CULTE DU 16 FÉVRIER 2025
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ÉGLISE PROTESTANTE UNIE DE PORT ROYAL QUARTIER LATIN
CONDUCTEUR DU CULTE DU 23 FÉVRIER 2025
ENTRÉE DES PERSONNES
MUSIQUE
LA SALUTATION [PASTEUR]
Comme la flamme ardente qui brille,
comme le sentiment passionné d'amour qui se consume en nous
et nous réunit de nouveau tous ensemble ;
pour chanter et prier,
pour donner et recevoir
la passion brûlante que nous célébrons
et partageons lors de cette venue
qui nous fait Un.
Que la bénédiction de Dieu repose sur chacun d'entre nous et sur ce culte que nous voulons lui consacrer.Amen.
[DEBOUT]
LA LOUANGE [PASTEUR]
Notre Dieu
Nous bénissons ton saint nom !
Pour la lumière sur les ténèbres, pour la vérité sur l'erreur, pour la connaissance sur la peur
Nous bénissons ton Règne au milieu de nous
Nous disons notre reconnaissance.
Notre coeur est joyeux de te savoir présent . Nous te bénissons de
nous avoir donné ce jour pour nous reposer en toi et célébrer .
Merci pour ton appel qui a donné du sens à notre existence ;
merci pour les frères et soeurs qui nous aident ; merci pour ceux
que tu places sur notre route ; merci pour les liens que tu tisses et
tout particulièrement pour la communion fraternelle que tu
suscites. Nous te louons pour ta Parole, pour ton Esprit .
(Silence) Amen.
CHANT Ps 105, Bénissez Dieu, toutes les strophes
[ASSIS]
LA PRIÈRE DE CONVERSION [ENSEMBLE] [PASTEUR]
En ce premier jour de la semaine,
nous regardons vers toi, Dieu
d’amour.
Tu nous as donné le pain de chaque jour,
Tu nous as réjouis par ta création,
Tu nous as assurés de ta miséricorde
par le Christ,
Mais nous ne t’avons pas dit notre
reconnaissance. Pardonne-nous.
Tu nous as fait entendre des
nouvelles de toute la terre, tu as mis
devant nos yeux
La souffrance de nos frères et de nos
sœurs,
Mais nous lui sommes restés
insensibles. Pardonne-nous.
Tu nous as accompagnés dans notre
chemin quotidien, mais devant les
soucis, nous avons été gagnés par la
crainte et nous n’avons pas su
entendre ta bonne nouvelle pour
inspirer nos actes. Pardonne-nous.
Accorde-nous, Père, des cœurs
reconnaissants, attentifs et
disponibles à ton service.
CHANT 21-05 , Jour du Seigneur, p.233, str. 1
L'ANNONCE DU PARDON [PASTEUR]
Je ne désire pas la mort du pécheur dit l'Éternel, mais qu'il se
convertisse et qu'il vive. J’ai effacé ta faute comme la lumière gagne
sur la nuit épaisse,
et j’ai effacé le mal que tu as fait comme le vent chasse un nuage.
[DEBOUT]
CHANT 21-05 , p.233, str. 2
L'EXPRESSION DE LA VOLONTÉ DE DIEU [LECTEUR]
Écoutons, au titre d'une volonté de Dieu, ce que Jésus un jour a dit à
ses disciples
Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent, et que les
grands les asservissent, il n'en sera pas de même parmi vous.
CHANT 21-05 , p.233, str. 3
[ASSIS]
LA PRIÈRE D'ILLUMINATION [LECTEUR, ENSEMBLE]
Dieu de la promesse et de l’envoi,
Tu connais les difficultés de nos vies,
Nos déceptions et nos échecs
Nos peurs et nos frilosités.
Quand l’immobilisme et l’enlisement
nous guettent,
Que ta parole éveille en nous le goût
de nouveaux départs
et qu’elle éclaire notre chemin.
Donne-nous le courage d’aller de
l’avant avec humilité,
Accueillant les surprises du chemin
Ouverts à l’inattendu des rencontres,
Assurés de ta bienveillance
Et confiants dans tes bénédictions.
LA LECTURE [LECTEUR]
LUC 6
27 Mais je vous dis, à vous qui écoutez : aimez vos ennemis,
faites du bien à ceux qui vous détestent, 28 bénissez ceux qui
vous maudissent, priez pour ceux qui vous injurient. 29Si
quelqu'un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l'autre. Si
quelqu'un te prend ton vêtement, ne l'empêche pas de
prendre aussi ta tunique.
30 Donne à quiconque te demande, et ne réclame pas tes
biens à celui qui les prend.
31 Ce que vous voulez que les gens fassent pour vous, faites-
le pareillement pour eux. 32 Si vous aimez ceux qui vous
aiment, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi
aiment ceux qui les aiment. 33 Si vous faites du bien à ceux
qui vous font du bien, quel gré vous en saura-t-on ? Les
pécheurs eux-mêmes en font autant. 34 Et si vous prêtez à
ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-
on ? Même des pécheurs prêtent à des pécheurs afin de
recevoir l'équivalent. 35 Mais aimez vos ennemis, faites du
bien et prêtez sans rien espérer. Votre récompense sera
grande et vous serez fils du Très-Haut, car il est bon pour les
ingrats et pour les mauvais.
