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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

Culte du 9 mars 2025, " ce possible qui palpite sous l'écorce du monde"

Prédication par Paul Knall-Demars



le Christ dans le désert, par Ivan Kramskoï (1872)
le Christ dans le désert, par Ivan Kramskoï (1872)

LA LITURGIE

extraits_du_culte_du_9_mars_2025_1.mp3 Extraits du culte du 9 mars 2025.mp3  (104.95 Mo)

CULTE DU 09 MARS 2025
 

MUSIQUE PIANO (Aaron Nachtigall)
 

LA SALUTATION
 

Grâce et paix à vous de la part de Dieu, notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ.

Voici le temps du culte, voici le temps où Dieu nous accueille, de quelque condition que nous soyons, de quelque horizon d’où nous venions, sœurs et frères en un même Esprit. Bienvenue en ce jour !
 

LA LOUANGE
 

Ps. 19

Le ciel raconte la gloire de Dieu, la voûte céleste dit l’œuvre de ses mains.

Le jour l’annonce au jour, la nuit l’explique à la nuit.

Ce n’est pas un langage, ce ne sont pas des paroles, on n’entend pas leur voix.

Leurs mesures apparaissent sur toute la terre, leurs accents vont aux extrémités du monde ;

c’est là qu’il a placé une tente pour le soleil.

Celui-ci, tel un marié sortant de sa chambre, tout content, se met en route, tel un héros vaillant.

Il s’élance des extrémités du ciel et achève sa course à l’autre extrémité ;

rien n’est caché à sa chaleur.

Que les paroles de ma bouche et le murmure de mon cœur soient agréés de toi, Seigneur, mon rocher et mon rédempteur !
 

CHANT 41-32, Chante ciel exulte terre, p. 607, toutes les strophes 
 

LA PRIÈRE DE CONVERSION
 

J’ai tant de raisons de me réjouir en toi, mon Dieu, et pourtant, que de fois je laisse l’éclat de ta présence se couvrir de nuages dans mon cœur trop prompt à s’habituer, à oublier, et ainsi :
 

J’ai plus souvent désiré être aimé qu’aimer

J’ai plus souvent accepté d’être rétribué que de pardonner 

J’ai plus souvent recherché à détruire le mal qu’à bâtir le bien

J’ai plus souvent voulu avoir raison que voir la vérité

Être entendu qu’écouter

Triompher qu’être juste.
 

Je me suis soucié de beaucoup dans des choses de peu, et je me suis soucié de peu dans ce qui comptait vraiment.

J’ai passé à côté, j’ai manqué, et tu vois, je ne sais plus où je vais, ce que je fais au juste.
 

Il me faut ta lumière pour y voir, il faut je t’en prie que ce cœur se réchauffe et se souvienne qu’il a sa joie dans un simple regard, un simple sourire, une simple main tendue qui reflète ton visage.  
 

CHANT 43-01, Je crie à toi Seigneur Jésus, p.634, str. 1
 

L'ANNONCE DU PARDON
 

Écoutons l’annonce du pardon avec les paroles de l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains, 10, 8-13, texte de ce jour :
 

8Que dit l’Écriture ? La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, c'est là la parole de la foi, que nous proclamons. 9En effet si, avec ta bouche, tu reconnais en Jésus le Seigneur, et si, avec ton cœur, tu crois que Dieu l'a réveillé des morts, tu seras sauvé. 10Car c'est avec le cœur qu'on a la foi qui mène à la justice, et c'est avec la bouche qu'on fait l’acte de reconnaissance qui mène au salut. 11L’Écriture dit en effet : Quiconque croit en lui ne sera point pris de honte.  12Il n'y a pas de distinction, en effet, entre Judéen et Grec : ils ont tous le même Seigneur, qui est riche pour tous ceux qui l'invoquent. 13Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.
 

