Rendre à César

Culte du 22 octobre 2023, présidé par Joey Commes



Auguste (-27 + 14)

Prédication Joey Commes 22 oct 2023.mp3  (44.5 Mo)

Piano

LA SALUTATION (Joey)

A vous qui êtes rassemblés en ce jour dans cette assemblée, 

D’où que vous veniez, 

Quoi que vous cherchiez, 

Que vous soyez habitués ou que vous veniez ici pour la première fois,

À vous la Grâce et la paix

De la part de Dieu notre Père

Et de Jésus-Christ notre Sauveur.

 

LOUANGE (Joey)

(Psaume 96)

Chantez pour le SEIGNEUR un chant nouveau ! Chante pour le SEIGNEUR, terre entière ! 

Chantez pour le SEIGNEUR, bénissez son nom, annoncez jour après jour la bonne nouvelle de son salut ! 

Dites parmi les nations sa gloire, racontez parmi tous les peuples ses actes étonnants ! 

Car le SEIGNEUR est grand et digne de toute louange : il est redoutable, plus que tous les dieux ; 

Car tous les dieux des peuples sont des faux dieux, mais c'est le SEIGNEUR qui a fait le ciel.

L'éclat et la magnificence sont devant lui, la puissance et la splendeur sont dans son sanctuaire.

Clans des peuples, donnez au SEIGNEUR, donnez au SEIGNEUR gloire et puissance ! 

Donnez au SEIGNEUR la gloire de son nom ! Apportez des offrandes, entrez dans les cours de son temple ! 

Prosternez-vous devant le SEIGNEUR quand éclate sa sainteté. Tremble devant lui, terre entière ! 

Dites parmi les nations : C'est le SEIGNEUR qui est roi ! — Ainsi le monde est ferme, il ne vacille pas. —Il juge les peuples avec droiture.

Que le ciel se réjouisse, que la terre soit dans l'allégresse ! Que la mer retentisse, avec tout ce qui s'y trouve ! 

Que la campagne exulte, avec tout ce qui s'y trouve, que tous les arbres des forêts poussent des cris de joie

Devant le SEIGNEUR, car il vient ! Car il vient pour juger la terre ; il jugera le monde avec justice, il jugera les peuples par sa constance.

 

[Debout]

Seigneur, nous te louons

Parce que tu nous aimes

Et que nous sommes tes enfants

Nous te louons pour Jésus-Christ

Vivant au milieu de nous.

Nous te louons pour l’Esprit-Saint

Qui nous rassemble malgré nos différences

Et qui fait de nous un seul peuple,

Ton peuple !

Oui nous te louons pour ce jour 

Qui nous fait entrer dans la joie 

Et nous chantons ta gloire !

Amen

Psaume 72, strophes 1-4, page 86-87

 

PRIERE DE CONVERSION [assis] (lecteur)

Seigneur,

Apprends-nous à nous tourner vers Toi. 

Même si nous ne savons pas te voir,

Tu es la lumière.

Même si nous ne savons pas Te suivre,

Tu es le chemin. Même si nous sommes dans la tristesse ou la peine.

Tu es la résurrection et la vie.

Donne-nous ta paix.

Amen.

42-02, strophe 1page 622

 

ANNONCE DU PARDON (lecteur)

« Là où le péché a abondé la grâce a surabondé » dit l’Apôtre (Romains 5,20)

Dieu pose sur chacun de nous

Un regard d’amour,

Un regard de père

Qui nous délivre du remord

Et efface toutes nos transgressions.

Dieu emporte nos maux,

Il nous invite à recevoir

Et à vivre avec lui

Tous les jours

Son pardon et son amour.

42-02, strophe 2

 

VOLONTE DE DIEU [debout] (lecteur) (ensemble)

(Deutéronome 30, 11-14)

Car ce commandement que j'institue pour toi aujourd'hui n'est pas au-dessus de tes forces ni hors de ta portée. 