36 Soyez magnanimes, comme votre Père est magnanime.
MUSIQUE (+ COURTE)
LA PRÉDICATION [PASTEUR]
Pour un texte pareil, une introduction massive. Une analyse serrée. Et des propositions concrètes. Voici donc ce que je propose aujourd'hui, dans cette prédication émise par des temps qui courent plus vite que nous.
Les ennemis. Il n'y a jamais eu autant d'ennemis. Je veux dire de paires d'ennemis. Je pourrais vous faire une liste, mais je ne la ferai pas pour deux raisons. La première est que cette liste, la liste des guerres et de conflits désignant des ennemis, serait bien trop longue. La seconde est qu'établir une telle liste serait un acte inintelligent. Je m'explique. Si je dis par exemple, les Russes et les Ukrainiens sont des ennemis, je semble dire une évidence, mais je ne fais que re-produire de l'illusion.
Que dis-je quand je dis « Les Russes », que dis-je, quand je dis « les Ukrainiens ». Les habitants de Russie? Je dis donc tous les habitants de Russie sont les ennemis de tous les habitants de l'Ukraine ? Ce serait idiot. Pas tous? Alors dois-je dire des Russes et des Ukrainiens sont ennemis? Reconnaissez avec moi que cette expression qui a l'air plus juste, a tout de même l'air bancale, comme empoisonnée par du vide.
Alors, devrais-je parler des nations ? La Russie et l'Ukraine sont des ennemis ? Qu'est-ce qu'une nation? C'est une « idée » « un concept ». Beaucoup ne le croient pas, évidemment. Ils imaginent qu'une « nation » est quelque chose de réel, de matériel voire de vivant. Même si c'est une idée puissante, et entraînante, justifiante, une nation n'est qu'une invention plus ou moins collective. En quoi des « idées » pourraient -être des ennemis ? Aucune idée n'a jamais répandu le sang d'une autre, parce que les idées n'ont pas de sang. Les idées, devenues évidemment des idoles, restons biblique, peuvent être des vecteurs de guerre, et uniquement si on les emploie comme telles. De la même façon qu'elles ne peuvent pas être ennemies, rappelons-le, elles ne peuvent pas non plus êtres unies. C'est quand même fou, tout ce qu'on a nous a fait croire. Les humains eux peuvent s'unir, dans un but, ou se déclarer ennemis, aussi. Revenons donc aux humains. Tout Ukrainien ou Russe est tout à fait libre de considérer l'autre comme son ennemi. Mais moi, là, qui ne suis ni l'un ni l'autre, est-ce que j'ai comme droit de parler pour eux et de les classer comme « ennemis mutuels »?
Donc prions-nous de cesser de nous croire encore au spectacle des guerres et de classer les ennemis d'un monde comme spectacle.
La seule façon d'essayer de comprendre ce que dit Jésus dans notre texte serait déjà de sortir de notre condition de spectateur. Et avouons-le, l'actualité, commence à nous en sortir, nous sortir du rêve de la non implication.
Jésus après avoir levé les yeux sur ses disciples, au verset 20 du même chapitre, leur dit: « aimez vos ennemis.
Deux points:
1- ce texte nous concerne que si nous nous considérons, ou voudrions nous considérer comme les disciples de Jésus.
Réduire ainsi son champ potentiel d'application permettra sans doute d'en comprendre mieux au moins quelque chose. Ces injonctions de Jésus ne doivent absolument pas être traitées comme de la morale ou même comme un fragment de ce que serait « une morale chrétienne à prétention universelle ». Nous y reviendrons: ce ne sont que des instructions disciplinaires pour l'église naissante, du temps de la diffusion de l'évangile de Luc.
2: Jésus dans ce texte dit bien vos ennemis. C'est-à-dire les ennemis que vous considérez comme les vôtres , pour toutes sortes de raisons.
Donc si celui ou celle qui se considère comme disciple de Jésus – dans le sens premier : un militant du règne de Dieu dans un contexte de fin des temps - ou dans un sens plus contemporain, qu'on pourrait dire atténué, dans tous les cas, lire ce texte oblige ce disciple à se demander quels seraient ses ennemis. Et ensuite « à les aimer ». Mais d'abord, se rendre compte, éventuellement, qu'ils existent, non pas « les ennemis » mais les siens, les miens, les nôtres. Internes, externes. C'est vous qui décidez qui est votre ennemi.
Oui, l'ennemi est différent de « ton » ennemi. Beaucoup de gens en France sont d'accord pour déclarer que l'immigré est l'ennemi. Mais pourraient-ils aussi facilement dire que l'immigré est leur ennemi ?
À propos de ces paroles rapportées de Jésus, on raconte que dans ce texte là (et sa version parallèle dans Matthieu), il innoverait vraiment, que ses paroles seraient inouïes.
Mais des proverbes perses, plus de 1000 ans avant notre ère disaient des choses comme : " à celui qui te fait du tort, fais du bien en échange", ou que dans une moindre mesure, certains proverbes bibliques préparaient le terrain: "Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi "(Pr 24, 17). Ou encore dans Proverbes : "Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger, et s'il a soif, donne-lui de l'eau à boire."