CHANT 43-01, p.634, str. 2
 

L'EXPRESSION DE LA VOLONTÉ DE DIEU
 

Ayant ainsi au cœur l’assurance du pardon et de la libération qui viennent de Dieu, nous pouvons nous relever. Écoutons comme expression de la volonté de Dieu cet autre texte de ce jour, au livre du Deutéronome 26, 4-11 :

4Le sacrificateur prendra la corbeille de ta main et la déposera devant l'autel du Seigneur, ton Dieu.  5Et toi, tu diras devant le Seigneur, ton Dieu : 

« Mon père était un Araméen nomade ; il descendit en Égypte avec peu de gens pour y séjourner en immigré ; là, il est devenu une nation grande, forte et nombreuse.  6Les Égyptiens nous ont maltraités, affligés et soumis à un dur esclavage.  7Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos ancêtres. Le Seigneur nous a entendus et il a vu notre affliction, notre peine et notre oppression. 8D’une main forte, d’un bras étendu, par une grande terreur, avec des signes et des prodiges, le Seigneur nous a fait sortir d'Égypte. 9Il nous a amenés dans ce lieu et il nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel. 10Maintenant j'apporte les prémices du fruit de la terre que tu m'as donnée, ô Éternel ! »

Tu les déposeras devant le Seigneur, ton Dieu, et tu te prosterneras devant le Seigneur, ton Dieu.  11Puis tu te réjouiras, avec le lévite et avec l'immigré qui sont en ton sein, pour tous les biens que le Seigneur ton Dieu t'a donnés, à toi et à ta maison.
 

CHANT 43-01, p.634, str. 3
 

LA PRIÈRE D'ILLUMINATION
 

Seigneur notre Dieu, vient habiter nos cœurs par ton Esprit, pour qu’ils s’ouvrent à ta Parole, car cette Parole est venue habiter parmi nous en ton Fils Jésus-Christ, lui qui est la voie, la vérité, la vie.
 

CHANT 35-03, Toi Saint-Esprit lumière qui vient, p. 476, str. 2
 

LA LECTURE , LA PRÉDICATION: paragraphe à part et aussi à télécharger
 

MUSIQUE
 

LA CONFESSION DE FOI
 

À travers tous les temps, nous confessons notre foi.

Avec Myriam : Chantez à l’Éternel car il a fait éclater sa gloire !

Avec Déborah : l’Éternel marche au-devant de toi !

Avec Ruth : Où tu iras j'irai, là où tu passeras la nuit, je passerai la nuit, ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu.

Avec la veuve de Sarepta : Je reconnais maintenant que tu es un homme de Dieu, et que la parole de l'Éternel dans ta bouche est vérité.

Avec l’amoureuse du Cantique : Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi.

Avec Marie de Nazareth et Élizabeth : Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole. Il a déployé le pouvoir de son bras, il a dispersé ceux qui avaient des pensées orgueilleuses, il a renversé les puissants de leurs trônes, élevé les humbles, rassasié de biens les affamés, renvoyé les riches les mains vides. Heureuse celle qui a cru !

Avec celle qui souffrait dans la foule : Si je puis seulement toucher ses vêtements, je serai guérie !

Avec la Cananéenne : Oui Seigneur, même les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des enfants.

Avec la Samaritaine : Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait, ne serait-il pas le Christ ?

Avec Marthe : Oui Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui vient dans le monde.

Avec Marie de Magdala, Jeanne, Marie la mère de Jacques et Salomé : Rabbouni ! J’ai vu le Seigneur. Il est ressuscité d’entre les morts, il vous précède en Galilée, là vous le verrez.

AMEN
 

CHANT 33-02, Voici l’annonce du salut, p.399, toutes les strophes
 

LES ANNONCES 
 

L'OFFRANDE Que l’offrande soit bénie et que l’Évangile soit annoncé !
 

LA PRÉFACE
 

Sans nous arrêter aux seules choses visibles, élevons nos esprits et nos

cœurs en haut où Jésus-Christ est à présent dans la gloire de son Père,

et d’où nous l’attendons avec espérance et dans l’assurance du salut

qu’il nous a acquis.

Oui, vraiment il est digne et juste 

et c’est notre bonheur, Seigneur notre Dieu et notre Père,

de t'adorer partout et à tout moment.

C’est notre joie de te rendre grâce pour Jésus-Christ ton Fils.

Sa venue dans le monde

a fait lever l'aube de ton règne d'amour.

Humain parmi les humains,

vivant jusqu'au bout ton pardon et ta paix,

il nous a fait découvrir notre véritable humanité.