Il n'est pas dans le ciel, pour que tu dises : « Qui montera pour nous au ciel afin de nous l'apporter et de nous le faire entendre, pour que nous le mettions en pratique ? » 

Il n'est pas de l'autre côté de la mer, pour que tu dises : « Qui passera pour nous de l'autre côté de la mer afin de nous l'apporter et de nous le faire entendre, pour que nous le mettions en pratique ? » 

Cette parole, au contraire, est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. 

42-02, strophe 3

 

PRIERE D’ILLUMINATION (Joey) [assis] 

O notre Dieu,

Nous te remercions de nous avoir réunis en ta présence,

Pour nous révéler Ton amour par les Ecritures,

Fais taire en nous toute autre voix que la tienne.

Donne-nous d’entendre ce dont avons besoin,

De voir Ta parole éclairer nos chemins,

Et d’être transformés par Ta vérité.

 

LECTURE (lecteur)

ESAÏE 45, 1-6

Voici ce que dit le SEIGNEUR à l'homme qui a reçu son onction, — à Cyrus, que j'ai saisi par la main droite, pour terrasser devant lui des nations, pour détacher la ceinture des rois, pour ouvrir devant lui les deux battants, et que les portes des villes ne soient plus fermées : 

Je marcherai moi-même devant toi, j'aplanirai les pentes, je briserai les battants de bronze et je casserai les verrous de fer.

Je te donnerai des trésors enfouis, des richesses cachées, afin que tu saches que c'est moi, le SEIGNEUR, qui t'appelle par ton nom, et que je suis le Dieu d'Israël.

A cause de Jacob, mon serviteur, d'Israël, celui que j'ai choisi, je t'ai appelé par ton nom ; je t'ai paré d'un titre, sans que tu me connaisses.

Je suis le SEIGNEUR, et il n'y en a pas d'autre, à part moi il n'y a pas de Dieu ; je t'ai préparé au combat, sans que tu me connaisses, 

Afin que l'on sache, du soleil levant au couchant, qu'en dehors de moi il n'y a que néant : je suis le SEIGNEUR, et il n'y en a pas d'autre.

 

MATTHIEU 22, 15-21

Alors les pharisiens allèrent tenir conseil sur les moyens de le prendre au piège en parole. 

Ils envoient leurs disciples, avec les hérodiens, pour lui dire : Maître, nous savons que tu es franc et que tu enseignes la voie de Dieu en toute vérité, sans te soucier de personne, car tu ne regardes pas à l'apparence des gens. 

Dis-nous donc ce que tu en penses : est-il permis ou non de payer la capitation à César ? 

Mais Jésus, qui connaissait leurs mauvaises intentions, répondit : Pourquoi me mettez-vous à l'épreuve, hypocrites ? 

Montrez-moi la monnaie avec laquelle on paie la capitation. Ils lui présentèrent un denier. 

Il leur demande : De qui sont cette image et cette inscription ?

— De César, lui répondent-ils. Alors il leur dit : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.

 

Piano

PREDICATION

 

Ils voulurent le piéger mais ils échouèrent, encore une fois. Les quatre évangiles regorgent de passages où surviennent des acteurs manifestement hostiles envers Jésus avec l’intention de le mettre à l’épreuve, de le pousser à tenir des propos susceptibles de fournir un motif d’accusation pour entraîner sa mort. Je pourrais vous exposer la liste de ces passages, mais cela prendrait un certain temps et je pense que vous n’avez pas prévu de passer la journée dans ce temple. Nous pouvons cependant constater que ces hommes qui mettent Jésus à l’épreuve sont présentés presque toujours comme des membres de groupes de penseurs et d’hommes religieux qui ont occupé une place importante dans le judaïsme ancien. Ce sont essentiellement les pharisiens et les saducéens, représentants des deux plus importants courants religieux judéens du vivant de Jésus. Pour les auteurs des évangiles ces scènes de mise à l’épreuve sont l’occasion de représenter la singularité du message de Jésus, de le démarquer de ces autres courants pour mettre en lumière la parole même de Jésus en tant qu’annonce d’une délivrance. 