Ou quelque 500 ans avant Jésus, le bouddhisme parlait de « bienveillance inconditionnelle » et disait des choses comme « "Avec un esprit libre de haine, entretiens de la bienveillance envers tous les êtres." Il y a bien d'autres exemples.
Donc, ce n'est pas tout à fait nouveau.
Après ce recadrage général, entrons dans le texte et encore une fois, on doit hélas l'analyser si on veut en comprendre quelque chose. Je dis hélas car on aimerait que l'évangile soit plus simple.
Tous les termes principaux de ce passage sont instables. À commencer par le verbe aimer (agapaó en grec), dont on dit qu'il ne désigne pas précisément l'amicalité ( représenté officiellement par le verbe philéô), ni l'attraction (représentée par le verbe erōéō). On ne sait donc pas exactement ce qu'il désigne. Ça commence bien.
Contrairement à ce qui se dit régulièrement y compris dans certains pseudo dictionnaires, le verbe "agapaó" n'est pas réservé à l'amour inconditionnel.
On retrouve par exemple ce verbe dans Luc 11, 43, quand on lit que les pharisiens "aiment avoir les premières places", ou littéralement Hélas / pour vous / les pharisiens / parce que / vous aimez / le / premier siège. Aimez les premières places, vous conviendrez que cela n'a rien à voir avec de l'amour inconditionnel. Quoique tellement de gens se battent pour la première place que je me demande si finalement ce n'est pas quand même assez inconditionnel comme amour. Passons.
On dit aussi que ce verbe est réservé à l'amour divin. Non, s'il est en effet utilisé pour parler de l'amour de Dieu pour l'humain, un autre verbe, celui qui désigne l'amicalité "philéô" est utilisé pour dire, par exemple dans l'évangile de Jean, au verset 20 du chapitre 5 " que le père aime le fils".
En grec classique, il désigne le fait d'accueillir avec amitié (d'où le mot agapes) .
Résumé : Il s'agit du verbe le plus générique pour parler d'amour.
Quand Paul dit dans sa première lettre au Corinthiens au chapitre 13, " quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien". il emploie le mot "agapè", mais finalement, ce n'est sans doute pas de l'amour inconditionnel qu'il parle, ou de l'amour de Dieu spécifiquement, mais finalement de l'amour générique, le sans quoi, le sans quoi qui est à la fois naturel et vital, nous ne serions rien, nous serions en deçà du minéral, nous n'existerions même pas. Une sorte de truisme utile en somme, qu'il importait sans doute à Paul de rappeler, et peut-être à nous aujourd'hui, car certains ont vraiment commencé à amorcer la pente qui les entraînent en deçà du minéral, vers le néant.
Des gens, qui pourraient correspondre à ceux que la sagesse désigne quand elle crie dans le livre des proverbes «Tous ceux qui me haïssent aiment la mort», c'est-à-dire le retour au minéral, voire au néant.
Si tant est que nous voudrions nous considérer comme disciple de Jésus : quel mode d'amour devrions-nous choisir pour appliquer cette injonction d'aimer son ennemi.
Le disciple est invité à inventer ce mode d'amour , car le mot lui-même n'est donc pas suffisant. Cela pourrait juste vouloir dire, au minimum: considérer notre ennemi comme un autre être humain. Ou comme n'importe quel humain. Peut-être que l'aimer d'une façon ou d'une autre nous permet de ne pas le considérer comme une puissance extraordinaire, une sorte de dieu diabolique. Cela aiderait à le combattre, à le relativiser. Je ne sais pas, à vous de voir.
Passons maintenant à l'ennemi . La définition de l'ennemi est hélas aussi assez instable. Non pas cette fois dans le terme grec lui-même, mais dans l'accoutumance que nous avons tous, et en français de laisser cette notion flotter.
S'agit-il de quelqu'un qu'on déteste (que nous trouvons odieux, si on se réfère à l'étymologie latine de ce terme)? S'agit-il d'une détestation réciproque? La perception qu'un ennemi nous déteste n'est-elle pas accentuée par le fait que nous le détestons? Le détestons-nous parce que nous croyons qu'il nous déteste?
Le mystère de l'hostilité est aussi profond et interactif que celui de l'amour.
Anecdotiquement, pour encore illustrer cette panique sémantique, on se rappellera que le mot français hostile, qui évoque l'ennemi, vient d'un mot en grec qui veut dire « étranger » et qui a donné en anglais le mot « guest » et en français « hôte ». Je suis votre hôte et je vous accueille avec hostilité!
Ce dont on est sûr, c'est qu'il s'agit bien ici d'un adversaire, par exemple concurrent dans l'exploitation d'un même territoire (géographique, mental, sociétal, électoral, amoureux, financier...). Ici, puisque les destinataires de cette injonction sont les disciples: l'ennemi apparemment sont les concurrents religieux, ou tout simplement les acteurs de l'empire, qui voient mal comment ne pas se méfier de la viralité de ce mouvement de prosélytes autour d'un certain Christus.
