Dans une semi obscurité animée par un vent constant du côté des orgues, s’ouvre un chemin de lumière jusqu’à un écran devant la table. Là se meuvent des formes fluides et changeantes brunes, ponctuées de couleurs vives. Non, du temple, vous ne comprenez plus rien. Et encore moins avec une étrange structure à mi-chemin évocatrice des « pierres levées » de l’Antiquité.
Soudain, sur l’estrade, un repère : deux livres l’un à l’endroit, l’autre à l’envers, Tragédie dans l’Everest et La conquête de l’Everest. Bon, il s’agit de montagne, d’élan vital, de réflexion sur la mort. En effet, la lumière vivante au sol vacille dans des petits godets, prises artificielles en plastique utilisées en école d’escalade, et en effet la structure centrale a quelque chose à voir avec la mort.
A l’intérieur de ces pierres levées vous devinez un corps dans un linceul. La conquête de l’Everest a engendré de nombreuses morts et le corps que vous croisez sur votre chemin est maintenu dans une éternité gelée. Pourtant, il a tout pour s’extraire, monter à la verticale comme le lui suggèrent l’écartement des parois qui l’entourent. Cela tombe bien, nous sommes le lendemain de l’Ascension.
C’est alors que vos yeux se lèvent, et vous voici dans l’émerveillement. Vous contemplez une forme circulaire lumineuse étoilée bleue jouxtant la coupole où virevoltent depuis toujours des anges. Ce soir, dans le bleu, des humains escaladent les étoiles ! Vous partez dans l’infini et la béatitude.
Il vous faut bien revenir sur terre. La toile dressée devant la table vous intrigue. Parmi les formes mobiles qui s’interpénètrent vous repérez ici une main vite métamorphosée, là peut-être une corde… Ce mouvement
perpétuel n’exprime-t-il pas l’effort dans l’escalade, la persévérance et la concentration, un pas après l’autre, une prise après l’autre, la solidarité des mains et des cordes, des gens dans une cordée, notre assemblée du temple, l’humanité en train de se transformer au contact du pire et du meilleur ?
Deux récits viennent clore la proposition artistique, lectures dans le sifflement du vent. Elles racontent un renoncement à une escalade pour cause de mauvaise préparation et l’histoire d’une chute. C’est la vie, c’est la mort, c’est l’art qui interpelle notre compréhension du monde.
Le collectif NEST avec PARK CHAE Biole, Constance de RAUCOURT, PARK CHAE Dalle, nous a encore proposé une œuvre magnifique cette fois crée par les trois vidéastes, du collectif = 3, WONWOO Kim,
DOSOUNG Kim, SINAE Lee. Quatre mois de préparation ont porté leur créativité, ici tangible et bouleversante. L’idée du thème de l’escalade leur est venue en voyant notre temple, son envolée dans toutes les dimensions du sol, du ciel, de l’épopée humaine. Un grand merci aux artistes et à notre Temple.
Edith VALLÉÉ
Photos et video: Robert PHILIPOUSSI et Valérie PASQUET