Condamné au supplice de la croix,

il s'est dépouillé

de tout pouvoir et de tout prestige,

pour nous rendre libres de te servir.

Ressuscité,

il est le messager d'un monde nouveau,

d'où toute oppression, toute larme et tout mal

disparaîtront.

C'est pourquoi, avec celles et ceux qui ont vécu et proclamé

cette espérance pendant tant de siècles,

avec ton peuple assemblé ici et partout,

nous célébrons ton nom et nous te chantons.

CHANT 62-46, Saint saint saint, p.989, une seule strophe
 

L'INVITATION
 

« Heureux ceux qui sont appelés au festin des noces de l’Agneau ! »

Venez car tout est prêt.
 

L'INSTITUTION
 

Pendant le repas, Jésus prit du pain

et, après avoir rendu grâces,

il le rompit et le donna à ses disciples en disant :

“Prenez, mangez, ceci est mon corps.”

Ayant aussi pris la coupe et rendu grâces,

il la leur donna en disant :

“Buvez-en tous, car ceci est mon sang,

le sang de l’alliance qui est répandu pour la multitude, pour le pardon des péchés.

Je vous le dis, désormais, je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le

boirai, nouveau,

avec vous, dans le Royaume de mon Père.”
 

LA PRIÈRE EUCHARISTIQUE ET LA PRIÈRE D'INTERCESSION 
 

Nous prions :

Père, autour de cette table,

nous nous souvenons de Jésus-Christ :

il a habité parmi nous, il a donné sa vie pour nous.

Nous nous réjouissons de sa résurrection

qui nous donne l’assurance de sa présence auprès de nous,

tous les jours et, en particulier,

à cette table où il nous invite.

Nous attendons le jour où ton règne sera établi

sur l’univers tout entier.

Que nous puissions, par ton Esprit,

communier au corps et au sang de ton Fils

et qu’ainsi, unis à lui,

nous portions la lumière, la paix et l’espérance.

Fais toutes choses nouvelles dans nos cœurs

et dans le monde pour lequel nous intercédons :
 

Dans ces jours d'épreuve, notre âme soupire après toi, ô Dieu ; nous sommes venus ici chercher ta Parole et tu as nourri nos âmes de ses consolations. Béni sois-tu pour la lumière que tu verses sur ces jours sombre et pour la force que tu accomplis dans notre faiblesse.

Permets que nos cœurs portent maintenant devant toi leur angoisse et leur espérance.

Nous te prions pour les familles arrachées à leur foyer, jetées dans la solitude ou dispersées par la captivité, la réquisition ou l’exil ; pour celles que la mort a mutilées et que ton amour enveloppe d’une éternelle espérance.

Pour que les familles et les communautés puissent se rassembler, quelles que soient les conditions politiques, économiques ou de migration, et pour que nous-mêmes nous sachions y accueillir ceux qui ont besoin de chaleur et d'amitié, Seigneur, nous te prions.
 

Nous te prions pour les prisonniers, pour nos frères et nos sœurs privés de leur liberté. En leur donnant le pain du corps et le pain de l’âme, arme-les de patience et de foi, afin que l’épreuve forge leurs âmes et qu’ils nous reviennent plus forts, unis et croyants.

Pour que chaque homme, chaque femme, chaque enfant soit respecté dans sa conscience, dans ses convictions, dans sa dignité, non seulement par les États, mais aussi par nous-mêmes dans notre travail, dans nos familles, dans nos loisirs, Seigneur nous te prions.
 

Nous te prions pour nos Églises, rare asile où nous respirons encore une atmosphère de paix et d’espérance ; maintiens-les debout, ces maisons de Dieu, à l’heure où chancellent toutes les constructions des humains.
Pour que chaque pays, chaque groupe, chaque personne ait les moyens d'être entendu et pour que nous-mêmes nous nous engagions à nous exprimer lorsque cela est nécessaire, Seigneur nous te prions.


Nous te prions pour tous les pays, donne à ceux qui sont responsables devant toi de leur avenir, un esprit de service et de fidélité, afin que leur labeur prépare avec et pour les peuples des lendemains d’indépendance, de justice et paix ; fait que les dirigeants soient toujours rattrapés par ta justice et ne puissent l’oublier à jamais.