Il serait pertinent de noter aussi que cet ennemi n'est pas forcément un lointain. Il peut être aussi un prochain, un voisin, derrière son mur ou sa frontière.
Mais ce qui désigne le prochain n'est non plus pas aussi simple.
On se rappellera qu'en hébreu le mot traduit par prochain ou voisin, qu'on trouve dans Lévitique dans l'expression " tu aimeras ton prochain comme toi-même" (qui a été reprise par Jésus) , vient d'un verbe racine qui signifie "faire paître" " être berger" : le prochain est donc celui qui viendrait de loin d'autre part et qui s'est approché de nous, croisant notre route. C'est logiquement pourquoi d'ailleurs le même chapitre du Lévitique ajoute quelques versets plus loin " tu aimeras l'émigré comme toi-même".
Tout cela nous permet d'affirmer que l'amour des ennemis n'est qu'une déclinaison possible du commandement de l'amour du prochain.
À propos des premières églises qui sont destinataires de ce texte, on peut penser à l'hostilité relatée par le même Luc, dans le livre des actes des apôtres, entre ce que grossièrement on appelle « judéo-chrétiens » VS « pagano-chrétiens ».
Un conflit majeur qui a abouti à un compromis, dans ce qu'on a appelé le concile de Jérusalem dont vous pouvez lire les minutes romancées dans le chapitre 15 du livre des Actes.
Toutes ces considérations, nous libèrent un peu sans doute de la frayeur de ce sommet de l'impossible que peut représenter ce texte. Nous y avons introduit quelques brèches, quelques relativisations, un peu de flou,un peu de possibilités, nous avons fait quelques pas. Au moins, nous pouvons commencer à le considérer un peu différemment.
Mais c'est là qu'on doit vraiment rappeler que ces injonctions de Jésus n'ont pas la vocation à se transformer en morale universelle, du moins dans un premier temps, mais correspondaient à la réalité d'une génération de croyants aux Christ qui commençait à être persécutée, soit à cause de leur indistinction aux yeux des Romains avec les Juifs, soit en tant que tels. Ce sont des injonctions tactiques.
Que peut faire votre ennemi quand il ne ressent plus d'hostilité ou quand il ne peut plus en revendiquer le prétexte ?
Mais attention...Cette tactique, base de la non-violence, n'a de chances de fonctionner que si d'une part elle est massive, c'est à dire qu'elle rassemble des masses, des masses courageuses qui oublient d'avoir peur, et que si d'autre part, elle s’inscrit dans l'objectif de faire plier un adversaire connu et désigné.
Pour les premiers croyants au Christ-Jésus, le principal adversaire était l'empereur, et il l'est resté jusqu'à ce que opportunément, celui-ci se convertisse, sans doute parce que les chrétiens au 4e siècle constituaient une minorité très influente, et que beaucoup de soldats d'élite de l'armée romaine étaient chrétiens.
C'est en partie avec cette tactique de non réciprocité de l'agression, et aussi parce qu'il est rapidement devenu un phénomène de masse, que le christianisme, même en restant encore longtemps minoritaire, a pu d'une certaine manière, gagner en reconnaissance, et aussi, disons-le, perdre simultanément sa caractéristique première de prosélytisme incendiaire des consciences et des cœurs.
Mais pour en arriver là, et pour que nous soyons là ce matin, tranquilles, il a fallu sans nul doute que nos ancêtres dans la foi s'inspirent de ces paroles de Jésus, emploient des leurres tactiques, soient unis et résistent, mais avec d'autres règles que celles employées par leurs adversaire.
Nous sommes tranquilles, mais nous sommes dans un monde on ne peut plus chargé d'hostilité.
Peut-être que ces paroles de Jésus devront de nouveau nous inspirer pour que nous redevenions massivement courageux et déroutants face à ça. Ce ça, que je refuse encore de nommer explicitement, car je garde l'espoir d'une prise de conscience salutaire.
Pour mieux me faire comprendre, et finir cette prédication, je dois vous parler du mot final de ce texte (oiktirmón, en grec), traduit habituellement par "miséricordieux" mais aussi par "magnanime" selon la traduction que vous avez entendue.
Il signifierait "qui fait preuve de compassion, de pitié". Luc choisit ce mot plutôt que celui utilisé par Matthieu dans le passage parallèle : Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait (Matthieu 5,48).
Contrairement à la perfection, la pitié reste accessible à un humain. Et elle est beaucoup plus intéressante psychologiquement et aussi tactiquement. Il ne faut pas passer trop vite sur cette affirmation finale de Jésus. Car ici, il s'agit bien d'avoir "pitié" de son ennemi, c'est-à-dire, en bon français (un peu ancien, certes) de le trouver "lamentable" (quelqu'un dont on se lamente, qui fait pitié). En cela, la traduction par "magnanime" révèle encore mieux que nous devrions nous sentir plus grand (magnus) que notre ennemi. Quelle meilleure attitude pourrions-nous trouver pour continuer le combat et avoir des chances de l'emporter ?
On est donc bien loin, j'espère vous l'avoir fait percevoir, de l'habituelle perception sacrificielle, contre intuitive voire pathétique de ce passage.