Notre texte du jour est peut-être l’un des plus célèbres passages relevant de ce type de récit. Il se situe dans la dernière partie de l’évangile de Matthieu, au chapitre précédent Jésus est arrivé à Jérusalem. Le passage se déroule donc dans les derniers jours avant la Passion. Il participe de ce fait à une montée de la tension qui aboutit au jour de la crucifixion. La mise à l’épreuve dont Jésus est victime prend tout son sens dans ce long mouvement qui mène à la Croix. Les pharisiens cherchent à le piéger pour l’amener devant le tribunal et se débarrasser de cet agitateur qui leur fait de l’ombre. C’est du moins ainsi que l’on peut le lire dans une première approche, et je fais exprès de ne nommer que les pharisiens pour l’instant, afin que vous associez dans vos esprits notre passage à cette image savamment élaborée à travers les âges d’un Jésus discutant avec les pharisiens à propos de la loi divine, représentation qui a souvent eu pour but de montrer la supériorité de la nouvelle Alliance en Jésus-Christ face à l’ancienne perçue comme dépassée et dont les pharisiens sont devenus pour bien des chrétiens l’incarnation.

Lire le texte ainsi c’est certes le placer dans la continuité d’un débat théologique qui oppose, lors de l’écriture de l’évangile, les pharisiens, judéens qui façonnent ce qui est en train de devenir progressivement ce que nous désignons comme le judaïsme, et les sectateurs de Jésus qui sont à l’origine du proto-christianisme. Cette lecture peut toujours se justifier, mais aujourd’hui ce n’est pas celle-là que j’aimerais poursuivre avec vous. Nous avons affaire ici à des enjeux qui dépassent la sphère théologique, et auxquels Jésus est directement confronté.

En effet, à côté des pharisiens le texte nous dit que des hérodiens participent à l’interrogatoire de Jésus. Ces derniers ne sont mentionnés dans la Bible qu’à l’occasion de ce passage et de son équivalent chez Marc, ainsi qu’à un autre moment très rapide, qui se trouve aussi chez Marc, où il est dit qu’ils complotent avec les pharisiens pour perdre Jésus. Dans la tradition néotestamentaire ils ne sont donc vraiment présents qu’à l’occasion de cette discussion, et ce fait ne saurait être anodin. Mais qui sont-ils exactement ? Tout le monde aura vu le lien avec Hérode, vu leur nom ce n’est pas difficile. Il me faut faire une précision à ce sujet : Hérode le grand, la figure de tyran associée aux récits sur la naissance de Jésus, est mort depuis longtemps à ce moment, son fils Hérode Antipas, qui dirige alors la Galilée, est toujours un personnage de première importance dans le contexte politique de l’époque où se passe le récit. L’auteur de l’évangile peut aussi bien renvoyer au père comme au fils, et je vais conserver l’ambigüité. Cette identification avec Hérode n’explique pas ce qu’ils font ici. S’agit-il d’espions, d’agents du pouvoir, de partisans du parti d’Hérode ? De soldats à sa solde ? 

Le terme d’hérodiens en grec ancien ne se trouve, hors du Nouveau Testament, que dans des prédications de l’Antiquité tardive qui portent sur ce texte, ce qui ne nous aide pas beaucoup à comprendre leur rôle. D’autant plus que dans ces prédications ils sont la plupart du temps considérés comme l’équivalent des pharisiens ou des saducéens, comme si l’on ne savait plus vraiment distinguer les différents mouvements de la religion juive désormais considérée comme étrangère. 

A mon avis nous devons nous contenter de ce que le nom évoque, les hérodiens sont là pour faire sentir la présence d’Hérode dans ce passage, face à Jésus comme une préfiguration d’un procès fictif où Jésus devrait se défendre devant l’homme d’Etat. Les hérodiens ne sont pas les maîtres d’un courant de pensée semblable aux pharisiens ou aux saducéens. Ils ne représentent donc pas une idéologie par rapport à laquelle l’évangéliste voudrait se démarquer. Ils sont l’incarnation de la menace qui pèse dans cet épisode sur les épaules de Jésus, véritable épée de Damoclès d’un pouvoir tyrannique qui entretient un lien particulier avec le Nazaréen depuis qu’Hérode le grand a ordonné le massacre de tous les enfants nés à la même époque que lui dans la région de Bethléem, récit qui ne se trouve que dans Matthieu. 