Pour que les livres, la presse, les émissions de radio et de télévision et les réseaux sociaux permettent aux peuples de se connaître et de s'apprécier chaque jour davantage et pour que nous-mêmes nous sachions nous ouvrir à d'autres cultures que la nôtre, Seigneur nous te prions.

Enfin, Seigneur, nous te prions pour tous les humains, aujourd’hui dressés les uns contre les autres. Dans le tumulte des armes et l’exaspération de la haine, ne nous laisse pas oublier que notre Seigneur Jésus-Christ est mort pour tous, afin que tous soient réconciliés en lui.

Nous te remettons enfin dans les secrets de nos cœurs, celles et ceux auxquels nous pensons particulièrement et que ton amour a confiées à notre amour (SILENCE).

Et avec tous les témoins de tous les temps et de tous les lieux nous t’adressons la prière que ton Fils nous a enseignée :

NOTRE PÈRE
 

LA FRACTION
 

LA COMMUNION
 

L'ACTION DE GRÂCE

Mon âme, bénis l’Éternel, et n’oublie aucun de ses bienfaits !
 

L'EXHORTATION ET LA BENEDICTION
 

Le Seigneur de la paix vous donne lui-même la paix en tout temps, de toute manière ! Le Seigneur est avec vous tous !
 

MUSIQUE

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LA PRÉDICATION

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Église Protestante Unie de Port-Royal Quartier Latin, Temple de Port Royal

Culte du 9 mars 2025

LA PRÉDICATION, par Paul Knall-Demars
" ce possible qui palpite sous l'écorce du monde"


 

 

 

 

LA LECTURE
 

Lecture de l’évangile pour ce dimanche, dans Luc, 4, 1-10 :
 

1Jésus, rempli d’Esprit saint, revint du Jourdain et fut conduit par l'Esprit au désert, 2où il fut mis à l’épreuve par le diable pendant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ils furent achevés, il eut faim.  3Alors le diable lui dit : Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre de devenir du pain.  4Jésus lui répondit : Il est écrit : L'être humain ne vivra pas de pain seulement.
5Le diable, l’ayant élevé, lui montra en un instant tous les royaumes de la terre habitée. 6Et le diable lui dit : Je te donnerai toute cette autorité et la gloire de ces royaumes ; car elle m'a été livrée, et je la donne à qui je veux. 7Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi.  8Jésus lui répondit : Il est écrit : C’est devant le Seigneur, ton Dieu, que tu te prosterneras, et c’est à lui seul que tu rendras un culte.
9Et il le conduisit à Jérusalem, le plaça sur le haut du temple et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi d'ici en bas ; car il est écrit : Il donnera à ses anges des ordres à ton sujet, afin qu'ils te gardent ; 11et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte contre une pierre.
12Jésus lui répondit : Il est dit: Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur, ton Dieu.
13Après avoir achevé toute la mise à l’épreuve, le diable s'éloigna de lui jusqu’à un moment favorable.


MUSIQUE
 

LA PRÉDICATION, Par Paul Knall-Demars
 

Après que l’Esprit saint est descendu sur lui lors de son immersion dans les eaux du Jourdain, Jésus empli de ce même Esprit est conduit par lui (et même plus précisément en lui) dans le désert, le lieu de la solitude à l’écart des villes et de l’agitation humaine. Le désert, c’est aussi le lieu de la rencontre du peuple avec son Dieu après la sortie de l’Égypte et de l’esclavage. Ici, les quarante ans d’errance avant d’atteindre la terre promise sont symboliquement reflétés par l’évangéliste dans ces quarante jours de jeûne et de mise à l’épreuve. Ce temps n’est pas raconté, peut-être pour laisser peser tout le poids de cette solitude d’un homme dans son désert, en prise avec lui-même, ou en dialogue seul à seul avec son Dieu… Mais aussi donc, dans un face à face éprouvant avec l’autre que l’on peut y rencontrer, ici le diable. Ainsi la plupart des épreuves que ce dernier fait subir à Jésus resteront secrètes. 

