Luc 15.1-32
1 Tous les collecteurs des taxes et les pécheurs s'approchaient de lui pour l'entendre. 2 Les pharisiens et les scribes maugréaient : Il accueille des pécheurs et il mange avec eux ! 3 Mais il leur dit cette parabole : 4 Quel homme d'entre vous, s'il a cent moutons et qu'il en perde un, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller après celui qui est perdu, jusqu'à ce qu'il le retrouve ? 5 Lorsqu'il l'a retrouvé, il le met sur ses épaules, tout joyeux, 6 et, de retour chez lui, il appelle ses amis et ses voisins pour leur dire : « Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé mon mouton, qui était perdu ! » 7 De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui change radicalement que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin d'un changement radical. 8 Ou bien quelle femme, si elle a dix drachmes et qu'elle perde une drachme, n'allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin, jusqu'à ce qu'elle la retrouve ? 9 Lorsqu'elle l'a retrouvée, elle appelle chez elle ses amies et ses voisines et dit : « Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé la drachme que j'avais perdue ! » 10 De même, je vous le dis, il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui change radicalement.
Exode 32.7-14
7 Le SEIGNEUR dit à Moïse : Va, descends ; car ton peuple, celui que tu as fait monter d'Egypte, s'est perverti. 8 Ils se sont bien vite écartés de la voie que je leur avais prescrite ; ils se sont fait un taurillon de métal fondu, ils se sont prosternés devant lui, ils lui ont offert des sacrifices et ils ont dit : Voici tes dieux, Israël, ceux qui t'ont fait monter d'Egypte ! 9 Le SEIGNEUR dit à Moïse : Je vois que ce peuple est un peuple rétif. 10 Maintenant, laisse-moi faire : je vais me mettre en colère contre eux, je les exterminerai, et je ferai de toi une grande nation. 11 Moïse chercha à apaiser le SEIGNEUR, son Dieu ; il dit : SEIGNEUR, pourquoi te mettre en colère contre ton peuple, alors que tu l'as fait sortir d'Egypte par une grande puissance, par une main forte ? 12 Pourquoi les Egyptiens diraient-ils : « C'est pour leur malheur qu'il les a fait sortir : c'est pour les tuer dans les montagnes et pour les exterminer, pour les faire disparaître de la terre ! » Reviens de ta colère ardente, renonce au mal que tu voulais faire à ton peuple ! 13 Souviens-toi d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, tes serviteurs, auxquels tu as dit, en faisant un serment par toi-même : « Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel, je donnerai à votre descendance tout ce pays dont j'ai parlé, et ce sera son patrimoine pour toujours. » 14 Alors le SEIGNEUR renonça au mal qu'il avait parlé de faire à son peuple.
Prédication
Dans la Bible, rien n'est simple. Certes, lorsqu'on se concentre uniquement sur un extrait d'un texte, on peut en arriver à dire des choses simples. Et efficaces. Alors je vais commencer par ça. En examinant le bout de texte -ce texte extraordinaire extrait du livre de l'Exode qui est notre texte du jour- sans d'emblée m'occuper de ce qui suit – que vous n'avez pas entendu – mais qui reste tout de même dans ma tête, comme un bourdonnement.
Je vous en rappelle le contexte. Les Israélites, ne voyant pas Moïse redescendre de sa montagne ont fabriqué, avec l'or qu'ils ont récolté, un veau – ce qui serait mieux traduit par un « taureau », qui est une représentation d'un Dieu cananéen appelé Baal. Un petit taureau d'or. Moïse qui discute sur la Montagne avec le Seigneur ne voit pas ce qui est en train d'arriver. Le Seigneur lui en revanche, voit tout et d'une façon presque mesquine dit à Moïse : « ce peuple que tu as fait sortir d'Egypte » - comme si lui, le Seigneur n'y était pour rien- on dirait que déjà il ne veut plus rien avoir à faire avec ce peuple - ce peuple que tu as libéré et bien il se commet en libations pour une idole qui est la représentation d'un Dieu qui signifie aussi Seigneur, qui est mon concurrent, moi YHWH, le Dieu d'Israël. Et le Seigneur de Moïse se met en colère et parle d'exterminer ce peuple.