Mentionner des hérodiens devant Jésus c’est donc faire surgir la mort, rappeler le danger qui guette le Messie en permanence depuis son arrivée à Jérusalem et même avant. Cette ville devait être la lumière pour tous les peuples. C’est là que devaient être effacées les différences entre les peuples, là que devait avoir lieu la réconciliation suprême, là que le règne du Messie devait commencer, mais quand on s’y rend voilà qu’on tombe sur des espèces de serviteurs d’un tyran qui vous questionnent pour savoir si vous avez l’intention de bien payer l’impôt. 

La discussion entre Jésus, les pharisiens et les hérodiens est donc placée sous le signe de la menace de la répression tyrannique. Plus que jamais les interlocuteurs sont la manifestation du danger qui guette Jésus. Au débat théologique que l’on trouvait jusqu’à présent dans ce genre de passage se substitue un enjeu politique. Jésus devient un opposant dont le pouvoir despotique se débarrassera au moindre faux pas. Il en est conscient, il a parfaitement compris les aspirations qui motivent ses interlocuteurs, champions de la flatterie à la manière de sous-fifres d’un monarque tout-puissant. 

Sa réponse à la question s’il faut payer la capitation, l’impôt par tête qui concerne l’individu particulier, est donc une non-réponse, une manière plutôt habile d’esquiver le débat. Soyons honnêtes, « rendez à César ce qui est à César » c’est une réponse qui brille par son obscurité. Faut-il imaginer qu’il recommande aux judéens de vider intégralement leurs poches jusqu’au moindre denier -l’une des plus petites unités de mesure de monnaie dans l’Antiquité ? C’est une formule qui sonne très bien aux oreilles, au point d’être devenue proverbiale, mais qui reste très abstraite, là où la question était concrète. 

Ce stratagème d’évitement se justifie donc par le péril que risque de subir Jésus. J’ai beaucoup insisté sur la représentation d’Hérode en tant qu’incarnation de cette menace, mais il n’est pas le seul à incarner le danger. Il est temps d’évoquer une autre figure connotée très négativement dans notre texte : César. C’est le titre que portent les empereurs romains par référence à Jules César, l’homme qui a permis la transformation de la république romaine en empire monarchique. Dans les années où Jésus est censé tenir ces propos que nous lisons, l’empereur romain au pouvoir, Tibère, rappelle Hérode par sa pratique du pouvoir, c’est un tyran dont la principale préoccupation est de préserver son trône, ce qui le pousse à mettre à mort quiconque représente un risque à ses yeux. Sur ce point nous ne sommes pas loin d’Hérode le grand qui fait mettre à mort des enfants pour se débarrasser d’un hypothétique prétendant au trône, même s’il n’est encore qu’un nourrisson, ou de son fils Hérode Antipas qui ordonne la décapitation de Jean le Baptiste pour satisfaire sa belle-sœur.

Les figures d’autorité dans ce texte sont donc toutes unies par un trait de caractère bien identifiable : l’abus de pouvoir, fruit de la tyrannie qui se donne à voir dans les bains de sang qu’elle déclenche. C’est avec toute cette toile de fond qu’il nous faut comprendre l’attitude de Jésus. Sa fuite camouflée montre qu’il est tout aussi susceptible d’être victime d’un caprice de despote que n’importe quel individu vivant dans la Judée du Ier siècle. C’est l’humanité de Jésus qui se laisse entrevoir dans ces paroles. Derrière cette réponse énigmatique qui met ses interlocuteurs dans l’embarras nous pouvons deviner un homme qui redoute la cruauté des princes, qui est conscient de la violence qui risque de s’abattre sur lui, et qui s’abattra effectivement sur lui.

La grande question à laquelle on rapporte souvent ce texte c’est le rapport entre le pouvoir politique et le religieux, résumé dans la formule centrale « rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Cette formule est construite sur une opposition entre deux réalités, deux mondes, deux manières d’exister. Nous pourrions de ce fait comprendre spontanément qu’il y a d’un côté ce qui relève de ce monde, et de l’autre ce qui relève du monde spirituel, divin, et que ces deux réalités sont irréconciliables. La déclaration de Jésus pousserait alors à s’imposer une prise de distance avec les affaires terrestres pour se concentrer sur les affaires spirituelles.