Seuls nous sont rapportés les trois ultimes échanges. Là, le diable, c’est-à-dire le « diviseur » d’après ce nom grec, ou « l’accusateur » d’après l’hébreu satan, joue en effet bien son rôle pour intenter une sorte d’ultime procès, autre sens de la mise à l’épreuve, prétendant passer au crible la puissance supposée de cet homme que la voix divine entendue au baptême a proclamé « Fils ».

Ce qui se joue alors dans ce passage, c’est la définition de cette filiation : qu’implique-t-elle concernant la nature de la mission dans laquelle Jésus va se lancer dans la suite du récit ?

Pour les premières communautés de croyants, la question épineuse et fondamentale de la messianité de Jésus constituait un point de tension avec les autres Judéens et auprès des convertis greco-romains d’autant plus qu’elle s’était accomplie, proclamaient-ils contre toute logique et attente, par une mort infâme sur une croix, suivie de la Résurrection, et non par la prise des armes pour libérer le peuple du joug impérial et rétablir avec la royauté la souveraineté d’Israël. 

C’est donc dès avant le début de sa carrière publique comme prêcheur itinérant que Jésus, pour Luc comme pour Matthieu et Marc, qui racontent aussi l’épisode du désert, doit être identifié comme le Messie qui devait accomplir les Écritures, en pleine obéissance à la mission de son Père, même si cet accomplissement paradoxal ne pouvait a priori combler les attentes projetées sur la figure tant espérée du Sauveur.
 

Suivons alors les trois étapes de ce dialogue.
 

Comme Matthieu, Luc commence par la preuve exigée à travers le miracle de la transformation d’une pierre en pain. C’est donc dans l’immédiateté du ressenti humain, dans l’épreuve de la faim qui, on l’imagine, creuse à cet instant au plus profond de son être, que Jésus est d’abord sommé de démontrer que sa faiblesse n’est en sorte qu’une broutille, une illusion qu’il peut faire disparaître par sa simple volonté de Fils de Dieu et ses pouvoirs miraculeux. Il serait en bon droit de satisfaire ses besoins. Après tout, Dieu n’a-t-il pas fait tomber la manne et les cailles dans le désert pour nourrir un peuple autrement plus ingrat et qui regrettait déjà la nourriture d’Égypte malgré la servitude ? Mais par sa réponse Jésus assume pleinement cette humanité dans sa faiblesse, il est à l’initiative dans la citation des Écritures, reprenant ainsi ce passage du Deutéronome, dans le discours de Moïse qui rappelle les épreuves traversées par le peuple et la raison de son observance des commandements, je le cite :

« Tu te souviendras de tout le chemin que le Seigneur, ton Dieu, t’a fait parcourir pendant ces quarante années dans le désert, afin de t’affliger et de te mettre à l’épreuve, pour savoir ce qu’il y avait dans ton cœur, pour voir si tu observais ou non ces commandements. Il t’a donc affligé, il t’a fait souffrir de la faim et il t’a nourri de la manne que tu ne connaissais pas et que tes ancêtres n’avaient pas connue, afin de t’apprendre que l’humain ne vit pas de pain seulement, mais que l’humain vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur ».

Le contexte de cette citation, en arrière-fond, nous amènerait sans doute à conclure que pour Luc, si c’est le diable qui met à l’épreuve Jésus ici, il ne peut cependant agir en dehors d’une volonté et d’une intelligence qui le surpasse, puisque dans le texte du Deutéronome c’est Dieu lui-même qui envoie l’épreuve et la faim au peuple. 