On a là une scène presque connue, d'un Dieu déçu, qui n'a plus que sa colère et sa tristesse, dont la fureur triste semble déborder.
Là où le texte devient d'abord intéressant, c'est évidemment dans la réaction de Moïse au projet du Seigneur. Il intercède. Ce texte est couramment nommé l'intercession de Moïse. Moi je vois plutôt une séance de domptage, mais d'un animal particulier puisqu'il s'agit d'une divinité. Moïse use d'arguments qu'on a de la peine à imaginer qu'ils puissent figurer dans le contexte d'un épisode aussi célèbre que « le veau d'or » . Il dit au Seigneur en substance « que vont penser les Égyptiens de toi si tu extermines ton peuple ? » , et ensuite Moïse fait ce que tout le monde fait quand il veut convaincre quelqu'un. Moïse rappelle au Seigneur ce que le Seigneur lui même avait dit, et promis. Je te cite, Seigneur, n'avais-tu pas dit « Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel » ? En les exterminant, tu trahirais toi-même ta propre promesse.
1 Tous les collecteurs des taxes et les pécheurs s'approchaient de lui pour l'entendre. 2 Les pharisiens et les scribes maugréaient : Il accueille des pécheurs et il mange avec eux ! 3 Mais il leur dit cette parabole : 4 Quel homme d'entre vous, s'il a cent moutons et qu'il en perde un, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller après celui qui est perdu, jusqu'à ce qu'il le retrouve ? 5 Lorsqu'il l'a retrouvé, il le met sur ses épaules, tout joyeux, 6 et, de retour chez lui, il appelle ses amis et ses voisins pour leur dire : « Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé mon mouton, qui était perdu ! » 7 De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui change radicalement que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin d'un changement radical. 8 Ou bien quelle femme, si elle a dix drachmes et qu'elle perde une drachme, n'allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin, jusqu'à ce qu'elle la retrouve ? 9 Lorsqu'elle l'a retrouvée, elle appelle chez elle ses amies et ses voisines et dit : « Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé la drachme que j'avais perdue ! » 10 De même, je vous le dis, il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui change radicalement.
Exode 32.7-14
7 Le SEIGNEUR dit à Moïse : Va, descends ; car ton peuple, celui que tu as fait monter d'Egypte, s'est perverti. 8 Ils se sont bien vite écartés de la voie que je leur avais prescrite ; ils se sont fait un taurillon de métal fondu, ils se sont prosternés devant lui, ils lui ont offert des sacrifices et ils ont dit : Voici tes dieux, Israël, ceux qui t'ont fait monter d'Egypte ! 9 Le SEIGNEUR dit à Moïse : Je vois que ce peuple est un peuple rétif. 10 Maintenant, laisse-moi faire : je vais me mettre en colère contre eux, je les exterminerai, et je ferai de toi une grande nation. 11 Moïse chercha à apaiser le SEIGNEUR, son Dieu ; il dit : SEIGNEUR, pourquoi te mettre en colère contre ton peuple, alors que tu l'as fait sortir d'Egypte par une grande puissance, par une main forte ? 12 Pourquoi les Egyptiens diraient-ils : « C'est pour leur malheur qu'il les a fait sortir : c'est pour les tuer dans les montagnes et pour les exterminer, pour les faire disparaître de la terre ! » Reviens de ta colère ardente, renonce au mal que tu voulais faire à ton peuple ! 13 Souviens-toi d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, tes serviteurs, auxquels tu as dit, en faisant un serment par toi-même : « Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel, je donnerai à votre descendance tout ce pays dont j'ai parlé, et ce sera son patrimoine pour toujours. » 14 Alors le SEIGNEUR renonça au mal qu'il avait parlé de faire à son peuple.
Prédication
Dans la Bible, rien n'est simple. Certes, lorsqu'on se concentre uniquement sur un extrait d'un texte, on peut en arriver à dire des choses simples. Et efficaces. Alors je vais commencer par ça. En examinant le bout de texte -ce texte extraordinaire extrait du livre de l'Exode qui est notre texte du jour- sans d'emblée m'occuper de ce qui suit – que vous n'avez pas entendu – mais qui reste tout de même dans ma tête, comme un bourdonnement.
