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PRÉDICATION
Pâques signifie Passage. Mais de quel passage parle-ton ? Beaucoup répondent : le passage de la mort à la vie. Tout de suite « les grands mots ». Le souci, c'est que toutes ces grandes affirmations ont diminué l'intérêt d'une fête qui commémore pour les chrétiens le « sans quoi » ils ne seraient pas là. Le « sans quoi », sinon eux, du moins leurs ancêtres n'auraient pas été saisis par la révélation que leur vie était désormais changée. Pour la plupart des chrétiens, Pâques, c'est une fête qui suit une autre fête, une fête successive qui, comme après la pluie le beau temps, nous annonce proverbialement qu'à la nuit finit toujours par succéder le jour. C'est le problème de la commémoration d'un événement. La commémoration pour être, ne doit pas être l'événement. Si elle devient l'événement, elle ne commémore rien, elle fait vivre. C'est précisément à quoi nous sommes invités à Pâques, à vivre et à ne pas commémorer. Même si les prédicateurs sont tous invités aujourd'hui à vous dire mécaniquement qu'après les ténèbres surgit la lumière, le désespoir l'espoir, faites attention. Pâques n'est pas ça. N'est pas ce qu'on en raconte, un happy end d'un roman tragique et palpitant, n'est pas même un recommencement. C'est un commencement. Au commencement, un corps avait disparu. Début du christianisme. Tout ce qui a pu se passer avant, a été raconté en fonction de ce que le femmes avaient compris de ce qu'elles avaient vécu, ce jour-là, après le sabbat, avant que le premier jour de la semaine ne luise.
Alors ce précieux texte de Matthieu nous livre, simplement en le lisant, quelques non moins précieuses indications, pour aller faire comme les femmes de Pâques, raconter.
Raconter par exemple
Q'une brèche dans le temps, permet le passage de l'accomplissement au commencement. Ce sera notre première partie.
Raconter qu'il y a ceux qui sont figés- les gardiens du tombeau et celles qui sont mobiles. Ce sera notre deuxième partie.
Raconter, enfin, qu'il y a un moyen de dépasser la peur qui a saisi les gardes, c'est justement d'aller raconter.
Raconter d'abord, qu'il y a une brèche dans le temps.
Ce récit, je devrais dire ce passage, commence par « après le sabbat ».
C'est à dire après le dernier jour, celui du sabbat, où l'on se repose mais à condition d'avoir accompli notre tâche des 6 jours qui précèdent. Il n'y pas de sabbat sans travail d'accomplissement de la tâche précédente.
Ça évoque la création du monde et Dieu n'a pas remis au 8eme jour la suite de ce qu'il avait à faire. Il n'a pas procrastiné. Il a tout accompli, raconte la légende et il s'est reposé. Il a pu se reposer parce qu'il a accompli. Dans le commandement du sabbat, il n'y a pas que la cessation – le repos - il y a l'injonction d'avoir accompli sa tâche. C'est un commandement dans le commandement. Donc les femmes qui viennent à ce moment, après le sabbat, viennent non seulement de se reposer peut être, mais surtout, la semaine précédente, elles avaient accompli ce qu'elles devaient faire. Cet idée d'accomplissement entrouvre la symbolique déployée ici.
« Après le sabbat »
Ce n'est pas qu'une simple indication temporelle, factuelle. C'est aussi l'indication de d'un état d'esprit nécessaire pour vivre l'événement de Pâques. Avoir accompli sa tâche. On peut donc suggérer que, si elles n'avaient pas accompli leur tâche, elles n'auraient pas saisi le moment qui s'ouvre devant elle. Cette idée se propage en nous faisant penser que Jésus lui-même avait accompli sa tâche, et aussi sans doute que nous même, pour percevoir quelque chose de la lumière de Pâques nous avons dû, ou nous aurions du « accomplir » notre tâche – non pas rassurez vous « notre tâche d'humain sur la terre », cela aussi pourquoi pas, mais il s'agit d’extrémité, mais sans aller si loin, pouvoir être arrivé sans toutes les scories d'une semaine précédente, qui non seulement ne nous a pas offert le repos, ou nous n'avons pas pu « cesser », mais nous a laissé un tas d'encombrants pour la semaine suivante, si bien qu'encombrés, nous ne pourrons rien déceler, dans ce moment où le jour n'est pas encore levé.
Ce qui est aussi très étonnant dans Matthieu c'est que non seulement, le texte indique que c'est après le dernier jour que ça se passe. Mais il précise davantage en disant que ça se déroule « avant que le premier jour ne commence ». Certes, c'est une façon de parler, c'est l'aurore, mais ça évoque quelque de très particulier. Ca se passe donc après le dernier jour, et avant le premier jour, dans le sens où ce nouveau jour n'est pas encore levé. Il y a dans ce texte une inauguration d'une nouvelle façon de concevoir le jour, qui chez les hébreux commence le soir, là, il est suggéré que dans ce début d'aurore, il n'est pas encore commencé.
Non seulement nous sommes bienheureux de recevoir à Pâques, la bonne nouvelle qu'il y a un premier jour après le dernier jour, mais nous sommes encore plus stupéfiés de voir dans la tentative d'écriture de ce récit qu'il existerait un espace littéraire surement , mais moi je le crois, profondément réel et spirituel, entre ce dernier jour et ce premier jour.
