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Les protestants des 13e et 5e arrondissements de Paris. Temple de Port Royal & Maison Fraternelle

Prédication lors de la prière pour l'unité, 18 janvier 2025

Par le pasteur Robert Philipoussi



Prédication lors de la prière pour l'unité, 18  janvier 2025

Lecture du Nouveau Testament 

Jean 11,17-27 (Nouvelle Bible Segond)

 

A son arrivée, Jésus constata que Lazare était déjà dans le tombeau depuis quatre jours. Or Béthanie était proche de Jérusalem, à quinze stades environ.  Beaucoup de Juifs étaient venus trouver Marthe et Marie pour les réconforter au sujet de leur frère.

Lorsque Marthe eut entendu dire que Jésus arrivait, elle vint au-devant de lui, tandis que Marie restait assise à la maison.  Marthe dit à Jésus : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort !  Mais maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera. Jésus lui dit : Ton frère se relèvera. Je sais, lui répondit Marthe, qu'il se relèvera à la résurrection, au dernier jour. Jésus lui dit : C'est moi qui suis la résurrection et la vie. Celui qui met sa foi en moi, même s'il meurt, vivra ; et quiconque vit et met sa foi en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? Elle lui dit : Oui, Seigneur, moi, je suis convaincue que c'est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde.

 

 

 

 

Prédication par le pasteur Robert Philipoussi

 

Si les mots français " tombe" ou tombeau, n'ont rien à voir avec le verbe tomber, choir, mais désignent un tumulus, une proéminence de terre qui en général recouvre une sépulture; en grec, c'est plus directement significatif : c'est un mot qui signifie souvenir.

On pourrait donc faire une fausse- mais aussi une très belle- traduction de ce premier verset de notre récit pour aujourd'hui: 

A son arrivée, Jésus constata que Lazare était déjà dans le souvenir depuis quatre jours. Alors d'emblée, frères et sœurs, je veux nous offrir un moment de silence pour penser à ceux et celles qui sont dans nos cœurs et dans nos souvenirs. (...)

 

Nous souvenir de ceux et de celles qui comme on dit nous ont quittés; comme on le dit d'ailleurs d'une façon mal appropriée, puisqu'on pourrait aussi bien- ou aussi mal- dire: que nous avons quittés, lorsque nous avons poursuivi, sans eux, sans elles, le chemin de notre existence. En réalité, personne n'a quitté personne. En fait, il n'y a pas de mot suffisant pour désigner cette réalité -là, celle de la mort, de quelqu'un que l'on connait; ou que l'on connaissait, puisque là aussi, nous sommes embarrassés pour choisir le temps approprié pour dire la relation qui nous unit, ou qui nous unissait?- avec quelqu'un qui est mort.

 

Le souvenir, c'est-à-dire ce qui vient en dessous de la conscience habituelle des faits et des gestes de notre présent; le souvenir, c'est la moindre des choses que nous pouvons faire, pour maintenir le lien avec celui ou celle qui a fait partie de notre existence commune. 

C'est le moindre des hommages, quand nous en avons encore la capacité, de laisser sous-venir, la présence de quelqu'un qui a disparu. Cette moindre des choses, c'est ce que nous faisons. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, dans ces moments-là, nous n'avons aucun autre moyen, aucun autre choix, aucune autre possibilité. 

Et heureusement que nous le faisons. 

Merci à ceux et celles qui maintiennent cette flamme du souvenir, par des cérémonies parfois, par des histoires en famille, souvent. Mais l'on sait, et on est obligé d'accepter que cette flamme un jour vacillera, quand les générations se seront égrenées, l'on sait que, cette flamme s'éteindra, quand plus personne n'entretiendra cette tombe, avec des noms inscrits dessus, des noms devenus des noms d'inconnus. 

 

Frères et sœurs, l'évangile que nous avons en commun vient bouleverser tout ça. 

On lit plus haut dans ce chapitre de Jean que Jésus aimait Lazare, celui qui est mort, et qu'il aimait aussi Marthe et Marie, ses deux sœurs. Mais il se trouve que Jésus aime toujours Lazare, celui qui est mort, il l'aime toujours son ami et il l'aime toujours au présent le plus pur. 

Sa venue sur le lieu du souvenir n'est pas pour rendre hommage, ni même pour consoler ses deux autres amies. Jésus n'est pas dans le souvenir, ni même dans la consolation.

