Psaume 72 (extraits)
12Car il délivrera le pauvre qui crie, Et le malheureux qui n'a point d'aide.13Il aura pitié du misérable et de l'indigent, Et il sauvera la vie des pauvres;14Il les affranchira de l'oppression et de la violence, Et leur sang aura du prix à ses yeux.15Ils vivront, et lui donneront de l'or de Séba; Ils prieront pour lui sans cesse, ils le béniront chaque jour.16Les blés abonderont dans le pays, au sommet des montagnes, Et leurs épis s'agiteront comme les arbres du Liban; Les hommes fleuriront dans les villes comme l'herbe de la terre.17Son nom subsistera toujours, Aussi longtemps que le soleil son nom se perpétuera; Par lui on se bénira mutuellement, Et toutes les nations le diront heureux.18Béni soit l'Eternel Dieu, le Dieu d'Israël, qui seul fait des prodiges!
19Béni soit à jamais son nom glorieux! Que toute la terre soit remplie de sa gloire! Amen! Amen!
20Fin des prières de David, fils d'Isaï.
Marc
1, 9 Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. 10 A l'instant où il remontait de l'eau il vit les cieux se déchirer et l'Esprit, comme une colombe, descendre sur lui. 11 Et des cieux vint une voix : ''Tu es mon Fils bien aimé, il m'a plu de te choisir.''
PREDICATION
Frères et soeurs, je ne vous cacherai pas aujourd'hui qu'il s'agit pour moi d'un culte particulier. Le 23 décembre dernier, mon père est mort. Il avait été baptisé orthodoxe grec, il s'appelait Théophile, qui est un très beau nom, mais ce n'est pas le nom qui avait été choisi par ses parents, car ses parents avait préféré Théophanie, ou Théophane, mais ce prénom n'a pas été admis - ou pas été compris, par un état civil face à une famille de réfugiés d'Asie Mineure qui ne parlait sans doute pas encore -en 1933- un français correct. Il s'est donc appelé Théophile, ami de Dieu, et non pas Théophanie, lumière, ou manifestation de Dieu. Cela dit tout le monde l'appelait comme ça dans sa jeunesse.
Je n'ai pas l'habitude de raconter ma vie dans les cultes, mais aujourd'hui, la coïncidence est trop importante pour que je ne vous fasse pas part, en confiance, de ce contexte personnel. C'est aussi dans cette ligne que j'ai voulu choisir le texte du jour de la liturgie orthodoxe grecque, c'est à dire le baptême de Jésus, conçu comme première et consistante manifestation de Dieu. Et je l'ai choisi dans Marc, pour sa sobriété et sa force.
Dieu se manifeste t il ? Réponse : oui, et comment ? Tel sera le fil de cette prédication.
La Bible, notre Bible, raconte de très nombreuses manifestations de Dieu. Il se manifeste pour le Peuple au Sinaï, pour le prophète Elie au mont Horeb, par de très nombreux signes, apparitions d'anges, songes. Ses manifestations peuvent être subtiles ou spectaculaires, sobrement et puissamment racontées comme le baptême de Jésus dans l'évangile de Marc, ou pleine de nuées mystérieuses comme dans le récit de la métamorphose de Jésus, ou transfiguration. Toutes ces manifestations parsèment notre chemin de lecture d'autant de récits offerts à notre culture, à notre mémoire symbolique- parce que ce livre là, c'est notre mémoire commune, ou symbolique - offerts, ces récits, à notre confiance pour vie de croyants.
Mais pour beaucoup de croyants aujourd'hui, la Bible n'est que du papier où s'effacent des histoires, qui sombrent dans l'oubli, de générations en générations et ces récits sont - au mieux- souvent perçus comme des contes, considérés comme trop touffus et composites, avec un message, s'il y en a un, considéré comme trop simpliste pour arriver jusqu'à notre coeur.
C'est ainsi : la Bible n'est plus lue par l'immense majorité des chrétiens, ce qui pousse évidemment ceux qui encore tentent de la raconter, de l'expliquer ou de la prêcher, à sans cesse tout récapituler et à adopter une ligne simpliste, qui finit par décevoir y compris ceux qui ne connaissent plus ces textes.