Un problème se pose alors : s’il se tait à propos des affaires terrestres, Jésus légitime-t-il toute forme de pouvoir politique ? C’est une lecture qui a souvent été adoptée, notamment par les différents souverains pour affirmer que Jésus leur donnait carte blanche, tant qu’ils agissent en son nom tout leur est permis, même les pires horreurs. Je tiens à souligner que si Jésus répond qu’il faut rendre à César ce qui est à César c’est pour renvoyer la question aux disciples des pharisiens et aux hérodiens, ce n’est pas pour prendre position. La déclaration de Jésus ne se prononce ni sur la justesse de l’impôt par capitation, ce qui était à l’origine le cœur de l’interrogation, ni sur l’injustice d’un tel impôt.

Les références à l’empire romain activent pour le lecteur de l’évangile, au moment de sa rédaction, tout un ensemble d’enjeux qui sont immédiats pour lui. L’impôt que les Judéens versent aux autorités romaines, véritables forces dominatrices de la Judée dont Hérode n’est que le satellite, est un symbole particulièrement puissant de cette suprématie d’une puissance impériale étrangère qui a asservi la Judée et impose une forme de servitude visible partout jusque dans les pièces de monnaie en circulation. L’empire romain pour un habitant de la Judée, où l’évangile de Matthieu a sans doute été rédigé, incarne donc la puissance impérialiste par excellence.

Par ailleurs un événement dramatique est particulièrement présent dans les mémoires à ce moment : la destruction de Jérusalem et du Temple en 70, épisode central de la guerre durant laquelle les Judéens ont tenté de recouvrir leur indépendance, guerre qui s’est achevée par la disparition de ce qu’il y avait de plus sacré pour eux au milieu d’un bain de sang. Rome est alors triomphante et la défaite qui vient de se produire donne l’impression que sa puissance est inarrêtable. L’état d’esprit particulièrement sombre dans lequel devait alors se trouver la communauté à laquelle s’adresse l’évangile de Matthieu peut se retrouver dans toute population victime de l’expansionnisme et de la politique sanguinaire d’un pouvoir tyrannique et dictatorial, face auquel elle semble désemparée tandis que la défaite et l’asservissement qu’elle entraîne deviennent une réalité inévitable et insupportable.

Face à la toute-puissance de la tyrannie, quelles que soient les visages qu’elle prend à travers les lieux et les temps, le christianisme a toujours eu et aura toujours une réponse : le règne de Jésus-Christ. C’est lui qui mettra fin à toute domination illégitime, qui rétablira la justice quand il viendra juger les vivants et les morts. Toutes les dominations éphémères de ce monde seront un jour supplantées par la royauté du Christ, la seule vraie royauté.

Cette réponse peut nous rassurer car elle est la promesse que les abominations que l’humanité connaît et connaîtra encore seront forcément vouées à disparaître, à être dissoutes dans la gloire du Christ. Et elle reste toujours quelque part dans le cœur du chrétien même quand il cède au désespoir, elle peut toujours se réveiller et lui apporter le réconfort qui lui donnera la force de renouer avec l’espérance. La promesse que Dieu nous sauve en Jésus-Christ est le pilier sur lequel tout chrétien peut toujours trouver l’appui nécessaire dans l’adversité. 

Je ne vous dirai certainement pas de renoncer à cette assurance dans la royauté du Christ. J’aimerai cependant réfléchir avec vous sur ce que notre texte nous dit de cette royauté. Parce que nous avons affaire ici à tout sauf à un roi. Je vous ai dit que c’était un homme qui trouvait une parade pour éviter de s’attirer des ennuis. Il répond à tout sauf à l’image que les Judéens se faisait du Messie, le fils de David qui devait restaurer le royaume d’Israël dans sa magnificence.