AMEN
MUSIQUE
[NB PAS DE CONFESSION DE FOI, LA CÈNE EN TENANT LIEU]
LES ANNONCES
L'OFFRANDE ( EN MUSIQUE ADAPTÉE À LA DURÉE DE LA COLLECTE)
CHANT 22-05, Dans Ta Parole, p.261, toutes les strophes
RÉPÉTITION POUR LE PROCHAIN DIMANCHE :CHANT Viens Seigneur, 24-11, page 295
LA PRÉFACE [PASTEUR]
Seigneur ta présence reste alors que nous passons, mais elle nous
donne la force de la vie éternelle et nous entraîne dans ton Règne,
c'est pourquoi elle devient, traverse les générations et les modes,
manne sans cesse renouvelée, puissance objective, bénissant des vies qui ne peuvent être
vaines amen
L'INSTITUTION [PASTEUR]
Lorsque Jésus a pris son dernier repas avec ces disciples, ils les a invités à
commémorer sa venue à travers ce repas.
CHANT 44-01, Louange à toi, p.654 les deux strophes [répété dimanche dernier, mais relativement encore inconnu, donc le jouer entièrement avant.
L'INVITATION [PASTEUR]
Le Seigneur Jésus dit : Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi.
Voici que vous avez trouvé grâce devant Dieu.
Venez et goûtez combien le Seigneur est bon.
Venez, car tout est prêt.
[DEBOUT]
LA PRIÈRE EUCHARISTIQUE ET LA PRIÈRE D'INTERCESSION [LECTEUR]
Béni soit quiconque s’appuie sur Dieu. Dieu sera son appui. Il
sera comme l’arbre planté près des eaux qui pousse ses racines
vers la fraicheur du courant. Quand vient la chaleur, l’épreuve,
l’angoisse son feuillage reste vert, sa foi et son espérance intacts.
• O notre Père, nous voici devant toi, recueillis et prêts à puiser au
plus profond de nos cœurs la paix et l’harmonie, l’élan et la force
dont nous savons que tu nous les renouvelles toujours, toi qui es à
la source de toute vie.
. O notre créateur, Il n’y a ici qu’un peu de pain et un peu de vin. Que nous les recevions comme les signes dont notre foi a besoin
• Nous avons un rêve, un rêve enraciné dans l’Écriture : Les
montagnes seront abaissées et les vallées élevées.
Les montagnes de l’injustice, des droits de l’homme bafoués, de
l’oppression seront abaissées et s’élèveront les vallées de la justice,
de l’humanité, de la fraternité.
Les amertumes et les divisions entre les humain s’effaceront, puisque ceux qui les attisent et les utilisent tomberont pour ne plus jamais revenir, tombés qu'ils seront dans l'obsolescence éternelle.
l’harmonie s’établira.
La confiance et la paix règneront, les armes ne se vendront plus.
Les ressources seront partagées
L’autre sera devenu un frère, une sœur que l’on aimera car on aura pris conscience que Dieu ne discrimine pas ses enfants
En vérité, nos rêves enracinés dans l’Écriture seront devenus vrais
LE NOTRE PÈRE
LA FRACTION [PASTEUR]
LA COMMUNION (EN MUSIQUE ADAPTÉE À LA DURÉE DU PARTAGE)
L'ACTION DE GRÂCE [PASTEUR]
Mon âme, bénis l'Éternel, Et n'oublie aucun de ses bienfaits
L'EXHORTATION [PASTEUR]
Ô mon Dieu,
que la nuit je me souvienne de ton nom;
que jamais le sommeil, le plaisir, les affaires
ne me fassent oublier l'honneur que je te dois
BÉNÉDICTION [PASTEUR]
L'Éternel te bénit et te garde.
L'Éternel fait resplendir sur toi sa lumière
et t’accorde sa grâce.
L'Éternel lève son visage vers toi
et te donne la paix ! (Nombres 6:24-26)
[ASSIS]
MUSIQUE (+ CONCERTANTE)
SORTIE DES PERSONNES
LA PRÉDICATION
la prédication
Par Robert Philipoussi, le 23 février 2025
LUC 6
27 Mais je vous dis, à vous qui écoutez : aimez vos ennemis,
faites du bien à ceux qui vous détestent, 28 bénissez ceux qui
vous maudissent, priez pour ceux qui vous injurient. 29Si
quelqu'un te frappe sur une joue, présente-lui aussi l'autre. Si
quelqu'un te prend ton vêtement, ne l'empêche pas de
prendre aussi ta tunique.
30 Donne à quiconque te demande, et ne réclame pas tes
biens à celui qui les prend.
31 Ce que vous voulez que les gens fassent pour vous, faites-
le pareillement pour eux. 32 Si vous aimez ceux qui vous
aiment, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi
aiment ceux qui les aiment. 33 Si vous faites du bien à ceux
qui vous font du bien, quel gré vous en saura-t-on ? Les
pécheurs eux-mêmes en font autant. 34 Et si vous prêtez à
ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-
on ? Même des pécheurs prêtent à des pécheurs afin de
recevoir l'équivalent. 35 Mais aimez vos ennemis, faites du
bien et prêtez sans rien espérer. Votre récompense sera
grande et vous serez fils du Très-Haut, car il est bon pour les
ingrats et pour les mauvais.