Autrement dit, Jésus répond ainsi que l’épreuve n’est pas l’annulation et la rupture de la relation à Dieu, mais qu’elle peut même en être le passage, voire l’approfondissement : au bout du compte Dieu a bel et bien envoyé la manne, inespérée, nouvelle, inattendue, inouïe comme l’est le salut au bout du chemin de croix et le tombeau vide. Mais pour aller au tombeau, il faut bien accepter la pierre qui le scelle, la pierre de la dureté du monde et de ses cruautés qu’il ne s’agit pas de nier par un coup de baguette magique ou en s’illusionnant sur sa réalité. Aussi « l’homme ne vivra pas de pain seulement » : on ne peut certainement pas reprocher à Luc d’ignorer les besoins matériels des pauvres, il est sans doute l’évangéliste qui insiste le plus sur cette dimension du message de Jésus. Mais avec le besoin matériel vient aussi toujours une exigence de justice et de dignité qui prend en compte l’humain dans toutes les dimensions de son être, morale et spirituelle, que la seule aumône et bienfaisance des nantis, pour la bonne conscience, ne saurait satisfaire. La vie de l’humain ne saurait être réduite à sa condition, celle de pauvre ou de riche, et à la relation de manque et d’inégalité entre eux, puisque c’est l’irruption de la Parole de Dieu, au cœur de tous les manques, dans tous les creux de la faim physique et spirituelle, qui redresse l’humain et lui rend sa plénitude. L’humain a besoin de son pain quotidien, d’un minimum de bien-être physique et psychologique sans quoi toute vie sociale et possibilité de croître dans le bonheur se trouvent fortement empêchées, mais aussi (c’est là le sens du mot dans la prière du Notre Père) d’un pain « sur-essentiel », plus essentiel encore donc, qui touche à la dimension d’éternité qui n’est pas réduite à l’être social, ni au besoin de simple survie, presque animal, auquel le règlement absurde de nos dogmes économiques et politiques réduit une partie toujours trop immense de l’humanité. 

Jésus fait corps avec celle-ci, pour la nourrir, au plus profond, de ce pain de vie. Ainsi donc pour la première épreuve.
 

Contrairement à Matthieu, Luc place à la fin l’épreuve à Jérusalem au sommet du temple : le danger du pouvoir spirituel serait-il ainsi dénoncé comme plus grand et redoutable que celui des pouvoirs terrestres ?

Mais d’abord donc, voilà que le diable contrefait l’agilité de l’Esprit, du souffle qui a conduit Jésus au désert, dans l’abaissement de la solitude et de la faim ; l’accusateur lui le conduit en haut, l’élève, bien décidé à contrer la physique de la grâce qui va au cœur de l’humain isolé, par celle contraire d’une gloire mensongère, mondiale, illusoire. Matthieu précise « sur une haute montagne », mais l’imprécision chez Luc apparaît d’autant plus forte : on peut imaginer une vision, ou une ascension céleste. Le diable contrefait aussi la puissance libératrice et l’élargissement de l’horizon que donne le souffle de Dieu, en produisant « en un instant » la vision des royaumes du monde, ainsi que la gratuité du don de Dieu, en se présentant grand seigneur pouvant remettre à qui il veut l’autorité qu’il a reçue. Hypocrisie et mensonge cependant car la condition est la prosternation : quel coup porté à tous les chefaillons du monde ! Ils peuvent croire que leur domination fait d’eux autre chose que des à-plat-ventris face à la puissance de la division (incarnée par le diable du récit) de la séparation, de l’écart insupportable entre la justice et le bien que tout humain sent au fond de lui-même confusément qu’il devrait être, et le fait accompli de la force aveugle et écrasante, de la course à la ruine des volontés de puissance, d’hégémonies, de profits prédateurs. La condition de vos règnes, rois terrestres et puissants du monde, c’est d’avoir abdiqué votre responsabilité qui vous reliait à vos frères et sœurs en humanité. 

Non, le Messie lui n’oblitérera pas Rome sous un feu nucléaire, il ne remplacera pas le trône et le sceptre par les siens, pour qu’un empire succède à un autre, même si ses lointains disciples eux ne se priveront pas de le faire, pensant qu’on peut concilier et même fusionner l’empire et la croix. À nous alors de nous prémunir constamment de faillir en cédant à la volonté de domination, à nous de nous rappeler que nous sommes dans le monde, responsables et agissants, sans être du monde, sans nous plier à la force du fait accompli et de la fatalité, et des illusions des grandeurs qu’il nous montre comme allant de soi. Sans non plus succomber au désespoir face à l’adversité de ces puissances qui se veulent les maîtres incontestés de ce monde-là, et de ne laisser plus de place alors en nous qu’à un désir de destruction de cet ordre injuste, en une fuite en avant désespérée qui oublierait de motiver notre lutte par un désir positif d’établir cet autre possible, ce royaume de Dieu auquel nous aspirons. Mais au contraire, nous faut alors savoir solliciter plus encore le désir du meilleur plutôt que le regret et la haine du mal, l’amour de ce qui a pu être accompli malgré tout, et le désir de le préserver et de le faire grandir, par tous les moyens de solidarité active que nous avons en nos mains, même sans ignorer la colère et la tristesse qui ont pu motiver la révolte au départ. 