C'est alors qu'il faut rappeler quelque chose. La manifestation de Dieu, au travers de la lecture de la Bible n'est pas exactement ce que raconte le récit présumé comme incroyable au nom d'une rationalité au petit pied, mais cette théophanie ne survient que lorsque le lecteur s'invite lui-même à être inspiré, quand il aborde ce récit avec toutes ses ressources disponibles -y compris celle de la connaissance littéraire- pour que ce récit lui parle , pour que Dieu parle au travers de la démarche d'appropriation spirituelle que le lecteur est en train de faire.
Il lui parlera de quoi ? Ce n'est pas la question de ce jour, l'important est que, par le viatique de cette lecture Dieu parle, se manifeste dans la vie d'un croyant singulier ou même, d'une assemblée singulière d'un petit matin pluvieux et froid.
La lecture - dans le sens que j'ai tenté d'évoquer, lecture aussi fortement spirituelle qu'approfondie, est une porte pour ouvrir à cette théophanie. Et à chaque fois, c'est un miracle. Un miracle quotidien, facile.
Par exemple avec ce texte de Marc sur le baptême de Jésus, le lecteur n'y pourrait voir qu'un récit de baptême de celui qu'une certaine tradition religieuse a appelé le Christ, il pourrait compulser des ouvrages pour savoir quelle forme de baptême pratiquait Jean, il pourrait admirer la sobriété de la composition, et il pourrait s'arrêter là, mais il peut aussi, simultanément, écouter battre son coeur en train de lire, il peut cesser de voir les mots de cette voix de papier d'un Dieu qui s'adresse à celui qu'il nomme son fils, pour entendre cette voix, pour lui même et réaliser l'immense privilège qu'il a lui aussi, lecteur, d'être aimé comme ce Christ a été aimé, il pourra, simultanément, se réjouir de sa nouvelle prise en compte de son propre baptême qu'il rangeait naguère dans la série des actes passifs, et dont le SENS vient de lui être manifesté.
Nous avons parlé de la Bible, dont la lecture ouvre à une manifestation de Dieu pour soi, ou pour une assemblée.
Il faudra du temps et une véritable énergie missionnaire pour redonner la possibilité au peuple de notre Eglise de s'offrir ces moments miraculeux de lecture. Sans cette pratique nous aurons la plus grande difficulté à faire briller la bonne nouvelle. Mais je refuse de considérer que tout est perdu et je nous invite tous à désormais pratiquer la Bible, à laisser Dieu se manifester, plutôt que de se plaindre sans lui ouvrir cette porte-là. On ne peut pas se plaindre de quelqu'un qui n'entre pas si on ne lui ouvre pas la porte. C'est vrai après tout, il n'a qu'à passer à travers la porte, non ? Et bien non. Il ne traverse pas la porte. Il est nécessaire de lui ouvrir la porte.
Mais le croyant désabusé a évidemment de la peine à voir dans sa vie courante, ou dans ce qu'il perçoit de la vie de son monde la moindre théophanie. Dieu dit-on s'est beaucoup manifesté aux temps anciens, mais aujourd'hui il se serait mis en retrait. Mais , et cette prédication se suffira pas à vous en convaincre, cette perception-là n'est que le résultat d'une vision rabougrie du monde.
Une vision qui ne laisse pas la place à notre extraordinaire capacité, que nous refoulons constamment mais qui existe, de percevoir l'indescriptible. Nous sommes des êtres intuitifs, dont l'intelligence dépasse largement la perception consciente que nous en avons. Il nous suffirait de faire du lien entre notre ressenti profond et notre conscience pour voir le monde autrement, en dehors des prescriptions obligatoires, et des injonctions.