Je vous en rappelle le contexte. Les Israélites, ne voyant pas Moïse redescendre de sa montagne ont fabriqué, avec l'or qu'ils ont récolté, un veau – ce qui serait mieux traduit par un « taureau », qui est une représentation d'un Dieu cananéen appelé Baal. Un petit taureau d'or. Moïse qui discute sur la Montagne avec le Seigneur ne voit pas ce qui est en train d'arriver. Le Seigneur lui en revanche, voit tout et d'une façon presque mesquine dit à Moïse : « ce peuple que tu as fait sortir d'Egypte » - comme si lui, le Seigneur n'y était pour rien- on dirait que déjà il ne veut plus rien avoir à faire avec ce peuple - ce peuple que tu as libéré et bien il se commet en libations pour une idole qui est la représentation d'un Dieu qui signifie aussi Seigneur, qui est mon concurrent, moi YHWH, le Dieu d'Israël. Et le Seigneur de Moïse se met en colère et parle d'exterminer ce peuple.
On a là une scène presque connue, d'un Dieu déçu, qui n'a plus que sa colère et sa tristesse, dont la fureur triste semble déborder.
Là où le texte devient d'abord intéressant, c'est évidemment dans la réaction de Moïse au projet du Seigneur. Il intercède. Ce texte est couramment nommé l'intercession de Moïse. Moi je vois plutôt une séance de domptage, mais d'un animal particulier puisqu'il s'agit d'une divinité. Moïse use d'arguments qu'on a de la peine à imaginer qu'ils puissent figurer dans le contexte d'un épisode aussi célèbre que « le veau d'or » . Il dit au Seigneur en substance « que vont penser les Égyptiens de toi si tu extermines ton peuple ? » , et ensuite Moïse fait ce que tout le monde fait quand il veut convaincre quelqu'un. Moïse rappelle au Seigneur ce que le Seigneur lui même avait dit, et promis. Je te cite, Seigneur, n'avais-tu pas dit « Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel » ? En les exterminant, tu trahirais toi-même ta propre promesse.
Et on aboutit à cette phrase, qui est la conclusion de notre texte du jour : Alors le SEIGNEUR renonça au mal qu'il avait parlé de faire à son peuple.
Maintenant qu'on a pu tenter de voir l'originalité de cette séquence. Qu'on a pu découvrir que la divinité triste et furieuse a réussi à être amadouée, et se retrouve presque coincée par les arguments de Moïse. Le Seigneur en effet, s'il avait exterminé son peuple se serait littéralement « tué » lui-même.
Maintenant que l'on s'est étonné de cela, on doit franchir une étape supplémentaire. Aller plus loin dans l'interprétation sur la base que ces textes sont là pour dire quelque chose et pas simplement décrire une hypothétique discussion entre un Dieu mal dégrossi et un héros. En général, les interprètes oublient qu'un texte, c'est comme une photo. Une photo réussie arrive à vous faire plonger en elle et à vous faire oublier son cadre. Un texte biblique c'est pareil. Souvent les interprètes brillent d'hypothèses pour expliquer ce qui se passe à l'intérieur du cadre qu'ils nous font oublier. Au point même parfois qu'ils prétendent avoir l'intelligence de Dieu, c'est à dire qu'au vu de ses réactions diverses, ils en arriveraient à le comprendre. Mais ce que beaucoup de gens oublient, c'est le cadre et son au-delà. Non pas uniquement le contexte littéraire, voire historique, mais le simple fait que ce soit un récit qui a parlé à des générations de gens, donc qui a été éprouvé, un récit aussi fabriqué par le temps et qui donc pourrait avoir une méta signification, au delà de la narration pure.