À nous aussi de nous souvenir que, comme le dit l’apôtre, notre citoyenneté est dans les cieux, ce possible qui palpite toujours sous l’écorce du monde, d’où nous attendons et avons espoir en notre seul maître qui nous a libéré de toute servitude ; que cette république-là ne fait acception de personne et ne discrimine en rien, se joue des frontières, des castes, des conflits des nations, des épurations identitaires délirantes.

Et alors oui, on ne se prosterne et on n’adore, c’est-à-dire on ne voue son être et son amour le plus substantiel qu’à celui qui ouvre la voie de cette réalité plus authentique que le rêve des riches irresponsables qui est le cauchemar dans lequel vit le reste d’entre nous. Une réalité à venir et toujours déjà en train d’émerger, dont on reconnaît qu’elle nous dépasse toujours, mais ne nous écrase pas comme le font les tyrans du « pas d’alternative », qui au contraire nous anime et nous pousse plus avant.
 

Enfin donc, l’ultime test. Satan doit bien se dire : si donc Jésus tu renonces à cette autorité trop basse et mondaine, certainement tu affirmes ta supériorité et ta royauté céleste : démontre enfin ta domination spirituelle, surplombante comme le pinacle de ce temple, l’endroit le plus sacré du peuple. Montre ton statut éclatant de Fils de Dieu, et vois, moi aussi je peux citer les Écritures, je connais leur autorité. Ne les confirmeras-tu pas en te faisant servir et protéger par des escortes angéliques ?

Ô combien les forces de la division et de l’accusation savent en effet user des Écritures, savent se draper de l’autorité spirituelle ! Quelle mise en garde pour nous, incitant à toujours discerner, interroger, relire, réentendre, pour ne pas laisser la Parole captive entre les mains des institutions ou des autorités toujours faillibles et trop promptes à rechercher la conservation de leur propre pouvoir et pré carré. Pire, qui voudraient se rendre maîtres des consciences, plutôt que de se laisser bousculer, entraîner dans la radicale remise en cause de soi-même et l’exigence de justice que cette Parole fait résonner malgré toute tentative de l’étouffer.  

Jésus ne s’empare pas d’une autorité toute faite pour se préserver superbement de la pierre qui l’attend sur son chemin, encore elle, la pierre d’achoppement où Dieu renverse nos attentes sur ce que la gloire du Fils signifie. La démonstration du miracle, du prodige, pour le seul souci du miracle et du prodige, pour simplement faire montre de sa puissance, est une vanité qui n’accomplit en aucune façon la mission du Christ telle qu’il la proclamera dans sa première prédication à Nazareth racontée dans la suite de l’évangile juste après notre épisode : porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer leur libération aux prisonniers, rendre la vue aux aveugles, délivrés les opprimés. Voilà l’accomplissement des Écritures. Suivant alors en disciples les pas d’un Dieu fait homme qui a partagé nos joies et nos peines et qui est venu nous délivrer, notre foi, c’est-à-dire notre fidélité, que sans mérite de notre part et sans avoir eu à faire nos preuves (contrairement à ce qu’entreprend le diable avec Jésus) nous avons reçu de Dieu, cette foi trouve son éclat et sa confirmation, non pas dans une sainteté sûre d’elle-même et surplombante, mais dans le service du prochain et dans le réconfort et l’affermissement mutuel. Le commandement d’amour les uns pour les autres ne dit pas autre chose que la conscience que nous ne sommes pas des héros solitaires mais des frères et sœurs formant un même corps vivant et aussi invisible où circule le souffle sacré qui nous lie.
 