C’est l’une des thématiques centrales des évangiles que d’affirmer la royauté paradoxale du Christ, couronné avant de monter vers le Golgotha, mort à la manière d’un criminel, à rebours des représentations de la majesté royale auxquelles l’Antiquité était accoutumée. Nous pouvons considérer que la confrontation de Jésus sur la question de l’impôt relève de cette construction d’une royauté paradoxale. Jésus n’appelle pas à la révolte ou à la désobéissance, il ne devient pas un chef d’un nouveau parti contre l’occupation romaine et l’autorité hérodienne qui lui est assujettie. Il se tient à l’écart de ces questions. 

Ce qui peut aussi être lu dans ce passage c’est que Jésus se moque des questions qui agitent ses contemporains sur l’autorité à laquelle il faut obéir. Jésus ne se comporte pas en nationaliste, dirait-on aujourd’hui, Matthieu donne une attention particulière à démontrer que la Bonne Nouvelle ne s’adresse pas seulement aux Judéens. Que l’on songe à l’envoi des disciples en mission qui clôture Matthieu : « Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint » (Mt 28,19). Le message christique a une portée universelle, et les querelles de pouvoir, les luttes entre puissances sont dépassées par sa portée.

Le refus de se prononcer exprimé dans ce passage montre ainsi que le message de Jésus ne saurait justifier aucun parti dans une rivalité de pouvoir, il laisse la question en suspens peut-être pour montrer qu’il n’y a pas de vérité absolue dans ce domaine, il n’y a que des êtres qui sont aveuglés par leurs passions pour leurs idées et la volonté de domination, la Bonne Nouvelle qui ne tranche pas ces différends poussent ainsi à les dépasser, elle n’accepte que la réconciliation.

Mais comment Jésus peut-il être le roi sous l’autorité duquel s’accomplit cette réconciliation ? Nous sommes en permanence confrontés, génération après génération, à l’accumulation de crises provoquées par des potentats entourés de subordonnés aussi enivrés qu’eux par le pouvoir, sans que rien ne semble mettre un terme à cette série interminable de boucheries. La libération apportée par Jésus lors de l’avènement de son règne sur la Terre paraît à cet égard demeurer à l’état d’éternelle espérance qui finit par devenir une illusion.

Ceux qui ont choisi les textes du jour ont joint à ce passage de l’évangile le texte d’Esaïe que nous avons lu tout à l’heure, et c’est assez étonnant. Dans ce texte où Dieu parle à Cyrus, le roi perse qui a permis aux Hébreux exilés à Babylone de retourner chez eux à Jérusalem, le monarque lui-même est qualifié comme « oint » de Dieu, c’est-à-dire, pour traduire plus près de l’hébreu, son « messie ». Et là nos conceptions chrétiennes sont un peu secouées, puisque nous voilà avec un autre messie en la personne d’un souverain perse, qui a beau avoir été admiré dans toute l’Antiquité comme un grand roi sage aussi bien par les Hébreux que par les Grecs, il n’en reste pas moins qu’il correspond plus à l’image du tyran que je vous ai brodée qu’à celle de Jésus sur la Croix.

Le texte d’Esaïe invite à considérer que Dieu peut se servir des rois pour influencer sur la destinée des hommes, s’ils accomplissent ses desseins Il les favorisera, dans le cas contraire Il les abattra. Les récompenses promises à Cyrus sont le signe de son action favorable envers le peuple de Dieu et, il faut bien le dire, un gage de reconnaissance de la part des auteurs de l’Ancien Testament, eux-mêmes revenus d’exil grâce à ce roi. 

Outre le fait que Cyrus soit un roi, Esaïe nous invite à considérer que les hommes peuvent prendre part au projet de Dieu pour l’humanité. Nous ne sommes pas condamnés à rester impuissants face au désastre, nous pouvons aussi œuvrer à cette réconciliation annoncée par la Passion. Mais nous ne sommes pas des rois avec une armée à notre disposition, me direz-vous, tout à fait. C’est pourquoi j’aimerai revenir sur le vide laissé par les paroles de Jésus. 

