TEXTE
Jacques 1.17-27
17tout don excellent, tout présent parfait, vient d’en haut ; il descend du Père des lumières, chez qui il n’y a ni changement ni éclipse. 18Parce qu’il en a décidé ainsi, il nous a fait naître par une parole de vérité, pour que nous soyons en quelque sorte les prémices de ses créatures. Ecouter ne suffit pas 19Sachez-le, mes frères bien-aimés : que chacun soit prompt à écouter, lent à parler, lent à la colère, 20car la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu. 21Aussi, rejetant toute saleté et tout débordement de malfaisance, accueillez avec douceur la Parole, qui a été plantée en vous et qui peut vous sauver. 22Mettez la Parole en pratique ; ne vous contentez pas de l’écouter, en vous abusant vous-mêmes. 23En effet, si quelqu’un écoute la Parole et ne la met pas en pratique, il est semblable à un homme qui regarde dans un miroir son visage naturel 24et qui, après s’être regardé, s’en va et oublie aussitôt comment il était. 25Mais celui qui a plongé les regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui y demeure, non pas en écoutant pour oublier, mais en mettant en pratique, – en faisant œuvre – celui-là sera heureux dans sa pratique même. 26Si quelqu’un se considère comme un homme religieux alors qu’il ne tient pas sa langue en bride, mais qu’il se trompe lui-même, sa religion est futile. 27La religion pure et sans souillure devant celui qui est Dieu et Père consiste à prendre soin des orphelins et des veuves dans leur détresse, et à se garder de toute tache du monde.
PREDICATION
Accueillez avec douceur la Parole, qui a été plantée en vous
celui qui a plongé les regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui y demeure, non pas en écoutant pour oublier, mais en mettant en pratique, – en faisant œuvre – celui-là sera heureux dans sa pratique même.
Quelle belles phrases de Jacques, dans notre Bible. Dans notre texte du jour.
Alors, la question du jour sera très simple.
Comment... faire ? Comment...faire.
D'abord, dans ce texte, savoir ce dont il s'agit. Ce dont il ne s'agit pas.
Commençons par : ce dont il ne s'agit pas .
Un exemple.
Je vous dis " aimez vous les uns les autres".
Cette parole, cette injonction là vient sur votre tête, elle vient caresser vos tympans. De nouveau. Parce qu'elle est déjà venue. Cette fois encore, elle plane, comme une bulle, elle tente d' entrer en vous.
Mais vous, vous vous postez devant l'oeilleton de votre conscience. Et vous vous dite " Cette parole, d'abord, à qui s'adresse t elle ?" .
Aimez-vous. Vous, c'est qui, c'est eux ? C'est nous ? " Pas tellement compréhensible en fait...
Vous refermez donc l'oeilleton de votre conscience". Mais cette parole insiste, elle parle devant devant votre porte
"Aimez vous les uns les autres".
Vous retournez devant votre porte, toujours bien fermée.
Vous pensez au monde, vous pensez à la boucherie sans cesse renouvelée de l'exode migratoire, vous pensez à la pornographie de Daech" .
"Aimez vous les uns les autres".
Vous ne supportez pas cette injonction. Elle est décalée, idéaliste ? Inefficace. Entendre, réentendre cette parole, c'est souffrir davantage à cause de la distance entre ce qu'elle veut, et la réalité de l'humain, entre ce qu'elle dit, et puis les uns, et puis les autres .Vous vous recroquevillez. Face à l'impossible. Vous devenez un chrétien maussade.
C'était un exemple hein. De ce que ne parle pas le texte de Jacques.
Vous n'avez pas ouvert la porte à cette parole. Vous ne l'avez pas acceptée, même plus fait semblant de l'accepter. Et ce slogan, cette bulle éclate, cette injonction disparait. Vos tympans sont de nouveau tranquilles.
En fait, vous vous êtes fait confiance. Et vous avez eu raison. Vous n'étiez plus prêt à recevoir une parole comme cela, plus prêt à vous faire croire qu'elle doit faire partie de votre répertoire. Vous avez eu raison, car quand Jacques parle, il ne fait pas l'apologie des slogans. C'est bien plus profond, ça vient de beaucoup plus loin que cette espèce de fatras d'informations disparates et paradoxales dont beaucoup croient qu'elle constitue l'évangile.