Dans la finale de notre texte, Jésus donne peut-être par sa dernière réponse scripturaire la révélation de son identité divine qui lui est tant réclamée : « tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur, ton Dieu » (on comprend alors le choix d’agencement de Luc). Jésus sous-entendrait ainsi que ce Seigneur et lui sont un, si on comprend qu’il se réfère à l’épreuve qu’il subit, mais on peut aussi comprendre qu’il se réfère à Dieu son Père qui devait, selon l’Écriture que lui soumettait le diable, envoyer ses anges pour le porter s’il se précipitait du haut du temple. Dieu devrait alors en quelque sorte prouver sa puissance d’intervention. En tous les cas c’est, précisément, en ne se pliant pas aux trois suggestions diaboliques (effacement de son humanité et du partage de la souffrance, domination politique et gloire mondaine, démonstration gratuite de puissance et abus d’autorité spirituelle) que Jésus peut affirmer simplement cette sentence, cette intimité du Fils à son Père. Aussi nous-même, avec notre propre satan intérieur, une part de nous-même peut être sensible à ces suggestions. Le risque serait en effet de vouloir mettre Dieu au diapason de nos attentes, de le soumettre à un test d’efficacité et de l’emplir de fantasmes reflétant des désirs de vengeance, de rétribution immédiate, d’accomplissement parfait de notre personne à n’importe quel prix, dans les domaines social, spirituel, intime, ou autres. C’est aussi le risque, à cause de la recherche d’une gloire illusoire, du dégoût de soi-même qui en résulte et avec lui toute attitude aussi autodestructrice que de se jeter du haut d’un temple… Mais la Parole, sur la bouche de Jésus et incarnée dans toute sa vie et sa mort pour nous, vient alors nous délivrer de cette part illusoire. Les premières communautés des croyants ont eu à se défaire elles-mêmes de l’attente du Messie guerrier et roi terrestre, non sans disputes internes, avant de chercher à convaincre à l’extérieur que le Sauveur était celui qui a subi l’injustice des créatures de Dieu, qui est descendu jusque dans la tombe, avant de se relever. Nous avons, nous, toujours à réapprendre ce message inouï et à nous laisser toujours réformer intérieurement par l’Esprit qui a porté Jésus au désert et qu’il a transmis, cet Esprit qui donne son sens toujours neuf et vivant aux Écritures, et ne les enferme pas dans une autorité sclérosée, qui nous fait éprouver la faim de la justice et de l’amour, non pour se satisfaire en soi-même mais pour devenir plus proche des autres en partageant leur faim de justice et d’amour, de sorte que nous pouvons alors agir et servir en toute confiance et liberté, par la légèreté de la grâce enfin retrouvée, en se connaissant mutuellement comme des quémandeurs de l’Esprit.
 

Notons la toute fin de notre texte. Le diable peut alors quitter la place, attendre vainement le prochain moment opportun, favorable, le kairos en grec : Luc écrit ici avec une ironie pleine d’espérance. En effet c’est quand le Satan pensera avoir enfin attaquer au bon moment pour faire taire définitivement Jésus sur le bois de la croix, que ce jouera précisément le moment favorable, le moment de bascule de l’histoire où c’est en fait la mort qui est vaincue, et où la puissance hostile du monde qui s’est acharnée sur le juste souffrant, par la violence des occupants militaires couplée à la lâcheté des autorités spirituelles et à la trahison et l’abandon des proches, est mise à nue et remise à sa place, dépassée par la vérité d’un amour offert jusqu’au bout et qui se relèvera au troisième jour.
 

Frères et sœurs, ayons la ferme assurance que c’est Dieu le premier qui est venu éprouver en lui-même l’humanité, pour que nous n’ayons plus jamais à exiger de preuves d’un dieu imaginaire qui satisferait à tout ce que nous avons de plus déchus en nous, ce poids de la condamnation et de la division qui semble triompher en ces derniers jours. Il l’a éprouvé en devenant le souffle rafraîchissant de notre désert, le pain de la vie pour tous les cœurs affamés, le fondement d’un Royaume sans frontière ni tyrannie, la pierre d’angle d’un temple durable qui abritera dans la joie commune tous les esprits des cieux et de la Terre.
 

Hâtons-nous d’éprouver cet amour.
 

AMEN

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