Ce vide en effet n’est pas comparable à la décision d’un roi qui aboutit à un commandement impératif auquel il faudrait se soumettre. Bien au contraire, c’est une ouverture. A quoi correspond « ce qui est à César » et « ce qui est à Dieu », qui saurait définir les prérogatives de l’un et de l’autre de manière définitive ? Personne, et cela ne prive pas de sens la déclaration de Jésus. 

Notre texte, tel qu’il a été découpé, s’arrête sur la parole décisive de Jésus. Ce qui nous prive de la conclusion de l’histoire : « Etonnés de ce qu’ils avaient entendu, ils le laissèrent et s’en allèrent », ce verset expose l’embarras dans lequel les pharisiens et les hérodiens se retrouvent devant Jésus, embarras provoqué par la non-réponse qui détruit le stratagème de leur piège. Mais en même temps Jésus s’adresse directement à eux en tant que personnes. Ils n’avaient pas d’autre identité jusqu’à présent que celle de membres d’un groupe, sans visage, sans caractère. Jésus par ses paroles les arrache à leur groupe pour les interpeller directement en tant qu’individus. De cette manière il montre que même les pharisiens et les hérodiens, quoique soumis à une autorité, peuvent toujours se libérer d’elle. 

La royauté de Jésus ne propose pas de prendre part à un parti parmi d’autres, elle libère des carcans idéologiques pour créer des consciences. Et c’est la pensée, la réflexion personnelle qui constitue le meilleur moyen de se libérer de la tyrannie. Jésus ne désarme pas l’autocratie romaine et hérodienne par l’appel immédiat à la révolte, mais par l’invitation à assumer un parcours personnel, à assumer ses propres opinions. Le sens de la formule-clef de notre passage ne peut pas être défini de manière catégorique. La parole de Jésus doit être appropriée par chacun, c’est ainsi qu’elle trouvera un sens concret.

La royauté de Jésus n’est donc pas une royauté parmi d’autres en ce qu’elle n’impose pas une prise de position unilatérale. Confesser que Jésus-Christ est le Seigneur c’est refuser la tyrannie, et non annoncée l’avènement d’une monarchie de plus, voire d’une supra-monarchie. Jésus ne justifie aucun pouvoir politique, il invite au contraire dans l’ambiguïté de sa parole à prendre position, à juger le potentat quel qu’il soit. Sa parole aujourd’hui fait de nous des individus responsables qui ont part à la transformation du monde. Plutôt que de nous focaliser sur l’attente du Royaume à venir nous pouvons dès aujourd’hui assumer notre place en ce monde en trouvant la force de refuser l’intolérable, et pour cela il nous faudra définir nous-mêmes ce que nous devons rendre à César.

 

Piano

 

CONFESSION DE FOI [debout] (lecteur) (ensemble)

Avec Jésus de Nazareth

Apparaît une vie libre,

Donnée aux autres jusqu’à la mort

Et pourtant souveraine.

Cette vie est le mystère qu’il me faut comprendre ;

Cette vie est celle à laquelle je suis appelé.

C’est pourquoi, éclairé par le témoignage des disciples 

Qui l’ont suivi,

Porté par la communion de mes frères en la foi,

Je crois en lui

Et avec eux je le nomme Christ

Fils de Celui qui m’appelle

Malgré ce que je suis,

A partager cette vie qui triomphe toujours

De la tristesse et du désespoir,

De la fermeture et du moralisme,

De la haine et de la mort.

Avec lui, l’éternellement vivant, avec le secours de son Esprit, 

Et avec tous les hommes,

J’essaie de marcher vers a cité fraternelle

Où nous pourrons contempler face à face

Celui qui depuis toujours nous appelle à Lui

Et, qu’en attendant,

Nous nommons DIEU.

35-01, page 474 strophes 1-3

 

ANNONCES, OFFRANDE

Piano

 

INSTITUTION (conseiller)

Le Seigneur Jésus,

La nuit où il fut livré, 

Prit du pain, et après avoir rendu grâce,

Il le rompit

Et le donna à ses disciples en disant :

« Prenez, mangez : ceci est mon corps donné pour vous.

Faites ceci en mémoire de moi. »

De même après le repas,

Jésus prit la coupe

Et après avoir rendu grâce,

Il la leur donna en disant :

« Buvez-en tous ; ceci est mon sang,

Le sang de la nouvelle alliance

Versé pour la multitude,

Pour le pardon des péchés.