36 Soyez magnanimes, comme votre Père est magnanime.
Pour un texte pareil, une introduction massive. Une analyse serrée. Et des propositions concrètes. Voici donc ce que je propose aujourd'hui, dans cette prédication émise par des temps qui courent plus vite que nous.
Les ennemis. Il n'y a jamais eu autant d'ennemis. Je veux dire de paires d'ennemis. Je pourrais vous faire une liste, mais je ne la ferai pas pour deux raisons. La première est que cette liste, la liste des guerres et de conflits désignant des ennemis, serait bien trop longue. La seconde est qu'établir une telle liste serait un acte inintelligent. Je m'explique. Si je dis par exemple, les Russes et les Ukrainiens sont des ennemis, je semble dire une évidence, mais je ne fais que re-produire de l'illusion.
Que dis-je quand je dis « Les Russes », que dis-je, quand je dis « les Ukrainiens ». Les habitants de Russie? Je dis donc que tous les habitants de Russie sont les ennemis de tous les habitants de l'Ukraine ? Ce serait idiot. Pas tous? Alors dois-je dire que des Russes et des Ukrainiens sont ennemis? Reconnaissez avec moi que cette expression qui a l'air plus juste, a tout de même l'air bancal, comme empoisonnée par du vide.
Alors, devrais-je parler des nations ? La Russie et l'Ukraine sont des ennemis ? Qu'est-ce qu'une nation? C'est une « idée » « un concept ». Beaucoup ne le croient pas, évidemment. Ils imaginent qu'une « nation » est quelque chose de réel, de matériel voire de vivant. Même si c'est une idée puissante, et entraînante, justifiante, une nation n'est qu'une invention plus ou moins collective. En quoi des « idées » pourraient -être des ennemis ? Aucune idée n'a jamais répandu le sang d'une autre, parce que les idées n'ont pas de sang. Les idées, devenues évidemment des idoles, restons biblique, peuvent être des vecteurs de guerre, et uniquement si on les emploie comme telles. De la même façon qu'elles ne peuvent pas être ennemies, rappelons-le, elles ne peuvent pas non plus êtres unies. C'est quand même fou, tout ce qu'on a nous a fait croire. Les humains eux peuvent s'unir, dans un but, ou se déclarer ennemis, aussi. Revenons donc aux humains. Tout Ukrainien ou Russe est tout à fait libre de considérer l'autre comme son ennemi. Mais moi, là, qui ne suis ni l'un ni l'autre, est-ce que j'ai comme droit de parler pour eux et de les classer comme « ennemis mutuels »?
Donc prions-nous de cesser de nous croire encore au spectacle des guerres et de classer les ennemis d'un monde comme spectacle.
La seule façon d'essayer de comprendre ce que dit Jésus dans notre texte serait déjà de sortir de notre condition de spectateur. Et avouons-le, l'actualité, commence à nous en sortir, nous sortir du rêve de la non implication.
Jésus après avoir levé les yeux sur ses disciples, au verset 20 du même chapitre, leur dit: « aimez vos ennemis.
Deux points:
1- ce texte nous concerne que si nous nous considérons, ou voudrions nous considérer comme les disciples de Jésus.
Réduire ainsi son champ potentiel d'application permettra sans doute d'en comprendre mieux au moins quelque chose. Ces injonctions de Jésus ne doivent absolument pas être traitées comme de la morale ou même comme un fragment de ce que serait « une morale chrétienne à prétention universelle ». Nous y reviendrons: ce ne sont que des instructions disciplinaires pour l'église naissante, du temps de la diffusion de l'évangile de Luc.
2: Jésus dans ce texte dit bien vos ennemis. C'est-à-dire les ennemis que vous considérez comme les vôtres , pour toutes sortes de raisons.
Donc si celui ou celle qui se considère comme disciple de Jésus – dans le sens premier : un militant du règne de Dieu dans un contexte de fin des temps - ou dans un sens plus contemporain, qu'on pourrait dire atténué, dans tous les cas, lire ce texte oblige ce disciple à se demander quels seraient ses ennemis. Et ensuite « à les aimer ». Mais d'abord, se rendre compte, éventuellement, qu'ils existent, non pas « les ennemis » mais les siens, les miens, les nôtres. Internes, externes. C'est vous qui décidez qui est votre ennemi.
Oui, l'ennemi est différent de « ton » ennemi. Beaucoup de gens en France sont d'accord pour déclarer que l'immigré est l'ennemi. Mais pourraient-ils aussi facilement dire que l'immigré est leur ennemi ?
À propos de ces paroles rapportées de Jésus, on raconte que dans ce texte là (et sa version parallèle dans Matthieu), il innoverait vraiment, que ses paroles seraient inouïes.
Mais des proverbes perses, plus de 1000 ans avant notre ère disaient des choses comme : " à celui qui te fait du tort, fais du bien en échange", ou que dans une moindre mesure, certains proverbes bibliques préparaient le terrain: "Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi "(Pr 24, 17). Ou encore dans Proverbes : "Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger, et s'il a soif, donne-lui de l'eau à boire."