Son évangile, contrairement à celui de ses pères, n'est pas une religion du souvenir- le souvenir des hauts faits du Seigneur, le souvenir de la libération de l'esclavage-; son évangile n'est même pas, dans sa qualité première, dans son émergence brute dont notre texte est le magnifique témoin, n'est même pas une religion quand celle-ci ne serait toujours, dans ses formes, qu'une mise en scène du souvenir. 

L'évangile de Jésus est la bonne nouvelle du Règne de Dieu. Ce règne est l'éternité de Dieu plantée dans le cœur de chacun et de chacune, comme un témoignage incandescent que nous sommes là, immédiatement, dans la communion des saints, avec la grande nuée des témoins, celle qui traverse nos conceptions de l'espace et du temps, que nous sommes ici et maintenant bien au-delà de la chronologie je dirais, administrative et bien humaine, de notre existence. 

L'évangile de Jésus, à Béthanie, vient dire, montrer, faire ça. Nous faire sentir que sommes tous et toutes bien au-delà et bien plus aimés que ce que nos plus belles cérémonies du souvenir pourraient en témoigner. 

L'essence de la bonne nouvelle, mais qui est véritablement neuve et qui va bien au-delà de la pratique du souvenir, qui va même bien au-delà de la croyance commune en un devenir, c'est-à-dire la croyance en la résurrection à la fin des temps- initialement confessée par Marthe, l'essence, l'incandescence de la bonne nouvelle véritablement neuve, inouïe, surgit quand Jésus répond à Marthe qu'il est lui-même  la résurrection et la vie. 

Ici, maintenant, le règne de Dieu, la communion des saints qui dépasse l'espace et le temps et le souvenir, et l'espérance, c'est lui. 

L'évangile selon Jean inonde de cette nouveauté et vient bouleverser les conceptions précédentes au sujet de Jésus; dans les trois autres évangiles , Jésus est présenté différemment, comme le Messie attendu et reçu, sans nul doute, mais justement comme celui qui était « attendu » donc pré-conçu. Ici, et particulièrement dans notre récit, s'il est le Messie, c'est un Messie, un Christ, complètement inattendu. Il n'annonce pas la résurrection et la vie, il est lui-même la résurrection et la vie.

Crois-tu cela, demande Jésus à son amie Marthe. Celle-ci répond oui. Je suis convaincue que c'est toi qui est le Christ, le fils de Dieu, celui qui vient dans le monde.

Mais pour répondre cela, elle a du changer deux fois. La première fois en quittant son rôle d'organisatrice du deuil et du maintien du souvenir de son frère. La seconde fois en se rendant compte que la résurrection ce n'est même plus une affaire de la fin des temps.

 

Crois-tu cela ? Qu'au fond de toi, Dieu a planté sa tente, comme le dit le prologue de Jean ? Et que de là, tout découle, puisqu'au fond de toi, son incandescente éternité se loge, même si tu n'en a pas conscience, puisque la routine de tes jours, les disparitions, ton propre effacement, ta lutte incessante pour maintenir le souvenir de ce qui t'est important, ou de qui t'est important, toutes ces choses, ces pratiques nécessaires te maintiennent dans la chronologie et au mieux dans l'espérance de jours meilleurs.

Crois-tu cela, que, si tu dois pratiquer et entretenir la flamme du souvenir, de ceux et celles que tu aimes, as aimé, qui t'ont aimés, puisque oui, c'est bien cela que tu dois faire puisque tu vis dans ce monde et que c'est ta responsabilité humaine, que c'est ta moindre des choses, tu dois aussi, sans cesse, non plus uniquement te souvenir, mais rehausser, réveiller , promouvoir et oui faire sur-venir la présence éternelle de Dieu en toi, celle qui te rend, par définition éternel, puisque « en sa compagnie »: elle aussi éternelle, une compagnie qui va bien au-delà de tes dates de naissance et de mort, inscrites sur une tombe.

Lazare se relèvera. La mort n'a plus le même sens. N'est plus ce sens inter- dit, interdit de dire quoi que ce soit. Elle n'a pas disparu. Elle n'est juste plus au centre de tout. Le centre incandescent est, a toujours été sera toujours, la vie de Dieu plantée dans ton existence. 

 

AMEN


 

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