Faites cela en mémoire de moi,

Toutes les fois que vous en boirez. »

 

INVITATION (conseiller)

Notre Dieu, toi qui nous rassembles, et nous invites,

Réveille en nous la joie de participer au repas de ton Fils.

Comme ce pain est fait d’épis autrefois dispersés

Et maintenant réunis,

Comme ce vin est fait de grappes autrefois éparses,

Qu’ainsi tous les hommes soient rassemblés dans ton amour,

Et réunis un jour dans ton Royaume.

Le Seigneur invite chacun de vous à son repas, venez car tout est prêt.

INTERCESSION (Joey)

Mon Dieu, nous te remercions pour nous avoir réunis aujourd’hui à l’écoute de Ta Parole. Merci pour toutes les fois où Tu nous permets de sentir ta présence dans notre quotidien. Donne-nous de voir la vie que tu nous as donnée comme un miracle sans cesse renouvelé à travers les beautés dont Tu sèmes nos chemins.

Mon Dieu, nous voudrions déposer au pied de Ta Croix le fardeau que nous sentons peser sur nos épaules. Merci pour toutes les fois où Tu nous as donné la force de surmonter nos épreuves. Nous te prions pour tous ceux qui n’arrivent pas à se libérer de leur peine. Accorde-leur un terme à leurs épreuves.

Mon Dieu, nous te prions tout particulièrement pour les victimes de la guerre et de la violence qui redoublent d’intensité autour de nous. Donne-leur la force de ne pas céder au désespoir. Que la paix que tu nous promets puisse faire triompher en nous l’humanité sur le mépris et la détestation.

Mon Dieu, nous ouvrons nos cœurs à ton Esprit. Nous te prions pour tous ceux qui ne t’entendent pas, pour les solitaires, pour les cœurs lourds, pour les malades et tous ceux que nous te nommons dans le secret de nos cœurs (silence). Soit pour eux la lumière quand ils ne savent plus à qui se fier.

Que pour chacun de nous le souvenir du matin de la Résurrection efface toujours les ténèbres de la souffrance.

Et ensemble nous Te redisons la prière que Tu nous as enseignée :

NOTRE PERE

 

FRACTION (conseiller)

Le pain que nous rompons

Est communion au corps

De notre Seigneur Jésus-Christ,

Qui a été donné pour nous.

La coupe de bénédiction

Pour laquelle nous rendons grâces

Est la communion au sang

De notre Seigneur Jésus-Christ,

Qui a été répandu pour nous.

 

COMMUNION

 

ACTION DE GRACE (Joey)

A nous qui avons la nourriture

Donne faim et soif de justice,

De paix et d’amour,

Apprends-nous le partage

Guide-nous pour rendre notre monde semblable à ton Royaume.

 

 

EXHORTATION (Joey)

Vous qui êtes choisis, sanctifiés, aimés de Dieu

Ayez donc des sentiments de miséricorde.

Revêtez-vous de bonté, d’humilité, de douceur, de patience.

Supportez-vous les uns les autres,

Et si l’un de vous a un grief contre un autre,

Pardonnez-vous mutuellement.

Comme le Seigneur vous a pardonnés,

Faites de même vous aussi.

Et par-dessus tout revêtez-vous de l’amour

Qui est le lien de la perfection.

 

BENEDICTION [debout] (Joey)

« Que règne dans vos cœurs la paix du Christ

A laquelle vous avez été appelés tous » (Col 3, 12-15)

Quand vous douterez gardez à l’esprit que le Sauveur est vivant,

Que son amour est plus fort que la haine et que la mort,

Et qu’aucune puissance en ce monde ne pourra jamais nous empêcher d’écouter sa Parole.

Amen

 

Piano
 

 

 

 

 


Statue colossale de Tibère comme Jupiter. Marbre. 37-54 CE. Inv. Non. 1511. Rome, Musées du Vatican, Musée Chiaramonti, XXI. 3 (Roma, Musei Vaticani, Museo Chiaramonti)
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