Ou quelque 500 ans avant Jésus, le bouddhisme parlait de « bienveillance inconditionnelle » et disait des choses comme « "Avec un esprit libre de haine, entretiens de la bienveillance envers tous les êtres." Il y a bien d'autres exemples.
Donc, ce n'est pas tout à fait nouveau.
Après ce recadrage général, entrons dans le texte et encore une fois, on doit hélas l'analyser si on veut en comprendre quelque chose. Je dis hélas car on aimerait que l'évangile soit plus simple.
Tous les termes principaux de ce passage sont instables. À commencer par le verbe aimer (agapaó en grec), dont on dit qu'il ne désigne pas précisément l'amicalité ( représenté officiellement par le verbe philéô), ni l'attraction (représentée par le verbe erōéō). On ne sait donc pas exactement ce qu'il désigne. Ça commence bien.
Contrairement à ce qui se dit régulièrement y compris dans certains pseudo dictionnaires, le verbe "agapaó" n'est pas réservé à l'amour inconditionnel.
On retrouve par exemple ce verbe dans Luc 11, 43, quand on lit que les pharisiens "aiment avoir les premières places", ou littéralement Hélas / pour vous / les pharisiens / parce que / vous aimez / le / premier siège. Aimez les premières places, vous conviendrez que cela n'a rien à voir avec de l'amour inconditionnel. Quoique tellement de gens se battent pour la première place que je me demande si finalement ce n'est pas quand même assez inconditionnel comme amour. Passons.
On dit aussi que ce verbe est réservé à l'amour divin. Non, s'il est en effet utilisé pour parler de l'amour de Dieu pour l'humain, un autre verbe, celui qui désigne l'amicalité "philéô" est utilisé pour dire, par exemple dans l'évangile de Jean, au verset 20 du chapitre 5 " que le père aime le fils".
En grec classique, il désigne le fait d'accueillir avec amitié (d'où le mot agapes) .
Résumé : Il s'agit du verbe le plus générique pour parler d'amour.
Quand Paul dit dans sa première lettre au Corinthiens au chapitre 13, " quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien". il emploie le mot "agapè", mais finalement, ce n'est sans doute pas de l'amour inconditionnel qu'il parle, ou de l'amour de Dieu spécifiquement, mais finalement de l'amour générique, le sans quoi, le sans quoi qui est à la fois naturel et vital, nous ne serions rien, nous serions en deçà du minéral, nous n'existerions même pas. Une sorte de truisme utile en somme, qu'il importait sans doute à Paul de rappeler, et peut-être à nous aujourd'hui, car certains ont vraiment commencé à amorcer la pente qui les entraînent en deçà du minéral, vers le néant.
Des gens, qui pourraient correspondre à ceux que la sagesse désigne quand elle crie dans le livre des proverbes «Tous ceux qui me haïssent aiment la mort», c'est-à-dire le retour au minéral, voire au néant.
Si tant est que nous voudrions nous considérer comme disciple de Jésus : quel mode d'amour devrions-nous choisir pour appliquer cette injonction d'aimer son ennemi.
Le disciple est invité à inventer ce mode d'amour , car le mot lui-même n'est donc pas suffisant. Cela pourrait juste vouloir dire, au minimum: considérer notre ennemi comme un autre être humain. Ou comme n'importe quel humain. Peut-être que l'aimer d'une façon ou d'une autre nous permet de ne pas le considérer comme une puissance extraordinaire, une sorte de dieu diabolique. Cela aiderait à le combattre, à le relativiser. Je ne sais pas, à vous de voir.
Passons maintenant à l'ennemi . La définition de l'ennemi est hélas aussi assez instable. Non pas cette fois dans le terme grec lui-même, mais dans l'accoutumance que nous avons tous, et en français de laisser cette notion flotter.
S'agit-il de quelqu'un qu'on déteste (que nous trouvons odieux, si on se réfère à l'étymologie latine de ce terme)? S'agit-il d'une détestation réciproque? La perception qu'un ennemi nous déteste n'est-elle pas accentuée par le fait que nous le détestons? Le détestons-nous parce que nous croyons qu'il nous déteste?
Le mystère de l'hostilité est aussi profond et interactif que celui de l'amour.
Anecdotiquement, pour encore illustrer cette panique sémantique, on se rappellera que le mot français hostile, qui évoque l'ennemi, vient d'un mot en grec qui veut dire « étranger » et qui a donné en anglais le mot « guest » et en français « hôte ». Je suis votre hôte et je vous accueille avec hostilité!
Ce dont on est sûr, c'est qu'il s'agit bien ici d'un adversaire, par exemple concurrent dans l'exploitation d'un même territoire (géographique, mental, sociétal, électoral, amoureux, financier...). Ici, puisque les destinataires de cette injonction sont les disciples: l'ennemi apparemment sont les concurrents religieux, ou tout simplement les acteurs de l'empire, qui voient mal comment ne pas se méfier de la viralité de ce mouvement de prosélytes autour d'un certain Christus.