Ce texte pourrait par exemple, inviter ceux qui le lisent à évoluer dans leur conception de Dieu. Ici est aussi décrite finalement l'intervention d'un esprit humain contre cette représentation d'un Dieu comme un être furieux assoiffé de vengeance narcissique. Moïse qui parle à Dieu, c'est l'humain qui remet en question ses anciennes représentations. Ce serait fini le Dieu qui use et abuse de sa toute puissance et qui n'est finalement que la caution de ce que l'humain s'inflige à lui- même. Ce texte marque une évolution théologique, de la même façon que dans le texte célèbre de la ligature d'Isaac, dans Genèse 22 plus couramment appelé à tort voire n'importe comment « le sacrifice d'Abraham », on peut voir que le Dieu qui a demandé le sacrifice finalement ne le demande plus. Le texte ne dit pas simplement que Dieu « a changé d'avis » - ce qui aurait été son droit naturellement, mais il illustre surtout que la conception de Dieu a changé. Dieu ne demande plus de sacrifice et même il va les détester, il va être dégoûté du sang et des libations.
Ici, dans notre texte de ce matin, l'interprète lecteur est invité à considérer Dieu d'une façon différente quand il lit : Alors le SEIGNEUR renonça au mal qu'il avait parlé de faire à son peuple .
C'est aussi la marque d'une prise de distance. Désormais, dans l'époque où ce récit circule, et il circule encore aujourd'hui, bien évidemment bien après les temps quasi mythiques où les événements sont censés se dérouler, Dieu est plus distant, il n'est plus là pour fournir le prétexte à tous les malheurs qui s'abattent sur nous. Voilà ce que ce texte, en plus de sa narration pourrait raconter. Raconter un moment où l'humain réalise que son Dieu est beaucoup plus distant – par forcément indifférent, mais distant – et beaucoup moins cruel et colérique – qu'on l'avait cru jusqu'à présent.
Maintenant qu'on a pu tenter de voir l'originalité de cette séquence. Qu'on a pu découvrir que la divinité triste et furieuse a réussi à être amadouée, et se retrouve presque coincée par les arguments de Moïse. Le Seigneur en effet, s'il avait exterminé son peuple se serait littéralement « tué » lui-même.
Maintenant que l'on s'est étonné de cela, on doit franchir une étape supplémentaire. Aller plus loin dans l'interprétation sur la base que ces textes sont là pour dire quelque chose et pas simplement décrire une hypothétique discussion entre un Dieu mal dégrossi et un héros. En général, les interprètes oublient qu'un texte, c'est comme une photo. Une photo réussie arrive à vous faire plonger en elle et à vous faire oublier son cadre. Un texte biblique c'est pareil. Souvent les interprètes brillent d'hypothèses pour expliquer ce qui se passe à l'intérieur du cadre qu'ils nous font oublier. Au point même parfois qu'ils prétendent avoir l'intelligence de Dieu, c'est à dire qu'au vu de ses réactions diverses, ils en arriveraient à le comprendre. Mais ce que beaucoup de gens oublient, c'est le cadre et son au-delà. Non pas uniquement le contexte littéraire, voire historique, mais le simple fait que ce soit un récit qui a parlé à des générations de gens, donc qui a été éprouvé, un récit aussi fabriqué par le temps et qui donc pourrait avoir une méta signification, au delà de la narration pure.
Ce texte pourrait par exemple, inviter ceux qui le lisent à évoluer dans leur conception de Dieu. Ici est aussi décrite finalement l'intervention d'un esprit humain contre cette représentation d'un Dieu comme un être furieux assoiffé de vengeance narcissique. Moïse qui parle à Dieu, c'est l'humain qui remet en question ses anciennes représentations. Ce serait fini le Dieu qui use et abuse de sa toute puissance et qui n'est finalement que la caution de ce que l'humain s'inflige à lui- même. Ce texte marque une évolution théologique, de la même façon que dans le texte célèbre de la ligature d'Isaac, dans Genèse 22 plus couramment appelé à tort voire n'importe comment « le sacrifice d'Abraham », on peut voir que le Dieu qui a demandé le sacrifice finalement ne le demande plus. Le texte ne dit pas simplement que Dieu « a changé d'avis » - ce qui aurait été son droit naturellement, mais il illustre surtout que la conception de Dieu a changé. Dieu ne demande plus de sacrifice et même il va les détester, il va être dégoûté du sang et des libations.
