LECTURE JEAN 2.
1Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. 2Jésus aussi fut invité aux noces, ainsi que ses disciples. 3Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n’ont pas de vin. 4Jésus lui répond : Femme, qu’avons-nous de commun en cette affaire ? Mon heure n’est pas encore venue. 5Sa mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu’il vous dira. 6Il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune deux ou trois mesures. 7Jésus leur dit : Remplissez d’eau ces jarres. Ils les remplirent à ras bord. 8– Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en à l’organisateur du repas. Ils lui en portèrent. 9Quand l’organisateur du repas eut goûté l’eau changée en vin – il ne savait pas d’où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l’eau le savaient – il appelle le marié 10et lui dit : Tout homme sert d’abord le bon vin, puis, quand les gens sont ivres, le moins bon ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent.
PREDICATION
Nous n'allons pas faire d'exégèse ce soir. Vous vous doutez bien qu'avec ce texte de Jean, empli de signes, de codes, nous n'aurions pas assez de toute la nuit pour l'explorer.
Mais ce soir, c'est une réunion fraternelle, entre frères et amis. On va dire alors ce soir que je fais tinter mon verre, que je me lève, et que je prends la parole au milieu du banquet des noces, et je veux juste partager quelques questions et ce qu'elles m'évoquent.
Je me suis toujours demandé comment l'organisateur de ce repas pouvait être sûr que ce vin qu'on lui a fait goûter était le meilleur.
Parce que justement, l'objectif de ceux qui servent le meilleur vin d'abord - en petite quantité - est de faire croire aux invités que les vins d'après, en beaucoup plus grande quantité, sont bons, voire meilleurs. Car ils sont déjà ivres, et donc tous susceptibles d'êtres illusionnés
Pourquoi l'organisateur de ce repas se serait-il pas victime, finalement de la même illusion, car après tout, s'il manquait du vin, c'est sans doute qu'ils avaient tous déjà beaucoup trop bu...et pas forcement du bon vin d'ailleurs.
Cela me fait penser à la religion. La religion qui rend ivre, même si elle est de mauvaise qualité, ivre de vérité, ivre de certitudes, jusqu'à finalement faire croire que le vin qu'on y distille est le meilleur. Alors que c'est un produit dangereux, en fait.
Il y a toujours alors des lendemains qui déchantent. Un jour, ces certitudes s'écroulent, car le temps passe, la jeunesse fuit, avec ses illusions et quelques certitudes. Alors, pour une fois, j'ai envie de dire que ce texte est une prophétie. J'ai envie de dire comme Jésus le dit lui même à sa mère, que son heure n'est pas encore venue. Que nous ne sommes pas encore arrivés à la seconde partie des noces, quand le bon vin va être servi, mais que nous sommes encore à la première partie. Notre histoire de catholiques et de protestants, a été longtemps sous le signe de l'ivresse générée par de grandes quantités de mauvais vin. Et la folie de la certitude, nous a entrainé très loin. Aujourd'hui, nous sommes arrivés au stade où ce vin manque et nous esperons que bientôt, nous pourrons ensemble fêter ces véritables noces de la réconciliation, non seulement des religions, mais de l'humanité avec elle-même et son Dieu, qu'elle a mis en exil, mais qui attend son heure, l'heure où il sera clairement invité. Invitons le déjà dans notre coeur.
Ma deuxième question concerne l'eau. D'où vient elle ? Je rappelle parce que ce n'est pas évident dans le texte qu'il s'agit ici de 700 litres d'eau à aller puiser. D'où vient elle, toute cette eau, qui va se transformer en 700 litres de bon vin ? (ce qui au passage permet de remarquer que ces noces étaient quand même très imposantes).
Où est la source ? Et d'où vient la force pour aller la puiser, toute cette eau ?
Pourquoi ne pas avoir rempli directement les jarres de vin ? Pourquoi passer par l'étape de l'eau ?
Autant de questions qui me redisent que ce texte est une prophétie. Pour l'instant, il semble que nous soyons encore au stade de ces jarres remplies de vide. Et que notre travail c'est d'abord d'aller la trouver cette source, ensuite après l'avoir trouvée de se dire qu'on arrive à rien tout seul, et se constituer en relai, pour puiser, porter, remplir, remplir encore.
Alors oui, avant de profiter des libations de ce vin exceptionnel, ouvrons les yeux, il faut trouver la source, trouver des forces, trouver ses frères et soeurs, et remplir ces jarres. A ras bord, dit le texte. Et ces jarres il faudra les porter, et ensuite puiser dans ce miracle et le faire gouter.
C'est vrai, les lecteurs de ce texte se mettent tous immédiatement dans la peau des invités à la noce, ils oublient qu'ils ne sont que des serviteurs. Qui voient l'extraordinaire, contrairement aux invités . Et qu'ils en sont au stade d'obéir au maître et d'aller chercher de l'eau.
Au stade du baptême, peut-être, pour signaler un des marqueurs de ce texte, au début d'un chemin, un chemin de serviteur et de sourcier.
Oui, cette semaine nous célébrons l'unité. L'interêt de cette fête, avant d'être une prière pour l'unité des chrétiens, c'est une fête de l'unité, de l'unité de notre monde dans le regard de Dieu, unité essentielle que nos yeux formatés n'arrivent pas, encore, à considérer. Pour ces jours, nous allons donc nous rappeler ce que nous avons à faire, trouver la source de notre baptême commun, remplir d'eau toutes ces immenses jarres qui attendent, et ensuite, devenir, le porteurs du miracle, pour que la fête ait lieu, une fête, une vraie, c'est à dire un vrai moment éternel d'unité.
Que le seigneur nous y invite et qu'il nous bénisse. AMEN.