Il serait pertinent de noter aussi que cet ennemi n'est pas forcément un lointain. Il peut être aussi un prochain, un voisin, derrière son mur ou sa frontière.
Mais ce qui désigne le prochain n'est non plus pas aussi simple.
On se rappellera qu'en hébreu le mot traduit par prochain ou voisin, qu'on trouve dans Lévitique dans l'expression " tu aimeras ton prochain comme toi-même" (qui a été reprise par Jésus) , vient d'un verbe racine qui signifie "faire paître" " être berger" : le prochain est donc celui qui viendrait de loin d'autre part et qui s'est approché de nous, croisant notre route. C'est logiquement pourquoi d'ailleurs le même chapitre du Lévitique ajoute quelques versets plus loin " tu aimeras l'émigré comme toi-même".
Tout cela nous permet d'affirmer que l'amour des ennemis n'est qu'une déclinaison possible du commandement de l'amour du prochain.
À propos des premières églises qui sont destinataires de ce texte, on peut penser à l'hostilité relatée par le même Luc, dans le livre des actes des apôtres, entre ce que grossièrement on appelle « judéo-chrétiens » VS « pagano-chrétiens ».
Un conflit majeur qui a abouti à un compromis, dans ce qu'on a appelé le concile de Jérusalem dont vous pouvez lire les minutes romancées dans le chapitre 15 du livre des Actes.
Toutes ces considérations, nous libèrent un peu sans doute de la frayeur de ce sommet de l'impossible que peut représenter ce texte. Nous y avons introduit quelques brèches, quelques relativisations, un peu de flou,un peu de possibilités, nous avons fait quelques pas. Au moins, nous pouvons commencer à le considérer un peu différemment.
Mais c'est là qu'on doit vraiment rappeler que ces injonctions de Jésus n'ont pas la vocation à se transformer en morale universelle, du moins dans un premier temps, mais correspondaient à la réalité d'une génération de croyants aux Christ qui commençait à être persécutée, soit à cause de leur indistinction aux yeux des Romains avec les Juifs, soit en tant que tels. Ce sont des injonctions tactiques.
Que peut faire votre ennemi quand il ne ressent plus d'hostilité ou quand il ne peut plus en revendiquer le prétexte ?
Mais attention...Cette tactique, base de la non-violence, n'a de chances de fonctionner que si d'une part elle est massive, c'est à dire qu'elle rassemble des masses, des masses courageuses qui oublient d'avoir peur, et que si d'autre part, elle s’inscrit dans l'objectif de faire plier un adversaire connu et désigné.
Pour les premiers croyants au Christ-Jésus, le principal adversaire était l'empereur, et il l'est resté jusqu'à ce que opportunément, celui-ci se convertisse, sans doute parce que les chrétiens au 4e siècle constituaient une minorité très influente, et que beaucoup de soldats d'élite de l'armée romaine étaient chrétiens.
C'est en partie avec cette tactique de non réciprocité de l'agression, et aussi parce qu'il est rapidement devenu un phénomène de masse, que le christianisme, même en restant encore longtemps minoritaire, a pu d'une certaine manière, gagner en reconnaissance, et aussi, disons-le, perdre simultanément sa caractéristique première de prosélytisme incendiaire des consciences et des cœurs.
Mais pour en arriver là, et pour que nous soyons là ce matin, tranquilles, il a fallu sans nul doute que nos ancêtres dans la foi s'inspirent de ces paroles de Jésus, emploient des leurres tactiques, soient unis et résistent, mais avec d'autres règles que celles employées par leurs adversaire.
Nous sommes tranquilles, mais nous sommes dans un monde on ne peut plus chargé d'hostilité.
Peut-être que ces paroles de Jésus devront de nouveau nous inspirer pour que nous redevenions massivement courageux et déroutants face à ça. Ce ça, que je refuse encore de nommer explicitement, car je garde l'espoir d'une prise de conscience salutaire.
Pour mieux me faire comprendre, et finir cette prédication, je dois vous parler du mot final de ce texte (oiktirmón, en grec), traduit habituellement par "miséricordieux" mais aussi par "magnanime" selon la traduction que vous avez entendue.
Il signifierait "qui fait preuve de compassion, de pitié". Luc choisit ce mot plutôt que celui utilisé par Matthieu dans le passage parallèle : Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait (Matthieu 5,48).
Contrairement à la perfection, la pitié reste accessible à un humain. Et elle est beaucoup plus intéressante psychologiquement et aussi tactiquement. Il ne faut pas passer trop vite sur cette affirmation finale de Jésus. Car ici, il s'agit bien d'avoir "pitié" de son ennemi, c'est-à-dire, en bon français (un peu ancien, certes) de le trouver "lamentable" (quelqu'un dont on se lamente, qui fait pitié). En cela, la traduction par "magnanime" révèle encore mieux que nous devrions nous sentir plus grand (magnus) que notre ennemi. Quelle meilleure attitude pourrions-nous trouver pour continuer le combat et avoir des chances de l'emporter ?
On est donc bien loin, j'espère vous l'avoir fait percevoir, de l'habituelle perception sacrificielle, contre intuitive voire pathétique de ce passage.
AMEN
MUSIQUE