean, Jésus depuis le désert part délivrer à tous son message. Et, dans notre traduction, Jean est « livré » comme Jésus sera plus tard livré pour les hommes.
Ce lien fort entre les deux hommes me pousse à penser que l’arrestation de Jean fonctionne pour Jésus comme un choc décisif. Tout juste sorti du désert le voilà confronté à une épreuve délicate. Il vient de perdre celui qui a été pour lui une figure de maître, le voilà seul et c’est pourquoi il se sent obligé d’inciter les gens à se tourner vers la Parole de Dieu, l’urgence vient de se manifester dans la captivité du dernier prophète avant la révélation du Messie.
D’une certaine manière cet effacement de Jean était nécessaire pour que Jésus, seul face au monde, puisse pleinement être le Christ, le Sauveur qu’attendait le peuple de Dieu. Mais Marc prend son temps pour dévoiler totalement cette identité, même si bien des indices se font voir tout au long du texte. Pour Marc Jésus-Christ se révèle pleinement comme Fils de Dieu sur la Croix, point d’arrivée d’un long parcours où la Bonne Nouvelle n’a jamais cessé d’être au cœur des actes comme des paroles du Christ.
Mais avant que la Passion ait lieu le monde a eu bien des occasions d’être le théâtre du défoulement du mal. Notre texte mentionne la tentation de Jésus au désert, épisode longuement développé dans l’évangile selon Matthieu, mais qui n’est que résumé ici. Cette tentation est réduite à une simple évocation en passant, comme si le cœur du problème n’était pas là. Ce n’était qu’une mise à l’épreuve, pour traduire plus précisément le grec, qui ne constitue qu’un passage dans le parcours de Jésus, comme s’il était prêt à triompher du mal.
Et c’est précisément dans ce but qu’il se met à annoncer la Bonne Nouvelle à peine sorti du désert. L’arrestation de Jean est une autre face du mal, mal qui empêche la Parole de Dieu de se propager, mal qui contraint les pensées, mal qui fait succomber les corps sous la violence dont il fait sa force. Si le Christ sort du désert c’est pour apporter une réponse à ce mal. Il préfigure ainsi tout son parcours sur la terre par un geste. Il vient parmi les hommes en réaction aux injustices qui les oppressent, il vient pour apporter une parole qui pourra les dépasser et donner un sens nouveau à l’existence humaine.
Sa prédication est somme toute paradoxale. Bien que la violence politique se manifeste clairement sur un prophète, il déclare que le règne de Dieu est sur le point d’advenir. Il invente une forme de résistance singulière qui ne passe pas par la lutte armée, mais qui repose sur la foi en Dieu qui seul peut apporter le secours. Cette réaction peut sembler désespérée, il n’y aurait pour seule échappatoire aux périls de cette existence que l’attente de la vie dans le monde à venir après la mort, comme si celui-là était déjà condamnée. N’aurions-nous que la résignation pour vivre en chrétiens, résignation qui revient à laisser le diable croire qu’il a gagné ?
Mais la figure de Jésus dans le désert tenté par Satan est peut-être la meilleure représentation de ce que doit être l’attitude à laquelle le Christ nous exhorte. Cette image de Jésus devant l’incarnation du mal souligne l’humanité de Jésus, confronté aux mêmes épreuves que tout un chacun. Il trouve en lui la force de lui résister. Il confirme de la sorte son baptême, par sa foi il est vainqueur sur tout ce qui peut l’en écarter. Tous les malheurs qu’il affronte peuvent donc être surpassés, Satan peut être vaincu, le mal peut disparaître. Et c’est à mon avis ce qu’il annonce quand il proclame l’imminence du règne de Dieu. Le mal disparaîtra un jour, et toute personne sur terre est un potentiel témoin de cet effacement.
Affirmer que le règne de Dieu est sur le point de survenir, c’est ainsi faire preuve d’une insolence troublante envers les responsables de l’oppression à laquelle assistent les contemporains du Christ. C’est une manière de leur dire qu’ils auront beau se démener pour imposer leur pouvoir sur leurs semblables, leur domination sera emportée, elle passera comme la fleur des champs, mais la domination du Dieu de Jésus-Christ subsistera éternellement. A défaut de n’être qu’une parole et non une action immédiate, la prédication du Christ est déjà le lieu où le refus de la violence et de la division sont possibles.
La proclamation de la Bonne Nouvelle est donc la vraie manière par laquelle le Messie s’oppose au diable et au mal qu’il incarne. Avant de souffrir sa Passion il s’adresse au monde pour lequel il est venu, donnant ainsi un sens à sa présence. Il est la réponse à leurs prières, le signe que Dieu ne les abandonne pas. Même si nous ne sommes censés comprendre qu’il est le Sauveur qu’à la fin de l’évangile, son dévoilement est déjà en train de s’opérer ici. Il n’y avait que lui pour garder confiance malgré la disparition de Jean, pour savoir que ce ne serait pas la fin du message que ce dernier avait proclamé.
La conversion ou changement radical, comme nous le lisons dans notre traduction, n’est donc pas tant une démarche de repentance pour les péchés accomplis qu’un changement de regard porté sur le monde. Le Christ invite à ne pas se laisser abattre par les épreuves et à trouver dans sa foi en Dieu l’assurance qu’un avenir meilleur est à venir, jamais les souffrances ne surpasseront la béatitude promise par Dieu.
Mais le problème central demeure : dans le discours du Christ l’avènement du règne de Dieu s’est approché, c’est-à-dire qu’il est là présent. Et manifestement sa présence n’est pas synonyme de fin des épreuves. Jésus se serait trompé ou nous n’avons pas compris ce qu’il voulait nous dire. Si sa prédication est un écho à l’action de Jean, une différence majeure se donne à voir dans leurs propos. Jean en effet annonce celui qui vient après lui, ceux qui l’écoutent sont donc dans l’attente d’un autre, ce n’est plus le cas quand Jésus prend la parole. Il n’est plus question d’attente car celui qui était attendu est arrivé en sa personne.