Voyons donc maintenant ce dont il s'agit ici. Il s'agit d'un breuvage qui vient des plus anciennes sources de la Bible, et même au delà de cette bible, cette source provient d'un moment encore plus intime où par exemple quelqu'un qui ne savait peut-être même pas qu'il était censé être un humain a saisi quelque chose en sentant la chaleur de la terre sur ses pieds nus en respirant un gorgée d'air frais qui l'a fait sourire ou larmoyer en regardant un sentier s'ouvrir dans une forêt, en se penchant pour se désaltérer à une source.
Un moment où il il a réalisé qu'il faisait partie de cet air, de cette terre, de ce sentier, de cette eau. Un moment pour qui lui a permis de continuer à marcher en sentant bien que le monde marchait aussi avec lui. Que ce qui se passait autour de lui et en lui était lié à son acte de vivre. Quand il a mis les pas dans le mouvement général qu'il commençait à percevoir. Quand il a réalisé qu'il n'était ni en dehors ni en dedans du monde dans lequel il marchait, mais qu'il était avec. Quand il a réalisé qu'il n'avait ni aucune importance, ni une importance particulière, mais qu'il était important comme tout était important. Alors cet homme s'est mis à devenir heureux dans sa marche, dans sa pratique, comme dit Jacques. Dans sa créativité, comme dirait le mot grec.
Jacques est celui, dans le nouveau testament, qui vient décontaminer cette source là, qui a été polluée par tous les artifices, tous les slogans, toutes les injonctions, toutes les images, toutes les sentences, toutes les distances, toutes les peurs, toutes les hypocrisies, tous les mensonges, toutes les feintes, toutes les croyances, toutes les raisons de ne pas faire, de ne pas agir dans le mouvement.
Cette parole dont il parle, ce n'est pas la parole qui vole comme une masse sombre, comme une logorrhée qui vient vous soupçonner, qui vient vous suspecter, qui veut vous acheter, vous prendre ou vous faire comprendre que vous n'êtes rien et que vous n'arriverez à rien face à l'idéal qu'elle prétende désigner.
La parole que Jacques évoque a été plantée en vous, dit-il. Elle a été plantée en vous parce que , tout simplement, vous faites partie du monde créé par Dieu sur lequel l'humain que vous êtes n'a hélas pas encore atterri, mis les pieds. Parce qu'il n'a pas encore compris ce que Dieu fait.
Dieu crée en permanence. Il créé tout ce qui est possible, il créé dans la démesure du possible. Dieu, c'est un acte créateur. Notre vie aussi est une des manifestations de cette création. Chaque instant de notre vie est créé par Dieu. C'est pour cela que Jacques nous invite à prendre conscience de cette parole créatrice plantée en nous. De toutes façons elle vit, mais nous pourrions ne jamais la percevoir. Et pourrions toute notre vie hors sol. Alors oui, ce à quoi Jacques nous invite c'est d'agir au rythme de la parole créatrice de Dieu plantée en nous, en prenant conscience que cette parole parle et agit en nous.
Et dès lors, vous n'aurez plus la déception de la distance entre ce que ce vous croyiez être la parole et la réalité.
La parole de Dieu qui s'incarne, c'est votre vie en train d'être vécue.
Celui qui est heureux dans sa pratique, c'est celui qui a conscience d'être une des manifestations de l'acte créateur de Dieu.
C'est alors que la méditation de la Bible peut intervenir, non pas pour prendre la place de ce qui se dit des tréfonds de vous-même, dans l'intimité de Dieu et la vôtre, non pas pour encore une fois vous inviter à vous désespérer, mais la méditation de la Bible et de l'évangile vous aidera à faire résonner l'écho de la bonté agissante qui est plantée en vous. Car cette parole aura désormais une conscience, la vôtre, un contexte: votre vie, votre acte de vivre, ce Dieu que vous sentirez autant que la terre sur laquelle vous marchez quand parfois, vous enlevez vos chaussures, et découvrez le monde.
AMEN
Par le pasteur R.Philipoussi