Ici, dans notre texte de ce matin, l'interprète lecteur est invité à considérer Dieu d'une façon différente quand il lit : Alors le SEIGNEUR renonça au mal qu'il avait parlé de faire à son peuple .
C'est aussi la marque d'une prise de distance. Désormais, dans l'époque où ce récit circule, et il circule encore aujourd'hui, bien évidemment bien après les temps quasi mythiques où les événements sont censés se dérouler, Dieu est plus distant, il n'est plus là pour fournir le prétexte à tous les malheurs qui s'abattent sur nous. Voilà ce que ce texte, en plus de sa narration pourrait raconter. Raconter un moment où l'humain réalise que son Dieu est beaucoup plus distant – par forcément indifférent, mais distant – et beaucoup moins cruel et colérique – qu'on l'avait cru jusqu'à présent.
Et une ironie supplémentaire de ce texte, c'est de commencer à associer cet « ancien Dieu » celui qui veut exterminer tout le monde, et ce Dieu Païen, Baal. Comme si ce texte était une généalogie d'un Dieu biblique, qui quitte sa forme de taureau et aussi sa fureur pour devenir le véritable Dieu d'Israël.
Ce qu'on doit ajouter , pour garnir encore plus l'escarcelle de l'interprète qui s'élève au dessus du basique, c'est se rappeler quelle est la fonction de Moïse. Il est le transmetteur de la Torah, c'est à dire des directives, des directions, des orientations du Seigneur. Et à quoi sert cette loi, cette Torah : elle sert à ça : éviter de se battre sans cesse, de se convoiter sans cesse, de se massacrer sans cesse, en prétextant que c'est Dieu qui l'aurait fait, ou voulu. La loi est là pour éviter ça, et donc ce Dieu cruel et colérique- qui n'a évidemment jamais existé, sauf dans l'imaginaire- n'a donc non seulement jamais existé mais en plus il est devenu inutile car désormais, il y a la Torah, qui est le guide pour vivre ensemble sans sombrer dans la haine de soi et des autres, l’idolâtrie et l'auto justification. Donc, voilà un apport possible de ce texte parmi d'autres de son acabit.
Mais je vous disais au départ que rien n'est simple, car le charme de la Bible est qu'elle est essentiellement narrative et que finalement aucun texte n'est clos sur lui- même, contrairement à l'illusion que peuvent donner son utilisation par fragments.
Ce qui suit est rarement utilisé dans les textes du jour, et rarement expliqué au catéchisme. Moïse redescend de la Montagne en effet. Brise les deux tables de la loi. Et c'est lui maintenant qui porte la fureur du Dieu qu'il avait réussi à calmer. Lui Moïse, organise un massacre et confère aux auteurs de ce massacre une certaine dignité. Oui, c'est ce qu'il fait. Et pire que ça, Moïse se justifie en disant que c'est le Seigneur qui lui a dit de procéder ainsi. Sauf qu'il apparaît qu'à aucun moment il n'est raconté que le Seigneur lui aurait effectivement dit. On découvre dans la suite de ce texte un « sombre Moïse » qui oblige des gens à tuer ceux qui leur sont chers. Mais le lecteur n'oublie pas que nulle part il est écrit que Dieu lui a dit cela. Le lecteur est invité ici à comprendre quelque chose de politiquement important après avoir compris que le vrai Dieu n'envisage pas d'exterminer son peuple. Il est invité à comprendre qu'un leader, même celui qui a été un sauveur ou un libérateur, peut encore se revendiquer d'un Dieu pour faire accomplir des choses terrifiantes.
Quand on lit la suite du texte du jour, on est rassuré de penser que ce sont des événements situés dans un temps mythique. Mais ensuite on comprend le lien entre ce Dieu qui renonce à la fureur, et l’immédiate fureur de l'humain qui va continuer à se référer à lui, en ne disant pas que SEIGNEUR renonça au mal qu'il avait parlé de faire à son peuple.