La proclamation de la Bonne Nouvelle de Dieu par le Christ est donc la révélation que l’attente est terminée. La venue du Christ sur la terre est le signe de l’avènement du règne de Dieu pour toute l’humanité. Et ce même si l’histoire ne s’est pas arrêtée il y a deux mille ans à cette occasion. Il nous faut donc habiter le monde en conséquence, et ne pas se préoccuper d’une attente dont on ne sait quand elle finira. « Le temps est approché », le temps en grec c’est le kairos, l’instant décisif où il faut agir sans délai. Le changement radical ne peut survenir que maintenant. Demain il sera trop tard.
Mais alors que faire, face à une puissance démesurément écrasante, comme celle dont l’ombre plane sur ce texte ? irons-nous nous précipiter pour nous briser contre un mur ? Le changement radical n’aurait servi à rien, l’histoire est peuplée d’êtres qui se sont ainsi lancés dans des tentatives désespérées de lutte armée contre un adversaire bien mieux armé que ces derniers. Et leur défaite a trop souvent desservi la cause qu’ils défendaient, entraînant dans leur chute leurs semblables qui n’avaient pas fait un tel choix.
C’est ainsi, pour rester dans l’univers biblique, que la révolte des zélotes juifs contre les Romains, qui se déroule dans les années où l’évangile de Marc est en train d’être composé, a entraîné la dévastation de Jérusalem et la destruction du Temple, lieu sacro-saint du judaïsme ancien. Moins d’un siècle plus tard une nouvelle révolte a lieu au terme de laquelle Jérusalem est rayée de la carte et une grande partie de la population de Judée poussée à l’exil, qui deviendra la population juive d’Europe pour qui les malheurs et les persécutions étaient loin d’être finies. Oui le fanatisme d’une poignée a des conséquences dévastatrices sur la multitude qui ne l’a pas souhaité.
Cela ne répond toujours pas à ma question : que faire ? Jésus vient proclamer la Bonne Nouvelle pour effacer le mal, quelle action doit suivre de notre part ? J’en reviens à ma constatation de départ : ce passage n’est que le commencement d’une longue aventure qui a changé l’histoire de l’humanité. Et ce premier pas de Jésus c’est une prise de parole.
Ce que nous dit ce texte, c’est peut-être qu’avant agir il faut trouver la force d’affirmer les convictions au nom desquelles nous cherchons à rendre le monde meilleur. L’appel à la conversion du Christ est avant tout un appel à la prise de conscience. Le règne de Dieu est là, c’est-à-dire la fin des épreuves, comment pouvons-nous encore accepter qu’un tyran arrête un homme pour ses idées ? Comment pouvons-nous accepter qu’il y ait encore sur les chemins des aveugles et des lépreux sans assistance ? Comment pouvons-nous accepter que la richesse des uns laisse les autres dans la misère ?
Le règne de Dieu est là, le Christ dit aux hommes et aux femmes : « vous êtes sauvés », le changement radical auquel il les appelle est donc aussi un changement d’attitude vis-à-vis de son prochain. Puisque le salut est une vérité qui est proclamée pour moi de la bouche du Fils de Dieu, je suis invité à partager ce salut, à le rendre effectif déjà là, à refuser la résignation.
La prédication de Jésus n’est donc pas l’annonce de la fin des temps, elle affirme que la séparation entre le monde terrestre et le monde divin est abolie. Dieu, qui s’est fait notre frère en Jésus-Christ avec tous les caractères humains, refuse que nous vivions sous l’emprise de la violence et de l’injustice. Il nous invite ainsi à cesser de se soucier de ce que nous allons advenir après ce monde pour que nous nous préoccupions de notre présent, pour que nous réussissions nos épreuves comme Jésus a réussi la sienne face à Satan.
La prise de conscience à laquelle nous sommes appelés nous pousse ainsi à inventer des moyens nouveaux de lutte et de résistance. Comme le fera Jésus quand il invite à tendre l’autre joue, c’est bien là une réaction à laquelle un bourreau n’est pas habitué, et c’est pourquoi elle désarme mieux que l’opposition frontale. Cheminer avec le Christ c’est trouver comment effacer les maux avec l’assurance du salut qu’il promet.
Mais si nous avons à effacer ces maux, ce ne sera pas par la force qui répondrait à la force pour n’engendrer que la force à nouveau. Dieu refuse la destruction brutale. Le passage de la Genèse que nous avons entendu le démontre bien. Dieu renonce à détruire le monde et fait alliance avec toute la création, c’est la première fois qu’il est question d’alliance dans la Bible, la première fois que Dieu affirme unilatéralement que la création compte pour lui qu’il ne l’abandonnera pas. Et par l’arc-en-ciel, qui établit un lien mystérieux entre le ciel et la terre, il nous invite à contempler la beauté du monde qui nous entoure, en nous rappelant que tout y sanctifié par cette alliance.
Nous devons donc d’abord nous tourner vers ce monde avant de trembler pour celui à venir, si nous doutons. Se convertir à la Bonne Nouvelle de Dieu c’est tourner son regard vers son prochain qui fait autant partie de la création que moi. Dieu ne nous abandonnera pas parce qu’il a promis qu’il n’y aura plus de déluge, nous ne serons plus victimes de sa colère. En Jésus-Christ il nous invite à devenir les ouvriers de son règne sur la Terre. Et si nous ne chancelons sous le poids de la vie, la prédication du Christ nous rappelle qu’il n’y aura jamais assez de ténèbres pour voiler la lumière de Dieu.