Pour cela, il faut faire appel à notre pleine conscience, pas uniquement celle qui pense dans notre tête, fort utile, certes, mais qui rationalise tout. Je prends un exemple, celui du débat sur la communion qui a agité les protestants entre eux au 16 siècle, et aussi vis à vis des catholiques. Ce pain n'est il que du pain ? Dieu est il dans le pain ? Oui, non, en partie ? A un moment ? Le pain et le vin ne sont ils que symboliques etc. Toutes ces formules qu'un étudiant en théologie doit apprendre, mais qui ne sont que des exercices de pensée. Pensons autrement, juste au terme de "communion" et laissons nous comprendre par le sens vital de cette communion qui s'offre en dehors des cases formatées, laissons la communion nous comprendre comme la communion de tous , des vivants et des morts, des présents et des absents, du présent et de l'éternité, et avec notre Dieu qui est le lien, nécessaire, pour que ce que nous ressentons dans ces instants de communion soit tout simplement vrai. Vrai, réel, absolument pas magique ou symbolique, mais d'une vérité simple qui ne dépasse une rationalité peureuse.
Un jour, vous n'étiez rien, vous n'étiez pas même pas conçu, pourtant il semble que vous étiez concevables, puisqu'aujourd'hui vous êtes là. N'étiez vous rien ? Etes vous passé directement du rien à ce quelque chose qui est vous ? Ce qui serait déjà une manifestation extraordinaire d'une puissance considérable. Mais peut-être même que vous n'étiez pas rien, et que vous étiez concevables et dès lors, vous l'étiez par une intelligence inimaginable qui d'un simple potentiel vous a donné de la vie, et des yeux qui ont de la peine à s'ébahir, et de la voix qui a de la difficulté à reconnaître le miracle, et un corps qui certes passager sur cette terre, vous aura tout de même offert de considérer le miracle stupéfiant de votre existence même.
Vous a donné des poumons qui s'emplissent et se vident d'un souffle que vous ne produisez pas car en vous il n'y a pas d'air, il n'y a que la possibilité extraordinaire d'en vivre.
Inutile de faire la liste des possibilités infinies de sentir la manifestation de Dieu. Bien sûr, vous n'êtes pas, et ne serez jamais obligés , même en constatant cette stupéfiante intelligence à l'oeuvre à chaque seconde de votre vie individuelle ou collective, de conclure à une manifestation de "Dieu". Mais là n'est pas le problème. C'est cet extraordinaire, évident et pourtant sans cesse refoulé comme s'il était banal, qui , selon moi, est la manifestation de Dieu. C'est cet extraordinaire refoulé là qui sans souci est Dieu. Il ne s'agit pas forcément de nommer Dieu, mais simplement de percevoir l'extraordinaire caché à notre entendement et pourtant si généreusement offert et évident.
Mais bien sûr, même après avoir considéré les bienfaits de la lecture profonde de la Bible, même après avoir enfin senti la chance infinie de pouvoir vivre et percevoir quelque chose de l'infinie intelligence qui nous fait et nous entoure, et il est possible, que voyant le monde tel qu'il se figure; en particulier le monde humain et ses carnages désormais médiatisés, de dire que Dieu ne ne se manifeste plus.
Je dirai donc qu'il nous attend. Il nous attend après que nous aurons enfin senti ce que j'appelle le miracle permanent qui devrait nous mettre à genoux et nous obliger à dire " comment ai je pu être aussi aveugle et insensible devant l’extraordinaire intelligence et beauté du monde" "comment ai je pu mépriser à ce point la lecture des récits offerts à mon intelligence et à ma spiritualité" .
Il nous attend évidemment parce que nous sommes responsables de l'état de ce monde humain, et collectivement et individuellement, il ne tient qu'à nous que des changements radicaux s'amorcent, pour que toutes les erreurs soient enfin corrigées.
Nous sommes encore des enfants non éduqués, et c'est cette humanité là qui est racontée dans la Bible, nous sommes des enfants qui n'ont pas conscience de leur force, et qui globalement n'ont aucune morale.
Dieu nous attend. Le jour où nous serons devenus collectivement adultes. Nous ne serons plus les mêmes humains. Nous serons autres.
Il a nous a donné ces commandements d'une part, et la confiance en sa présence aimante d'autre part pour que nous nous révélions enfin à nous même, au sein d'une création renouvelée qui n'aura plus besoin de souffrir ni même d'espérer.
L'Eglise du Christ était censée être aux avants postes de ce qu'elle a appelé le Royaume, ou le Règne.
Il s'agit sans doute de la réveiller à sa mission originelle.