Et dans cet espace, hors du temps habituel, se tient la révélation. Se tient celui qui fait la Pâque, accomplit le passage, celui qui fait passer, le passeur, celui qui fait le commencement.
Pas le recommencement, mais un commencement .C'est dans cet instant là, cet instant où il n'y a rien à dire, mais qu'il faudra aller raconter, que nous place d'emblée ce texte de Matthieu. L'instant du passage entre un accomplissement et un commencement, dans une brèche du temps, pour une nouvelle chronologie et disons le, une nouvelle dimension, qui sera celle du temps des croyants au Christ.
Raconter qu'il y avait des gardiens du tombeau.
Au verset 4 , nous avons ces gardes. Qui sont là. Après le tremblement de terre, un tremblement de terre en forme de réplique de celui que nous avons vécu lors de la crucifixion. Après ce tremblement de terre et cette apparition de l'ange qui roule la pierre pour que les femmes constatent bien qu'il n'est pas dans le tombeau.
Nous avons ces fameux gardes qui sont là mais qui étaient là d'abord pourquoi ? Sans doute pour empêcher que quelqu'un, un de ces fanatiques, viennent enlever le corps.
Ces gardes tremblèrent de peur et devinrent comme morts, dit le texte.
Comme morts, le jour de Pâques... Encore une fois, stupéfiante ironie évangélique.
Qui sont ces gardes, que nous apprennent-ils ?
Ils restent figés, alors que les femmes sont mobiles. Ils sont figés dans l'ancienne dimension du temps, la dimension qui sera pour les premiers croyants au Christ, la dimension mondaine. C'est stupéfiant de voir se dérouler ce récit avant toute cette mobilité – vous relirez chez vous, que du mouvement, sauf cette fixité mortuaire de ces gardiens du tombeau, plongés dans l'ancien temps qui se déroule sans doute, mais hors de la vue du nouveau temps inauguré à Pâques. Peut-être que dans leur temps à eux, ils continuent à garder des tombeaux. Peut-être que nous ne sommes que ça, nous qui ne percevons pas la dimension pascale, des gardiens de tombeaux. Peut-être que je ne suis que ça moi pasteur, un gardien de tombeau rempli de lettres mortes que je dois commémorer car telle serait ma fonction.
Mais je ne veux pas être, dans ce récit, un de ces gardes.
Les gardes sont là pour nous dire que ce passage, n'est pas, n'est pas du tout, une continuité, après l'automne l'hiver, après le printemps l'été, après Noël, Pâques... Mais que c'est un passage vers le temps de Dieu qui n'a rien à voir avec le temps saisonnier ou liturgique. Les gardes ne sont pas entrés dans la brèche. Ils sont restés dehors. Ils sont donc comme morts. Ce texte nous invite donc à savoir de quel côté du temps nous sommes.
Raconter enfin qu'il y a un moyen de ne pas rester comme mort le jour de Pâques.
L'ange laisse la peur aux gardes, mais il est plein d'attention aux femmes en s'adressant à elles leur dit vous, n'ayez pas peur.
Pour vous, le contact avec le sacré n'a pas agi en répulsif vers votre ancienne vie. Vous, vous n'êtes pas devenus comme mortes. Vous, vous êtes passées par la brèche.
Vous, n'ayez pas peur, car vous avez déjà connu quelques éclats de ce sacré quand il s'incarnait dans le voyage bref de Jésus auquel vous avez participé. Mais plutôt que de rester comme mortes, figées sur place, allez tout raconter. Allez dire aux disciples qu'il s'est réveillé, Jésus, dont vous êtes aujourd'hui devenues les premières disciples, allez annoncer qu'il s'est réveillé d'entre les morts.
Et dans leur course, elles rencontrent Jésus en personne, qui leur dit à peu près la même chose que l'ange. Ici est décrit un état second, une rémanence spirituelle. Ce n'est pas une simple redondance, c'est la simple réalisation que ce Christ s'incarne dans l'assemblée des croyants qui deviendra son nouveau corps. Un corps encore plus mobile que l'ancien corps.
Alors qu'avons nous appris?
Nous avons d'abord remarqué que le passage de Pâques, n'est pas une succession narrative.
Pâques survient quand tout est terminé et de préférence , accompli, d'une façon ou d'une autre, positive, ou négative.
Dans une fraction mystérieuse du temps, cette brèche, Pâque nous plonge dans un commencement. Certains n'y plongent pas. Et d'une certaine manière, meurent, ne suivant pas le mouvement. Restent dans leur « hier ». Un « hier » sempiternel, un jour sans fin et qui est toujours hier.
Ce commencement, il arrive comme un tremblement de terre, il n'a pas été attendu ni souhaité.
Recommencer, passe encore, mais commencer, c'était inimaginable,
Qui parmi nous a encore la sensation de commencer quelque chose, ou la simple sensation de commencer en permanence ? Bienheureux êtes vous, qui avaient cet état d'esprit. Vous pouvez peut-être passer par la brèche.
C'est quand tout est terminé, ou que tout va se terminer, et quand peut être même on avait accepté cette situation, et peut être même qu'on n'en avait rêvé que tout ça se termine, quand la mort est devenue une amie qui vous a manipulé pour que vous vous sentiez amoureusement disposé à vous abandonner à elle.
C'est à ce moment là, en tous les cas d'après ce récit, et je l'espère pour chacun de nous ce matin, que tout peut commencer. Amen.