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14 juin 2024
Un événement dont on ne sait rien va se dérouler à la Maison Fraternelle. Assises à une longue table,
des personnes se livrent à de menus travaux tandis qu’un boîte décorée d’oiseaux effectue un trajet sur une ficelle tendue au-dessus d’elles. Chaque travailleuse chaque travailleur intercepte la boîte, y dépose quelque chose, la glisse vers la personne suivante.
Pour nous, bof… autant s’adonner à des occupations consistantes, allons manger ce que nous avons apporté, et nous voici en train de gentiment tourner le dos à la scène de travail. Certaines d’entre nous finissent par y aller voir tout de même. On contemple une travailleuse entourer un coquillage d’une jolie laine bouclée multicolore, une autre manipuler des feuilles de youcca séché, sa voisine accrocher un message à un bâton. Mystère. Hop, la boite passe de mains en mains jusqu’à un jeune homme en train de découper consciencieusement des livres, il entoure des mots, trace au feutre des diagrammes, un schéma, que sais-je ? La travailleuse suivante coud à la machine des pochettes et les tamponne.
On a l’impression de dérisoire mais aussi d’autre chose flottant dans l’air à cause de la concentration autour de la table. Manifestement ces jeunes artistes s’adonnent à une activité importante inscrite dans une chaîne de mise en commun des compétences. Nous, on continue de manger. Et puis, en fin de chaîne de travail, quelqu’un appelle au micro : « Caroline, venez chercher votre cadeau ! » Caroline reçoit la pochette tamponnée avec dedans la feuille de youcca, le bois enrubanné, un petit nid en terre cuite où planter une bâton d’encens, une page de livre revisitée, et le message, « Caroline, merci ». Nous sommes plusieurs à recevoir un merci, toutes et tous héroïnes et héros du soir. Nos noms sont dits alors qu’en général, on nomme les artistes, pas le public ; nous voici les derniers maillons de la chaîne créatrice. Le dérisoire s’est transformé en reconnaissance bouleversante d’humilité et de simplicité.
Le collectif Nest qui clôture ainsi le festival Piak Piak – Cui-Cui en coréen – nous remercie de leur avoir ouvert nos lieux, de notre attention à leurs créations, de nos questionnements. Nous devenons le maillon ultime de la chaîne des artistes qui travaillent à transformer les gestes les plus simples en une ode à la vie et nous repartons avec en mains leur cadeau, la reconnaissance ; la douceur, la poésie viennent en surcroît, si naturelles qu'elles s'installent en nous pour longtemps.
Edith VALLÉÉ