On se demande souvent pourquoi Moïse, le grand libérateur, le plus grand des prophètes, le guide n'a finalement pas réussi à atteindre la terre promise. Probablement à cause de cela.
Ce qu'on doit ajouter , pour garnir encore plus l'escarcelle de l'interprète qui s'élève au dessus du basique, c'est se rappeler quelle est la fonction de Moïse. Il est le transmetteur de la Torah, c'est à dire des directives, des directions, des orientations du Seigneur. Et à quoi sert cette loi, cette Torah : elle sert à ça : éviter de se battre sans cesse, de se convoiter sans cesse, de se massacrer sans cesse, en prétextant que c'est Dieu qui l'aurait fait, ou voulu. La loi est là pour éviter ça, et donc ce Dieu cruel et colérique- qui n'a évidemment jamais existé, sauf dans l'imaginaire- n'a donc non seulement jamais existé mais en plus il est devenu inutile car désormais, il y a la Torah, qui est le guide pour vivre ensemble sans sombrer dans la haine de soi et des autres, l’idolâtrie et l'auto justification. Donc, voilà un apport possible de ce texte parmi d'autres de son acabit.
Mais je vous disais au départ que rien n'est simple, car le charme de la Bible est qu'elle est essentiellement narrative et que finalement aucun texte n'est clos sur lui- même, contrairement à l'illusion que peuvent donner son utilisation par fragments.
Ce qui suit est rarement utilisé dans les textes du jour, et rarement expliqué au catéchisme. Moïse redescend de la Montagne en effet. Brise les deux tables de la loi. Et c'est lui maintenant qui porte la fureur du Dieu qu'il avait réussi à calmer. Lui Moïse, organise un massacre et confère aux auteurs de ce massacre une certaine dignité. Oui, c'est ce qu'il fait. Et pire que ça, Moïse se justifie en disant que c'est le Seigneur qui lui a dit de procéder ainsi. Sauf qu'il apparaît qu'à aucun moment il n'est raconté que le Seigneur lui aurait effectivement dit. On découvre dans la suite de ce texte un « sombre Moïse » qui oblige des gens à tuer ceux qui leur sont chers. Mais le lecteur n'oublie pas que nulle part il est écrit que Dieu lui a dit cela. Le lecteur est invité ici à comprendre quelque chose de politiquement important après avoir compris que le vrai Dieu n'envisage pas d'exterminer son peuple. Il est invité à comprendre qu'un leader, même celui qui a été un sauveur ou un libérateur, peut encore se revendiquer d'un Dieu pour faire accomplir des choses terrifiantes.
Quand on lit la suite du texte du jour, on est rassuré de penser que ce sont des événements situés dans un temps mythique. Mais ensuite on comprend le lien entre ce Dieu qui renonce à la fureur, et l’immédiate fureur de l'humain qui va continuer à se référer à lui, en ne disant pas que SEIGNEUR renonça au mal qu'il avait parlé de faire à son peuple.
On se demande souvent pourquoi Moïse, le grand libérateur, le plus grand des prophètes, le guide n'a finalement pas réussi à atteindre la terre promise. Probablement à cause de cela.
Pour dire d'une façon extrêmement subtile aux gens qui se nourrissent de ces textes : Moïse, malgré ses hauts faits, est un homme du passé. Il est le tenant d'un Dieu passé. Il n'a pas sa place dans la réalisation de la promesse du Seigneur, celui qui vous le savez désormais, a renoncé à faire du mal à son peuple, qui ne veut plus être le prétexte du mal que l'humain peut s'infliger, celui qui ne veut plus de sacrifice, et qui surtout vous a transmis la Torah, qui vous suffira, qui sera votre maison, même si un jour un nouveau prophète devra venir pour ré-éclairer cette Torah et incarnera jusqu'au bout l'infinie capacité de pardon du Seigneur. Un prophète, qui contrairement à Moïse, n'utilisera pas le Seigneur pour justifier sa propre colère ou son ressentiment, un prophète qui ne tuera personne. Un prophète qui viendra de Nazareth et qui parlera de moutons perdus, de drachme perdue, de fils perdu, et de la joie qu'il y aura de tous les retrouver.